UNIVERSITES

Faire réussir ses étudiants c’est possible : l’exemple de l’université d’Angers

C’est « l’université de la réussite » ! Chaque année en tête du classement des universités qui font le mieux réussir ses étudiants, l’université d’Angers le doit à toute une série de dispositifs innovants. Les explications de son président, Christian Roblédo. 

Olivier Rollot : Avec 60% d’étudiants qui réussissent à obtenir leur licence en trois ans l’université d’Angers est celle qui fait le mieux réussir ses étudiants en France. Une simple question : comment faites-vous ?

Christian Roblédo : C’est le fruit de toute une série de dispositifs que nous avons mis en œuvre en insistant sur l’information, l’accompagnement et l’accueil des étudiants. Il y a des années que nous travaillons avec les lycées du département pour déminer les problèmes avant l’entrée à l’université. Ensuite un guichet InfoCampus est le point d’information unique pour aider tous les nouveaux étudiants à s’installer. Une fois dans l’université tous les étudiants ont des professeurs référents et certains bénéficient d’un système de tutorat encadré par des étudiants.

Pas de recette miracle mais beaucoup de travail pour favoriser la réussite des étudiants dans une université qui est à la fois ouverte aux innovations et ancrée dans son territoire. Le tout avec un fort degré de professionnalisation.

O R : Mais comment motivez-vous vos enseignants-chercheurs à être innovants pédagogiquement quand on sait à quel point cela importe peu dans leur déroulement de carrière ?

C. R : Effectivement la façon dont les carrières sont évaluées par le Conseil national des universités reste très marquée par le poids de la recherche. Mais l’implication pédagogique est également de plus en plus prise en compte. Depuis cette année les maîtres de conférence doivent même être formés à la pédagogie pour évoluer. A mesure que la question de la réussite des étudiants devient un sujet essentiel, les questions pédagogiques reviennent au centre des problématiques des universités.

Nous avons besoin d’enseignants investis dans la réussite des étudiants et conscients de l’évolution du public. Quand il y a du Wi-Fi partout, comme c’est le cas chez nous, même le plus captivant des enseignants doit faire face à un public qui a accès à l’Internet et qu’il faut capter.

O. R : Comment faites-vous pour captiver un public qu’on dit de moins en capable de se concentrer ?

C. R : En relançant l’attention pendant le cours grâce à des boîtiers de vote ou des questions à poser à l’enseignant via Twitter. De la même manière, avec le système de correction par les pairs, on fait des étudiants les acteurs de leur formation. Quand on propose des exercices en cours magistraux, la distinction avec les travaux dirigés évolue. A l’initiative des enseignants nous avons créé le dispositif « Fenêtre sur cours » qui leur permet d’ouvrir leurs cours à tous les personnels qui souhaitent y assister et s’en inspirer. C’est ainsi que des communautés de pratique se construisent et qu’il devient naturel d’expérimenter au point que c’est aujourd’hui l’un des axes politiques de l’université.

O. R : La « concertation sociale » réformant l’entrée en licence des bacheliers est arrivée à son terme. Qu’en attendez-vous ?

C. R : Le projet Thélème, que nous menons avec l’université du Mans et qui vient d’être récompensé dans le cadre de l’appel à projet « nouveaux cursus », est tout à fait dans la lignée des nouvelles mesures de réussite en licence. Il ne s’agit plus aujourd’hui de réussir forcément sa licence en trois ans mais de s’adapter aux profils des étudiants, de signer un « contrat de réussite étudiant » dès le lycée. Et de prévenir les étudiants des efforts à fournir pour réussir s’ils n’ont pas les « attendus » nécessaires. Ainsi, suivant son profil, l’étudiant pourra réussir sa licence en deux, trois ou quatre ans sans redoubler

De la même façon notre expérimentation PluriPass pour les études de santé permet à plus d’étudiants de trouver leur voie en s’orientant peu à peu dans l’université sans avoir perdu leur temps s’ils ne réussissent pas finalement à poursuivre dans une filière de santé.

O. R : Tous les profils peuvent réussir ?

C. R : Aujourd’hui on pointe du doigt l’université quand elle dit à un bachelier professionnel qu’il « aura du mal à réussir » alors qu’il a été refusé en BTS. Quand l’enseignement secondaire s’est massifié l’Etat a répondu en ouvrant des lycées. Il n’a pas placé 300 lycéens pas classe de seconde ! Nous sommes prêts à accueillir tous les bacheliers mais il faut des moyens pour les aider s’ils n’ont pas les pré-requis nécessaires. Un bachelier professionnel n’a pas suivi tous les cours nécessaires pour entrer à l’université et doit bénéficier d’un accompagnement particulier. Ce qui est impossible à moyens constants. Ou alors on les reçoit sans pouvoir les accompagner et il faut en mesurer le coût social.

Certains étudiants ne bénéficient pas d’un environnement familial qui maîtrise les arcanes de l’orientation mais suivis, détectés, ils peuvent réussir même s’ils sortent d’un bac technologique ou professionnel pour peu qu’on s’en donne les moyens.

O. R : Avez-vous été contraints de passer par un tirage au sort cette année pour sélectionner vos étudiants dans certaines filières ?

C. R : Non, mais nous avons dû ouvrir les vannes parfois pour recevoir plus d’étudiants, notamment en psychologie. Mais accueillir pourquoi faire ? Nous avons aussi une mission d’insertion professionnelle. Si nous formons beaucoup plus d’étudiants que le marché du travail peut en recevoir dans certaines filières nous exposons nos diplômés à l’échec. La psychologie est un métier réglementé auquel on ne peut accéder qu’après des stages encadrés par des psychologues. Ouvrir plus largement des places cela signifierait tout simplement former des jeunes qui ne pourront jamais exercer.

C’est la même chose dans les filières de santé où la capacité des CHU à accompagner des étudiants en formation est forcément limitée. On pourrait certes imaginer d’autre processus mais encore faut-il s’assurer de l’acquisition de l’ensemble des compétences attendues.

O. R : Dans quels secteurs l’université d’Angers est-elle particulièrement renommée ?

C. R : Nous sommes particulièrement visibles dans le végétal et le tourisme mais proposons des licences et masters très demandés aussi bien en gestion qu’en sciences ou dans le digital. Des doubles licences en droit-économie ou maths-économie.

O. R : Où en sont les « cursus master en ingénierie » (CMI), ces formations qu’ont créé les universités pour concurrencer les écoles d’ingénieurs mais qui ne délivrent pas pour autant le titre d’ingénieur ?

C. R : Nous en proposons trois qui n’ont pas le même public que les écoles d’ingénieurs. De la même façon que les bacheliers qui s’inscrivent dans notre IUT n’avaient pas l’intention d’aller dans notre école d’ingénieurs, l’Istia, ou en CMI même si tous sont essentiellement des bacheliers S. Nous allons sortir cette année la première promotion de nos masters CMI et ce sera l’occasion de faire le point.

O. R : Quel regard portez-vous sur la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) Université Bretagne-Loire dont on sait qu’elle travers quelques turbulences.

C. R : Je suis assez pessimiste. En résumé tout le monde apprécie cet espace de coordination interrégional mais tout le monde ne se retrouve pas dans la structure. Nous avions identifié des dynamiques de site intéressantes mais les résultats contrastés des Isite ont tout fait éclater. Aujourd’hui les universités rennaises veulent travailler autrement sans coordination qui enchâsse leur propre coordination.

O. R : Et vous où en êtes-vous de votre rapprochement avec l’université du Mans. Est-il envisageable que vous alliez jusqu’à une fusion ?

C. R : Nous ne l’excluons pas mais avant tout nous peaufinons notre projet et travaillons au développement de synergies. Nous sommes intéressés par le statut de « grand établissement » s’il s’ouvre de nouveau.

O. R : D’autres établissements pourraient se joindre à vous ?

C. R : Il y a en tout 40 000 étudiants à Angers réunis au sein d’Angers Loire Campus. Beaucoup sont dans des structures qui n’entrent dans le périmètre que prévoit la loi. Nous verrons comment les associer.

  • Quelques chiffres. L’Université d’Angers comptabilise 23 417 étudiants (+4,5% en 2017-2018) :
  • 10112 en licence
  • 1143 en licence professionnelle
  • 3933 en master (hors master EEF réservés aux futurs enseignants)
  • 504 en doctorat et HDR
  • 7725 dans les autres formations
  • Les 2726 étudiants étrangers représentent 11,64 % de la population étudiante.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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