INTERNATIONAL, UNIVERSITES

Les universités plus que jamais à l’heure européenne

Alors que la liste des quatorze nouvelles universités européennes sélectionnées par la Commission européenne vient d’être révélée, l’Agence Erasmus+ et Campus France célébraient le 24 juin dernier les 20 ans des masters Erasmus Mundus à l’occasion des Journées Erasmus+ pour l’enseignement supérieur. Entre 2004 et 2024, ce sont ainsi 585 masters Erasmus Mundus qui ont été financés dans 5 523 établissements d’enseignement supérieur avec au premier rang la France présente dans 60% de ces masters.

Comme le programme Erasmus+, créé en 1987, comme déjà les 64 premières universités européennes et comme demain les futurs diplômes européens, ces masters façonnent une Europe de l’éducation qui en est, à plus d’un titre, également son ferment. Un sujet éminemment politique comme l’écrivent, dans leur communiqué appelant à voter contre le Rassemblement national au deuxième tour des élections législatives, France Universités, la CGE, la Cdefm et la Cdefi : « C’est encore une autre idée de l’Europe dont nous ne voulons pas, celle où les universités européennes n’auront plus leur place et où la mobilité étudiante portée par le programme Erasmus, plébiscité depuis de nombreuses années, est en danger ». Une préoccupation européenne. Dans un communiqué publié le 3 juillet les Conférences des Recteurs de France – France Universités et la CDEFI, de Pologne – la KRASP – et d’Allemagne – l’HRK – considèrent que la « coopération intra-européenne et internationale est au fondement de la réussite de nos universités ». En outre, les Conférences sont convaincues que, dans les années à venir, « l’internationalisation des alliances universitaires européennes fera également progresser notre excellence académique et permettra la diversification des expériences de formation ».

Erasmus Mundus mode d’emploi. Un master Erasmus Mundus doit réunir au moins trois établissements d’enseignement supérieur issus de trois pays différents (dont au moins deux parmi les 33 pays du programme Erasmus+) et peut également inclure des partenaires associés situés partout dans le monde. « Ce sont les établissements et les enseignants-chercheurs qui en sont la base avec leurs réseaux. Ils doivent être bien intégrés dans la stratégie de l’établissement et innovants pédagogiquement pour recevoir jusqu’à 15 nationalités différentes. Nous nous assurons de leur bon montage avant qu’ils soient présentés à la Commission européenne car ils sont un outil de visibilité de l’expertise européenne », explique Mathilde Bégrand, la responsable du Pôle enseignement supérieur au sein de l’Agence Erasmus+.

Dans le cadre de leurs deux années dans un master Erasmus Mundus, les étudiants admis doivent effectuer au moins deux périodes d’études dans deux pays différents et une troisième possible en stage. Alors qu’une bourse de 1 400€ par mois peut leur être attribuée, le financement de la Commission s’élève lui jusqu’à 4,9 millions d’euros sur six ans. « Il est ensuite possible de réaccréditer des masters s’ils prennent une nouvelle mouture mais on les encourage d’abord à trouver leurs propres financements », insiste Mathilde Bégrand

Erasmus Mundus : des exemples. Toujours appuyés sur des masters existants, les masters Erasmus Mundus peuvent revêtir bien des aspects. Porté par l’EHESP de Rennes, le master EuroPubHealth+ est ainsi destiné aux étudiants se projetant dans le domaine de la santé publique et dispensé dans sept universités et écoles européennes. Développé dans le cadre d’un partenariat de coopération entre cinq pays européens, le projet LightCode mené par Paris-Dauphine vise à lui développer des supports éducatifs et des outils « low code » afin de « contribuer à lutter contre la pénurie de talents dans le secteur IT en formant un vivier de professionnels qualifiés ».

Mais les projets peuvent dépasser les frontières de l’Europe. Élaboré conjointement par l’École Centrale de Nantes, l’université de Keio (Japon), l’université de Gênes ( et l’université de technologie de Varsovie, le Master Erasmus Mundus Japon-Europe on Advanced Robotics (JEMARO) propose ainsi « différentes approches de la robotique et de l’IA, associant mondes académique et industriel ». Avec DEFI EAU l’Université de Limoges a quant à elle pour objectif de moderniser, à l’échelle de Madagascar, l’offre de formation professionnelle, niveau Licence et Master, en formation initiale et continue, dans le domaine de l’eau.

Et tous les publics peuvent être concernés. Coordonné par l’INSA Lyon, le projet SAMEurope aborde la problématique de la mobilité internationale des étudiants sportifs de haut niveau (SHN), pour qui une expérience Erasmus+ peut être difficile à conjuguer avec leurs obligations sportives et scolaires.

Développer les universités européennes. 64 universités européennes sont aujourd’hui financées dans le cadre du programme Erasmus+ et reçoivent chacune jusqu’à 14,4 M€ durant quatre ans. Des universités pour lesquelles les programmes Erasmus Mundus ont souvent été des préfigurateurs. « 67% des établissements impliqués l’étaient déjà dans des programmes Erasmus Mundus ce qui marquait leur capacité à se projeter dans des partenariats européens. Aujourd’hui 70% des critères des universités européennes et des masters Erasmus Mundus sont identiques. Erasmus Mundus a créé une voie », insiste Mathilde Bégrand.

L’universités de technologie de Troyes est ainsi chef de file, avec huit autres universités, de l’université européenne EUT+. « Ensemble nous voulons offrir aux étudiants la possibilité de suivre un semestre dans chaque université partenaire en conservant le même nombre de crédits. Un diplôme de l’UTT plus un diplôme européen tel qu’il sera défini par l’Union européenne », explique Christophe Collet, directeur de l’UTT dont le groupement représente plus de 100 000 étudiants et plus de 7 000 enseignants-chercheurs qui détaille ainsi son projet : « Des ERI (European Research Institute) émergeront dans des domaines d’excellence pour être lauréats d’appels à projets européens dont les projets ERC où la France est insuffisamment présente. Les Roumains sont excellents en IA, les Irlandais en Sciences Humaines et Sociales, les Chypriotes en entrepreneuriat : nous misons sur la force d’une telle alliance pour nous développer et élargir la palette d’offres de formation à nos étudiants, et impulser une dynamique plus forte en recherche avec nos partenaires en répondant ».

Ces universités se réunissent également en fonction d’objectifs communs. L’Alliance PIONEER, tout juste sélectionnée par la Commission européenne et dont est membre en France l’université Gustave-Eiffel, rassemble ainsi 10 universités à « fort impact », plus de 130 000 étudiants et 17 000 professeurs et personnel administratifs à travers l’Europe autour des questions de développement durable et d’urbanisme. « La stratégie de cette université européenne est parfaitement alignée avec celle de l’université qui vise à créer une université visible à l’international sur les questions des villes de demain. Cette université se construit avec des partenaires avec qui nous collaborons déjà et partageons plusieurs projets européens qu’il s’agisse de formation ou de recherche », indique Gilles Roussel, président de l’Université Gustave Eiffel.

A quand les diplômes européens ? L’étape suivante est maintenant la création de véritables diplômes européens qui pourrait se faire en deux temps : d’abord un label, puis un diplôme. Selon les termes de la Commission européenne, le « label européen préparatoire représenterait une marque européenne forte. Il serait décerné à des programmes de diplôme communs répondant aux critères européens proposés: les étudiants recevraient un certificat de label de diplôme européen en même temps que leur diplôme commun ». Le « diplôme européen reposerait quant à lui sur les critères communs et serait inscrit dans la législation nationale. Il serait décerné soit conjointement par plusieurs universités de différents pays, soit éventuellement par une entité juridique européenne créée par ces universités: les étudiants recevraient un «diplôme européen» automatiquement reconnu ». A l’occasion des dernières élections européennes, France Université demandait ainsi que soit « expérimenté un cadre institutionnel pour les universités européennes leur permettant de délivrer de véritables diplômes ». En 2025, la Commission prévoit justement de lancer des « projets vers un diplôme européen» dans le cadre du programme Erasmus+ afin « d’inciter financièrement les États membres ainsi que leurs organismes d’accréditation et d’assurance de la qualité, universités, étudiants et partenaires économiques et sociaux à s’engager dans la voie vers un diplôme européen ».

Mais certaines inquiétudes pointent déjà à l’image de la Cdefi qui « s’interroge sur les implications pratiques de, notamment en ce qui concerne les entités responsables de la délivrance de ce label et les modalités qui seront adoptées à cet égard ». La conférence rappelle en effet être « fermement opposée à la multiplication des instances d’accréditation, privilégiant une approche harmonisée et cohérente pour garantir la qualité des programmes d’enseignement supérieur ». De plus la Cdefi insiste pour que le développement de cette initiative « prenne en compte l’existence des marques écoles individuelles ». On sait que les approches compétences prônées au niveau européen ont parfois tendance à les nier.

Alors que la Commission européenne vise à la création de ce diplôme la collation des grades reste de toute façon du ressort du MESR et du Hcéres spécifie Mathilde Bégrand : « On évoque depuis vingt ans la création d’une instance supranationale et il faut d’abord passer par des étapes intermédiaires, comme le label, pour aplanir les points de vue ».

  • La liste des quatorze nouvelles universités européennes sélectionnées par la Commission européenne est consultable ici. Dix des quatorze projets comprennent des universités et Grande écoles françaises : Across (université de Perpignan), Artemis (université Clermont Auvergne), Bauhaus4EU (universités de Picardie et Lyon 2), Challenge.EU (Ecam La Salle), Emerge (universités Bretagne Sud et Rennes 2), EUonAIR (Essca), Pioneer (université Gustave Eiffel), Sunrise (université de technologie de Compiègne), UNICoast (universités des Antilles et du Havre), Uninovis (université Sorbonne Paris Nord)
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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