ECOLES DE MANAGEMENT, PORTRAIT / ENTRETIENS

«NEOMA a les moyens de ses ambitions»: entretien avec Delphine Manceau, directrice générale de NEOMA

Delphine Manceau, directrice générale de NEOMA, introduit les journées Continuum CPGE / Grandes écoles sur le campus rouennais de son école le 17 janvier 2025

 Delphine Manceau recevait le 17 janvier la 7ème édition de la journée Continuum CPGE / Grandes écoles sur son campus rouennais. L’occasion pour la directrice générale de Neoma, de redire son implication dans la filière. L’occasion pour nous de l’interviewer sur sa vision des business schools et des nombreux défis qu’elles rencontrent aujourd’hui.

LES CLASSES PREPARATOIRES

Olivier Rollot : Vous avez reçu mi-janvier 2025 la 7ème édition du colloque annuel de l’APHEC, organisé avec HEADway Advisory, sur le Continuum CPGE / Grandes écoles. Comment considérez-vous les classes préparatoires ECG, ECT mais aussi littéraires auxquelles vous donnez un accès particulier dans le cadre du concours Ecricome ? Quel rôle estimez-vous qu’elles jouent dans le modèle des écoles de management françaises ?

Delphine Manceau : Les classes préparatoires jouent un rôle essentiel dans le modèle des écoles de management françaises en général et à NEOMA en particulier, qui est l’Ecole qui recrute le plus grand nombre d’étudiants de prépas ! Ces profils d’étudiants se caractérisent par leur curiosité intellectuelle, leur formation pluridisciplinaire, leur ouverture d’esprit, leur capacité d’adaptation, de rédaction, de travail, de prise de recul… autant de compétences particulièrement importantes à l’heure de l’intelligence artificielle. Les compétences que les étudiants cultivent en classes préparatoires sont en complémentarité avec celles que nous développons au sein de nos Grandes Écoles, d’où ce nom de « continuum » qui reflète bien la logique globale de ce cursus en cinq ans. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je défends depuis toujours cette filière.

J’aimerais aussi souligner le rôle central que jouent les classes préparatoires en régions. Elles permettent aux étudiants de bénéficier d’un enseignement de très grande qualité tout en restant près de chez eux. Les prépas de proximité sont clés dans la démocratisation des études supérieures d’excellence. Contrairement aux idées reçues, elles attirent une grande diversité de profils. Les études menées par la CDEFM et l’APLCPGE montrent que 55 % des préparationnaires n’ont aucun membre de leur famille passé par cette filière. Nous sommes loin du modèle de reproduction sociale souvent décrié.

Les lycéens ambitieux, quelle que soient leur origine sociale, peuvent bénéficier dans les classes prépas d’une pédagogie de haut niveau et d’un suivi personnalisé réalisé par des professeurs très engagés. Ils y trouvent une vraie chance de se surpasser et d’accéder ensuite aux formations d’excellence que sont les grandes écoles.

Ces qualités expliquent que les grandes écoles de management s’engagent fortement pour mieux faire connaître cette filière à l’ensemble des lycéens. La CDEFM a lancé, en décembre dernier et pour la deuxième année consécutive, la campagne #Preparetoi, afin de mieux faire connaître les atouts des classes préparatoires et inciter les jeunes à s’y engager. Cette initiative s’inscrit dans une dynamique collective portée par l’APHEC et la CDEFM.

O. R : Comment Neoma va-t-elle faire évoluer les effectifs de vos étudiants issus de classes préparatoires dans les années à venir ? Pourquoi dédiez-vous cette année des places aux élèves de classes préparatoires scientifiques ?

D. M : Comme je l’indiquais précédemment, nous sommes l’école qui recrute le plus d’étudiants de prépa EC et littéraires. Le chiffre est stabilisé à un très haut niveau (690 places) pour les prépas EC et a augmenté légèrement chaque année pour les prépas littéraires (90 places en 2025).

A l’heure de l’IA et des datas mais aussi de la transition climatique et des biotech, les étudiants issus de classes préparatoires scientifiques ont eux aussi pleinement leur place chez nous. C’est la raison pour laquelle, au sein de la banque d’épreuves ECRICOME, nous avons décidé d’introduire, pour le concours 2025, une voie d’accès à ces profils scientifiques en leur dédiant 30 places. En rejoignant notre programme Grande École, ces étudiants peuvent conjuguer leur passion pour les mathématiques, la physique ou la biologie à la découverte des sciences de gestion. Cette hybridation des connaissances leur donne les clés pour comprendre le monde dans lequel ils évoluent et leur permettre, demain, prendre des décisions éclairées. Ces profils sont très recherchés par les entreprises dans tous les secteurs d’activité.

O. R : Des évolutions seraient-elles utiles dans la pédagogie ou l’organisation des classes préparatoires ?

D. M : Avec une pédagogie en constante évolution, les classes préparatoires ont su se renouveler pour répondre aux aspirations de nouvelles générations ultra-connectées en quête d’échanges et d’ouverture sur le monde. Je pense notamment au travail en groupe qui y est beaucoup plus développé qu’il y a une dizaine d’années. Par ailleurs, les programmes des classes préparatoires abordent des thématiques d’actualité majeures telles que le changement climatique, la géopolitique ou encore les nouvelles théories économiques. Ces sujets sont passionnants pour les étudiants car ils leur proposent une autre lecture du monde tout en développant chez eux curiosité et pensée critique, indispensables pour dans une société en profonde transformation.

O. R : La CDEFM va délivrer en 2025 avec les écoles des certificats en Liberal Arts et Humanties aux élèves des écoles de management issus de classes préparatoires. Que va-t-il apporter ? Et pourquoi ne le donner qu’aux élèves de classes préparatoires.

D. M : Nous nous sommes largement inspirés du modèle anglo-saxon pour la création de ce certificat. Il a pour objectif de valider les compétences acquises en classes préparatoires autour des sciences sociales et des mathématiques, ce que l’on désigne en anglais sous le terme des « arts libéraux ». Il s’agit de valoriser les connaissances acquises en prépa en plus des compétences en management reconnues par le diplôme de la Grande Ecole, et de valoriser le continuum qui existe entre les deux phases de cette formation d’excellence.

Je vois ce certificat en Liberal Arts comme une véritable plus-value pour les diplômés, qui pourront le valoriser auprès des entreprises. Il montre aussi que la classe préparatoire permet de développer chez l’étudiant des compétences transverses essentielles comme l’esprit critique, la gestion du stress ou la capacité à travailler en équipe.

LES GRANDS DEFIS DES ECOLES DE MANAGEMENT

O. R : Les écoles de management sont face à de nombreux défis en ce début d’année 2025 : une baisse possible du financement de l’apprentissage, une baisse progressive du nombre de bacheliers et tout simplement une économie qui ralentit au rythme de l’indécision politique. Comment pensez-vous surmonter ces difficultés ?

D. M : Ces défis sont une réalité mais, du côté de NEOMA, nous sommes très sereins. Nous disposons de solides atouts et de grands moyens d’investissement qui nous permettront de nous adapter à ces évolutions, qu’elles soient d’ordre politique, économique et géopolitique. Par exemple, le fait d’avoir un large portefeuille de 400 partenaires académiques dans le monde entier nous permet de réorienter nos étudiants quand un pays se ferme, ou a moins d’appétence pour accueillir des étudiants français ou envoyer des jeunes se former en France. De même, avec 15% d’apprentis dans nos effectifs, nous conjuguons la capacité à offrir ce dispositif pédagogique de grande valeur et porteur de diversité sociale avec la capacité à faire face à une réduction des financements publics sur le sujet sans trop affecter nos équilibres financiers.

Nous nous appuyons sur une offre de formation en phase avec ces enjeux et sur une reconnaissance internationale forte que ce soit à travers nos classements ou notre triple accréditation. Par ailleurs, nous veillons à proposer des campus attractifs car l’environnement d’apprentissage joue un rôle clé dans le choix des candidats. Tous ces éléments s’inscrivent dans un stratégie de long terme, et bien qu’ils ne nécessitent pas un changement de cap fondamental, ils témoignent de la nécessité d’être toujours plus performant dans un environnement de plus en plus compétitif.

O. R : Avec toujours le même modèle économique ? N’êtes-vous pas tenté comme d’autres de faire rentrer des investisseurs privés dans votre capital ?

D. M : Ce n’est pas envisagé aujourd’hui. NEOMA a les moyens de ses ambitions, notre modèle économique est robuste, nous avons les ressources pour recruter plus de 20 enseignants-chercheurs par an et investir dans la recherche, la pédagogie et la qualité de l’expérience étudiante tout en construisant un nouveau campus à Reims. A ce jour, nous n’avons pas besoin de faire entrer des investisseurs et nous avons les réserves pour financer nos futurs investissements. C’est le fruit du travail des dernières années.

O. R : Quelles nouvelles sources de financement les école peuvent-elles développer ?

D. M : Nous développons actuellement beaucoup notre Fondation. Grâce à la générosité de nos alumni et des entreprises mécènes, qui croient dans les projets et dans le développement de l’Ecole, les dons ont augmenté de plus de 60 % au cours des quatre dernières années. Ces résultats sont très encourageants et nous poussent à être encore plus ambitieux. Nous comptons sur cette dynamique pour lancer une grande campagne de levée de fonds. Le renforcement des synergies avec le monde professionnel est également un enjeu central. Nous veillons à développer nos partenariats avec les entreprises, notamment pour soutenir nos projets de recherche.

Ces collaborations financent des projets innovants, ainsi que la création de nouvelles chaires de recherche, d’enseignement et des laboratoires expérimentaux. Enfin, entretenir des liens forts avec les acteurs économiques de nos territoires est essentiel. Nous travaillons chaque jour à consolider nos partenariats avec les collectivités locales, comme le Grand Reims, la Région Grand Est, la Métropole Rouen Normandie ou la Région Normandie, qui s’engagent à nos côtés en soutenant plusieurs de nos projets.

O. R : Comment l’expérience étudiante irrigue-t-elle votre réflexion sur le développement de vos campus ? Notamment avec bientôt l’ouverture de votre nouveau bâtiments à Reims.

D. M : La notion d’expérience étudiante est au cœur de notre plan stratégique. C’est un des quatre axes. Cela passe par le développement de notre service wellness et par des services renforcés d’accompagnement et de conseil aux étudiants.

L’inauguration de notre nouveau campus de Reims en 2026 est l’un des marqueurs forts de cette ambition. Connecté et respectueux de l’environnement, ce nouveau campus constituera un lieu propice à l’épanouissement des étudiants, en mettant l’accent sur le sport, l’art et la culture, l’engagement social, l’innovation, en respectant les meilleurs standards internationaux de campus. Parmi les espaces communs, on trouvera un grand jardin central et des terrasses thématiques, un gymnase ultramoderne et des lieux de collaboration comme « La Ruche » qui développeront le collectif et permettront aux étudiants de se détendre. Par ailleurs, une attention particulière est portée à la durabilité du site qui bénéficiera de certifications environnementales reconnues au niveau international telles que LEED, WELL et E+C. Ce projet d’envergure incarne notre souci constant du bien-être de tous, qu’il s’agisse des étudiants, des enseignants-chercheurs ou des collaborateurs.

Neoma a signé 400 accords de partenariats avec des établissements d’enseignement supérieur partout dans le monde

 

L’INTERNATIONAL

O. R : A l’international quelle est votre stratégie ? On sait que vous ne souhaitez pas ouvrir de campus.

D. M : Sur le plan international, NEOMA a toujours défendu un parti-pris immersif. Nous privilégions les partenariats avec des universités de renommée mondiale pour offrir à nos étudiants une expérience véritablement multiculturelle. Plutôt que d’ouvrir de nouveaux campus, nous avons choisi de renforcer notre réseau international, qui compte actuellement plus de 400 universités partenaires dans 61 pays. Cette stratégie permet à nos étudiants de choisir leur programme d’échange académique en fonction du pays et des expertises de l’université d’accueil. Cela leur permet également d’afficher le nom d’une université locale très reconnue sur leur CV : indiquer qu’on a étudié à SMU à Singapour, à Tong Ji en Chine, à Concordia au Canada ou à la Bocconi en Italie fait la différence quand on cherche un job ou un stage sur place.

Nous observons des changements significatifs dans les attentes des jeunes en matière d’expérience internationale. L’Europe a le vent en poupe. Une conscience écologique grandissante pousse un nombre croissant d’étudiants à privilégier des destinations accessibles en train. Et les étudiants se sentent de plus en plus européens. La « génération Erasmus » nourrit une image très positive de l’Europe. Si je prends l’exemple de nos étudiants, ils privilégient la Grande-Bretagne, qui demeure attractive malgré le Brexit, mais aussi d’autres nations européennes comme l’Espagne, l’Italie, la Suède, la Norvège, le Portugal et les Pays-Bas. Grâce à notre large réseau de partenaires académiques, nous restons agiles face aux bouleversements géopolitiques.

 O. R : Lors de la journée consacrée au continuum qui s’est tenue sur le campus de Rouen de NEOMA, nous avons exploré différents modèles internationaux de l’enseignement supérieur, en Chine, en Inde, aux Etats-Unis, en Espagne et en Europe. Qu’en avez-vous retenu ?

D. M : La recherche de l’excellence et la sélectivité sont communs aux systèmes d’enseignement supérieur de ces différents pays, avec des taux de sélection parfois bien supérieurs aux nôtres, presque dix fois plus élevés en Chine et en Inde ! C’était passionnant de mieux comprendre comment cela fonctionne dans d’autres pays et de voir l’importance des groupes privés d’éducation et de préparations aux concours, en Inde par exemple. Je pense que ce tour d’horizon a aussi mis en évidence les forces de notre système français et la complémentarité prépa/Ecole de management. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si la France compte un tel nombre d’écoles accréditées au niveau international et classées dans le TOP100 mondial des rankings du Financial Times. Nous pouvons nous féliciter de cette belle reconnaissance de notre système !

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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