«Nous avons encore plus besoin d’ouverture sur le monde qu’hier!»: Adilson Borges, directeur général de Rennes SB

by Olivier Rollot

Aucune école de management n’est aussi ouverte sur le monde que Rennes SB. A l’heure où les mobilités internationales sont plus que jamais impactées par les tourments géopolitique son directeur général, Adilson Borges, revient sur les enjeux de l’expérience internationale.

Olivier Rollot : Rennes SB est depuis longtemps l’une des écoles qui attire le plus d’étudiants internationaux. Que doit-on attendre de son séjour international ?

Adilson Borges : Rennes SB est effectivement très forte à l’international et reste dans la même dynamique. Notamment en Europe où nous pouvons augmenter me nombre d’étudiants qui nous rejoignent. Il faut aussi montrer aux familles qu’on peut travailler dans un environnement international en restant en France dans des écoles qui accueillent des étudiants du monde entier comme Rennes SB. Nous recevons aujourd’hui 40% d’étudiants internationaux parmi nos 5 000 étudiants avec plus de 100 nationalités sur le campus. Même des étudiants américains !

Le véritable enjeu est de faire de son expérience internationale un apprentissage des cultures et de l’altérité. On apprend l’humilité en allant à l’international ! On appréhende d’autres formes de leadership, en renforçant notre capacité de résilience et de collaboration avec les autres. Et on apprend une langue, une autre façon de penser, en sortant des stéréotypes pour être plus en capacité d’innover. Pour tout cela le cosmopolitisme de Rennes SB est un atout. De même qu’avec les plus de 400 accords à l’international donne l’opportunité à nos étudiants d’aller dans plus de 400 campus dans le monde entier, ouvrant des expériences d’apprentissages uniques à nos étudiants. Nous créons un environnement cosmopolite où on peut se frotter à l’autre !

O. R : La dimension internationale est structurante dans les écoles de management mais certains pays semblent se refermer. Et au premier chef les Etats-Unis ! Qu’en disent vos étudiants ?

A. B : Nous avons encore plus besoin d’ouverture sur le monde qu’hier ! C’est dans les moments où certains construisent des murs qu’il faut construire des ponts. Quand on parle IA ou espace où sont les frontières ? Nous sommes à un moment transitoire où l’humanité a plus que jamais besoin d’interconnexions.

Spécifiquement sur les Etats-Unis les étudiants ne réagissent pas encore mais tout le monde s’interroge beaucoup sur cette instabilité croissante. Le renforcement de nos valeurs européennes offre-t-il de nouvelles opportunités dans ce nouveau contexte ? On a tout cas c’est dans ces temps complexes que nous avons besoin de plus d’esprit collaboratif, critique, de capacité à innover.

O. R : Des enseignants-chercheurs actuellement aux Etats-Unis envisagent-ils de rejoindre les business schools européennes ?

A. B : Il n’y a pas non plus de demande particulière de la part des enseignants-chercheurs. Ce qu’on voit aujourd’hui ce sont plutôt des jeunes doctorants qui s’interrogent à venir chez nous plutôt qu’aux Etats-Unis.

O. R : Est-il envisageable selon vous que les autorités américaines demandent aux business schools européennes de renoncer à leurs politiques de diversité comme cela a été indiqué à beaucoup d’entreprises européennes qui souhaitent commercer aux Etats-Unis ?

A. B : Je ne pense pas qu’on nous demande de revenir sur nos positions en matière de diversité.

O. R : Vous avez lancé un nouveau plan stratégique peu après votre arrivée à la direction de Rennes SB en janvier 2024. Pouvez-vous en faire un premier bilan ?

A. B : Nous avons déployé notre plan stratégique sur trois piliers. Le premier est de mettre les étudiants au centre de notre action et nous constatons déjà que les taux de satisfaction de nos étudiants montent en flèche. Nous avons particulièrement mis l’accent sur l’écoute : aujourd’hui tous les étudiants peuvent m’appeler sur WhatsApp pour faire des propositions pour améliorer notre expérience d’apprentissage. Nous avons également créé un « Junior Comex » qui présente des propositions d’innovations qui remontent des étudiants et que nous pouvons mettre en place par la ensuite.

Un exemple concret d’une proposition du Junior Comex ?  L’« école sans mur ». Les étudiants proposent que ce qu’ils apprennent dans la salle de classe ne doit pas y rester, et ils souhaitent poursuivre ces apprentissages sur les réseaux sociaux. Nos étudiants discutent dans une « salle de classe étendue » en taguant leurs cours et en lançant des conversations au-delà de l’école. Ils postent « sais-tu ce que c’est que le pricing ? » et se lancent dans des conversations avec le monde entier. Je veux faciliter ces échanges en valorisant les bons contenus. Nous allons voir quelles idées ils ont et même ce qui pourrait être utilisé en cours.

O. R : Vos étudiants jouent un rôle de plus en plus important. Vous avez même reçu un prix de l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business).

A. B : Chaque année l’AACSB récompense des institutions du monde entier qui innovent. Le programme « reverse mentoring » de Rennes SB vient d’être distingué. C’est un programme au sein duquel ce sont nos étudiants qui mentorent les entreprises sur un sujet donné. Aujourd’hui surtout l’IA. Nous les avons formés en amont à avoir un esprit critique et éthique et à prompter de façon à être certifiés par les grands acteurs de la tech avec qui nous avons des partenariats structurants (ex. Microsoft). Ainsi ils ont par exemple pu passer toute une journée chez Danone à former leurs managers et leurs leaders à mieux utiliser les outils de l’IA et à mieux prompter. Expliquer à un patron comment utiliser une nouvelle technologie c’est une situation très différente pour nos étudiants. Et ils me disent tous qu’ils apprennent beaucoup mieux ce qu’ils doivent enseigner par la suite !

O. R : Vous avez même monté une opération dans le TGV Rennes-Paris.

A. B : En partenariat avec la SNCF nous avons proposé aux passagers de venir dans la voiture bar rencontrer nos étudiants pour apprendre à utiliser les IA mais aussi en discuter sur cette technologie révolutionnaire. Cela a tellement bien marché que la SNCF envisage de dupliquer l’opération sur d’autres lignes. Il y a une vraie demande de la société à comprendre les technologies.

 O. R : La gamme d’utilisation des IA est vertigineuse.

A. B : Nous avons par exemple demandé à une IA de faire la synthèse des avis de nos 5 000 étudiants. Cela aurait été un travail gigantesque sans une IA. Pour autant il ne faut pas non plus nier que les IA sont encore sujettes à de fortes hallucinations. Il faut embrasser la technologie tout en gardant du recul et en renforçant l’esprit critiques de nos étudiants grâce à l’esprit scientifique qui caractérise même la recherche de nos professeurs.

De plus, l’IA peut vraiment révolutionner l’éducation. Par exemple, nos amis de CoachHub ont lancé une IA de coaching qui donne des résultats bluffants. Pour notre part nous allons lancer la PumaApp dans laquelle l’IA accompagne les étudiants dans leur développement, avec un vrai appui pédagogique. Avec l’accès aux notes des étudiants on peut discerner des signaux de faiblesses et les accompagner encore mieux.

Dans l’état actuel de la pédagogie et des technologies cela ne va pas remplacer les enseignants. On n’apprend pas seulement en absorbant des connaissances mais aussi avec des émotions, des expériences humaines ! Il faut apprendre à utiliser les outils comme un vrai appui, mais pas rester dépendant des outils.

Nous avons également lancé une initiative avec Les Echos et d’autres partenaires pour estimer la maturité IA de nos entreprises en France. Plus de 100 000 professionnels vont être interrogés sur comment ils perçoivent la stratégie IA dans leur entreprise, leur niveau de formation sur cette technologie, l’impact que l’IA aura sur leurs métiers, etc. Les Echos publiera un dossier avec les résultats de cette étude, et une remise de trophées aux entreprises les plus matures dans la transformation IA seront données en juin prochain.

O. R : La formation continue prend de l’essor chez Rennes SB, notamment à Paris où vous êtes implanté depuis deux ans ?

A. B : Nous avons revu l’ensemble du catalogue pour remettre l’entreprise au centre. Nous avons par exemple construit toute une gamme de formation pour accompagner les transformations IA dans les entreprises, comme l’IA4Business ou encore l’IA4HR. Nous innovons également en aidant les entreprises à capturer et à valoriser leurs savoir-faire, grâce à un partenariat structurant avec LinkedIn Learning. Par exemple, nous avons fait un partenariat avec Carrefour pour créer un programme sur la CRSD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Cette directive Européenne qui vise à encadrer le reporting extra-financier des entreprises et renforcer notre impact social, a été mise en place avec succès par Carrefour, qui a été un des précurseurs sur le sujet. Cette expertise a été partagé dans une formation mise en place par RSB et disponible sur LinkedIn Learning a toutes les entreprises pour qu’elles puissent apprendre plus vite pour se conformer à cette directive Européenne. .

Nous venons également de lancer le programme The NextCLO (CLO est l’acronyme pour Chief Learning Officer), une formation qui vise à faire monter en compétence les équipes du Learning Développent de toutes les entreprises du CAC 40, et les aider à prendre une posture d’agents de transformation pour nos organisations. Bref, beaucoup d’innovation avec toujours l’intention d’être un partenaire majeur des entreprises dans leurs transformations.

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