Observatoire des jeunes générations à l’Edhec, chaire KPMG Génération Talents à l’Essca, étude Millenial Survey (« Ce que la génération Y attend de l’entreprise ») chez Deloitte, les entreprises comme les grandes écoles s’emparent chaque jour un peu plus de ce sujet que sont les jeunes générations, ces jeunes nés après 1981 qu’on appelle les Y et maintenant les Z. « Les étudiants de la génération Y souhaitent engager un réel dialogue avec leurs professeurs, échanger plus librement et spontanément », assure Carole Blaringhem, qui préside le Conseil académique et pédagogique de la Faculté libre de droit de Lille. « Des sondages montrent que 72% des jeunes ont l’intention de quitter leur entreprise dans les trois ans. Des départs qui représentent un coût très élevé pour les entreprises qui ont besoin de comprendre leurs plus jeunes salariés pour les retenir », explique de son côté Anne Zuccarelli, directrice entreprises et carrières de l’Edhec.
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Les 27 et 28 juin la Fondation Paris Dauphine et l’EM Normandie organisent un colloque intitulé « Le numérique pour enseigner autrement » à l’Université Paris-Dauphine
Mieux utiliser les capacités des Y en cours
« Il faut que les étudiants arrivent en cours en ayant déjà très bien travaillé le sujet traité pour profiter d’échanges avec leurs professeurs. Le cours est la partie émergée d’un enseignement qui continue avec ces échanges, des exercices, du tutorat », assure François Germinet, président de l’université de Cergy-Pontoise, qui pilote la réflexion sur les nouvelles pédagogies au sein de la Conférence des présidents d’université. Dès l’année prochaine les cours magistraux de la Faculté libre de droit de Lille (FLD) seront ainsi avant tout un espace d’expression et de dialogue. Les 500 étudiants de première année auront eu auparavant dix jours pour assimiler les cours. « En amphithéâtre, la prise de note et le format des cours rend difficile les échanges », commente Carole Blaringhem.
Cet « apprentissage inversé », il y a maintenant sept ans que Loïc Plé le pratique à l’Iéseg dans le cadre de son cours d’introduction au business et au management : « Nous sommes toute une équipe qui répond aux questions que se posent les jeunes avant le cours de façon à que l’enseignant soir plutôt un coach pendant son cours ». S’il emploie différents médias (podcast, vidéos sur YouTube, etc.), Loïc Plé n’en reste pas moins attaché au fait que ses étudiants lisent tous un livre : « Je veux absolument que nos étudiants appréhendent différentes formes d’apprentissage ».
A la Faculté libre de droit de Lille on ne viendra donc plus pour apprendre ce qu’on trouve partout sur Internet mais pour approfondir les questions les plus complexes. « Nous le constatons déjà, les étudiants sont tous en cours avec leur ordinateur et nous font parfois remarquer que notre cours est obsolète en sortant un tout nouvel article de loi. C’est cette capacité qu’ils ont à rechercher de l’information que nous voulons aujourd’hui mieux utiliser », reprend Carole Blaringhem.
Impliquer les étudiants
Si à l’usage les étudiants apprécient cette pédagogie impliquante, il n’est pas si facile pour eux de se l’approprier, notamment quand ils sortent tout juste du lycée comme c’est le cas à Faculté libre de droit ou à l’Iéseg. « Nous commençons par leur expliquer ce qu’on attend d’eux dans le cadre d’un cours qui va leur permettre de comprendre ce qu’est une entreprise et, notamment, comment il faut y travailler en groupe, un des fondamentaux de notre approche », confie Loïc Plé. Jeux de rôle, vidéos, articles, témoignages de professionnels et même diffusion d’un épisode des Simpsons sur la mondialisation, les moyens utilisés pour stimuler la créativité sont nombreux. Chaque semaine, les étudiants sont évalués avec des QCM et, en bout de course, évaluations personnelle et collective comptent respectivement pour 40% et 60% de leur note.
Alors que les cours de Loïc Plé sont donnés dans des groupes de seulement 24 élèves, cette plus grande implication des étudiants peut également être favorisée dans un amphithéâtre. Par exemple en leur distribuant des boîtiers qui permettent de leur poser des questions pendant le cours. « L’anonymat des réponses permet à tous de s’exprimer sans être influencés par les autres. L’enseignant peut ainsi mesurer tout de suite si son cours a été ou non compris et en débattre avec les étudiants. Si deux opinions très divergentes émergent, il peut leur demander d’en discuter puis de revoter », explique Florence Michau, responsable de l’équipe chargée d’aider les enseignants à perfectionner leurs formations au sein de l’INP Grenoble : Perform.
Les techniques issues du numérique favorisent l’expression des étudiants. Au début de tous ses cours Carole Blaringhem commence ainsi par poser des questions sur la plate-forme Moodle. « Je sais tout de suite quels sont les points à éclaircir et ceux sur lesquels on peut passer plus rapidement», se félicite une enseignante qui impose les ordinateurs en cours quand tant d’autres rêvent de les interdire. «Interdire cela ne sert à rien, de toute façon ils ont leur smartphones, là ils utilisent leur ordinateur à bon escient. » D’autant que, totalement rétifs à la prise de note manuscrite, ces mêmes étudiants se révèlent des champions de l’écriture sur ordinateur.
Des initiatives de plus en plus nombreuses
Serious games, pédagogie inversée, pédagogie par le projet ou le problème, les initiatives se multiplient aujourd’hui sans véritable coordination et la Conférence des Grandes écoles vient tout juste de créer un groupe de travail sur ces questions. A l’Iéseg, Loïc Plé a créé un Center for Educational and Technological Innovation, le Ceti : « Aujourd’hui un tiers de nos 100 enseignants y est fortement impliqué et ils sont de plus en plus nombreux à s’y intéresser ». Pour les aider, l’Iéseg a embauché trois ingénieurs pédagogiques multimédia, une profession que se répand dans tous les établissements d’enseignement supérieur à mesure notamment qu’ils se lancent dans la production de MOOCs.
En cours, il s’agit donc pour les enseignants de changer de logique, d’être « de plus en plus des coachs » défend Loïc Plé pendant que François Germinet assure que les enseignants doivent « accompagner » l’apprentissage : « Pour prendre un exemple tiré de la discipline que j’enseigne, les mathématiques, il ne suffit pas de lire la définition des « Algèbres de Lie » sur Wikipedia pour les comprendre. Derrière les concepts il y a une intuition à développer. Personne ne confierait la construction de sa maison à un ingénieur de génie civil qui aurait tout appris sur un MOOC ! ».
« Avec la pédagogie inversée, nous rélégitimons le rôle de l’enseignant », soutient Loïc Plé, qui estime que l’expérimentation de ces nouvelles pédagogies est indispensable mais qu’il faut maintenant trouver un « équilibre entre le coût de la recherche dans les écoles de management et celui des pédagogies ». Et à ceux qui voient dans ces nouvelles méthodes le moyen de faire des économies sur le dos des enseignants et des étudiants, François Germinet répond que « tout cela signifie autant et même plus de travail pour les professeurs comme pour les étudiants ».
Olivier Rollot (@O_Rollot)
- DES COURS À DOMICILE MAIS À DISTANCE : LA BONNE IDÉE D’HELLO MENTOR
- Des cours particuliers mais en vidéos et à un prix inférieur de 50% à ceux du marché, c’est la bonne formule du site Hello Mentor que Xavier Niel a tellement appréciée qu’il a investi dedans. « Nous comptons aujourd’hui plus de 450 étudiants venus de grandes écoles – dont 50 d’HEC – mais aussi d’universités qui donnent des cours », explique Alexandre Dana, l’un des trois fondateurs. Encore étudiant à ESCP Europe, il a fondé le site en 2013 avec un autre étudiant de l’ESCP et un Epitech. « Depuis nous progressons de 30 à 40% chaque mois grâce au bouche à oreille de nos élèves comme de nos profs pour lesquels Hello Mentor est le meilleur job étudiant du monde ». Un étudiant de Polytechnique a ainsi gagné plus de 5300 € depuis le début de l’année. « Nous ne prenons que 10% de commissions et nous laissons élèves et professeurs entrer eux-mêmes en contact, notamment grâce à un premier cours gratuit ».
- Aujourd’hui 60% des élèves sont issus du collège et du lycée, 20% du supérieur et autant sont des adultes. À l’occasion des épreuves du bac des cours seront donnés sept jours sur sept et 24 h sur 24. Et cet été Hello Mentor sera partenaire du Wagon, une autre startup spécialisée elle dans l’apprentissage du code, qui lance une formation entièrement en ligne. « La formation dure deux mois pour 49€ et donne droit à un cours en ligne avec un mentor pour aller plus loin », explique Romain Paillard, l’un des deux fondateurs du Wagon. Parce que lui comme Alexandre Dana en sont convaincus : rien ne remplacera le contact réel entre un étudiant et son professeur, même à distance.