ECOLES DE MANAGEMENT

« Demain notre mission sera d’être « une école observatoire », pour identifier les nouveaux défis des entreprises » : Daniel Peyron (groupe Sup de Co La Rochelle)

Le Groupe Sup de Co La Rochelle, c’est bien sûr un programme Grande Ecole mais aussi des bachelors, une Business School dédiée au secteur du tourisme, un MBA regroupant 12 spécialisations sectorielles ou fonctionnelles ou encore des MSc. Dans le dernier Classement des masters en management du Financial Times elle se classe au 48ème rang  dans le monde. École associative privée à but non lucratif, l’école facture par exemple la première année de son programme grande école 9350€. Une école à dimension internationale forte qui veut rester proche de son économie régionale nous explique son directeur général, Daniel Peyron.

Daniel Peyron
Daniel Peyron

Olivier Rollot : Comment définiriez-vous la mission de votre groupe ?

Daniel Peyron : Notre projet pédagogique est avant tout au service de l’employabilité de nos étudiants. Nous avons structuré notre « pédagogie de la transformation »-, autour de deux axes :

  • Le Développement Personnel – la transformation de soi
  • L’ouverture au monde – la transformation des modèles d’organisation dans un contexte globalisé.

Nous sommes accrédités AACSB depuis 2013, label international qui reconnait la qualité de nos enseignements et qui place notre business school parmi les tops 5% des écoles de business au monde. Au-delà de la qualité académique, un étudiant se construit grâce à des expériences en se confrontant à une série de challenges qui permettent à celui-ci de se découvrir et de se dépasser. Notre école se doit de leur délivrer des enseignements mais également de leur transmettre le sens de l’engagement et des valeurs humaines essentielles à la construction d’une société plus juste et d’une économie plus humaine.

Humacité – mission humanitaire, sociale ou citoyenne d’une durée de trois mois – est intégrée à tous nos programmes. Chaque année, près de 1000 étudiants rejoignent l’une des 500 ONG partenaires. Les étudiants sortent transformés de cette mission. C’est un accélérateur de maturité qui prouve que l’on peut s’épanouir en dehors de l’économie conventionnelle  et, qu’à 20 ans, il faut avoir envie de changer le monde ! En ce sens, je rêve que nous soyons une « école militante » pour défendre des valeurs qui puissent  structurer le monde des affaires « autrement » (pour l’économie de marché mais contre l’économie sauvage) en s’appuyant notamment sur la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et son impact sur toutes les parties prenantes, y compris le territoire et la planète.

O. R : Mais alors qu’est-ce qui est le plus important dans une école de management pour atteindre ces dimensions : l’académique ou le terrain ?

D. P : L’académique constitue 50% de notre métier, le reste est apporté par les expériences que vivent nos étudiants sur le terrain. Les missions en ONG contribuent à développer leur maturité et sont, à ce titre, aussi importantes que les enseignements de gestion : manager c’est aussi comprendre pourquoi les autres sont différents, et savoir les écouter, pour mieux les faire adhérer à notre projet. Ce que nous appelons « expérientiel et développement personnel » comprend les stages, les missions humanitaires, la vie associative, les séjours à l’étranger… et permet à chaque étudiant de construire peu à peu un CV en cohérence avec son projet professionnel et personnel. Cela suppose pour chacun de nos étudiants une double veille, d’abord sur lui-même (connaissance de soi) puis une connaissance fine et actualisée des métiers.

Demain notre mission sera d’être «  une école observatoire », pour identifier les nouveaux défis des entreprises et leur apporter les compétences qu’elles demandent (60% des carrières de demain demeurent aujourd’hui inconnues – source étude EY et LinkedIn)

O. R : Un parcours professionnel c’est aussi se bâtir un réseau. Est-ce possible de l’enseigner comme d’enseigner les dimensions humaines du management ?

D. P : Ne pas être dans les bons réseaux c’est prendre le risque de travailler trois fois plus pour arriver au même résultat. Un réseau est un élément capital pour évoluer au sein de son environnement professionnel, se réaliser professionnellement et pour s’ouvrir de nouvelles portes et des opportunités de carrière. Il faut cependant prendre garde aux « faux amis » – en fonction des objectifs souhaités, le réseau se développe et se maîtrise. Au-delà des réseaux sociaux, il ne faut pas négliger les rencontres humaines grâce aux clubs de sport, de danse, de théâtre ou aux engagements sociaux et citoyens…et cela nous l’intégrons dans notre pédagogie, bien que ce soit difficile tout comme l’apprentissage du « sourire », au sens propre et au sens figuré, ou de l’écoute avec une attitude bienveillante et constructive.

O. R : Beaucoup d’écoles de management, notamment dépendant de chambres de commerce et d’industrie, comme la vôtre, rencontrent aujourd’hui des difficultés financières. Qu’en est-il à Sup de Co La Rochelle ?

D. P : Notre situation financière est très saine et notre fonds associatif nous permet de générer de la croissance. Depuis notre création en 1988, nous sommes une association loi 1901 et la dotation de la CCI de La Rochelle a toujours représenté une faible part du budget global (1%). La nouveauté pour nous, est la baisse de la taxe d’apprentissage (de 2% à 1% du budget cette année). Nous pouvons absorber cette diminution grâce à notre croissance et à l’amélioration de notre productivité. Les cours commencent, par exemple, à 7 h 30 et finissent à 22 h pour optimiser l’utilisation de nos bâtiments.

Les écoles doivent trouver de nouvelles ressources (recherche, consulting, nouveaux campus…). Nous avons signé une sixième chaire de recherche (RSE) avec le premier groupe privé algérien, CEVITAL et deux accords avec des partenaires en région et à l’international pour l’ouverture de nos programmes: le Bachelor Management du Tourisme en Algérie et le Bachelor Business à Angoulême.

O. R : Le tourisme est un axe de développement très important pour Sup de Co La Rochelle.

D. P : Le tourisme et la RSE constituent les deux pôles d’excellence du Groupe en cohérence avec notre ancrage régional. Nous avons créé en 2002 La Rochelle Business School of Tourism (LRBST) qui compte aujourd’hui 800 étudiants (Bachelor, MSc et MBA). Il y a un potentiel de croissance important pour notre école de tourisme en France et à l’international (La France reste la 1ère destination touristique au monde et La Rochelle la 3ème ville la plus visitée de France).

O. R : Régionalement participez-vous à la Comue (communauté d’universités et d’établissements) Léonard-de-Vinci qui regroupe les universités des régions Centre, Limousin et Poitou-Charentes ?

D. P : Pas pour l’instant. Mais nous avons une relation historique de collaboration avec l’IAE de l’Université de Poitiers (pour la recherche et les programmes MBA spécialisés) et avec l’Université de La Rochelle (pour le programme Bachelor Business). Quant aux élèves de notre école de tourisme, ils ont la possibilité de valider un double diplôme avec l’ESTHUA-Université d’Angers..

O. R : Vos étudiants viennent-ils plus nombreux du monde entier  depuis que va avez obtenu l’accréditation AACSB ?

D. P : Dans le contexte international, l’accréditation AACSB constitue un atout important. Nous comptons 17 % d’étudiants internationaux sur l’ensemble du Groupe (soit 500 de nos 3200 étudiants) et nous envisageons d’atteindre 30% dans les cinq ans à venir. Deux de nos programmes (ESC et Bachelor International) sont accrédités EPAS (label de l’European Foundation for Management Development –EFMD) et notre école de tourisme est la seule école française de tourisme accréditée TedQual par l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT).

Pour soutenir ce développement à l’international, nous avons ouvert des bureaux de représentation dans six capitales – Moscou, Pékin, Mexico, Istanbul, Dakar et Casablanca –  et l’ouverture de 4 autres bureaux est prévue à court terme. Nous disposons également de 170 accords internationaux majoritairement avec des établissements accrédités. Enfin, cette dimension internationale est soutenue par un réseau de 11000 diplômés dont beaucoup travaillent à l’étranger. Nous déployons même des missions de formation continue jusqu’en Russie !

O. R : Vous venez également d’ouvrir des campus délocalisés à l’étranger.

D. P : Nous ouvrons à la rentrée 2015 des campus associés aux États-Unis (à IONA College de New Rochelle dans l’Etat de New York), en Chine (à l’université Beihang de Pékin) et en Finlande (au nord d’Helsinki sur le campus de la JAMK University). Sur ces campus le programme est mené conjointement par les équipes pédagogiques des deux écoles.

O. R : Une école de management c’est forcément aujourd’hui une école internationale ?

D. P : Oui, par ce qu’il n’y a plus de frontière pour la mobilité professionnelle –nos étudiants envoient leur CV en trois langues pour des postes aux 4 coins du monde. Notre mission étant l’employabilité de nos diplômés, notre école s’est adaptée en conséquence : campus « global village » (70 nationalités parmi nos étudiants et nos enseignants), English tracks, spécialisations par zone géoculturelle du monde, expatriation obligatoire, langues étrangères, management interculturel…

L’accréditation AACSB – américaine – nous a demandé sept ans de travail et a permis d’internationaliser l’école selon les standards nord-américains. Mais nous travaillons aussi nos racines latines, «  la latinad », avec l’Amérique Latine…

Quand nous avons adopté le système LMD, nous sommes allés dans le sens du modèle dominant alors que nous aurions pu, peut-être, en créer un autre « avec une recherche moins académique », fondé sur l’alternance école/entreprise (ou la France et l’Allemagne notamment ont fait leurs preuves depuis des décennies).

Que vaut une recherche qui produit juste pour elle-même ? Nous avons porté atteinte à notre business model et à notre pédagogie en produisant de la recherche hyper académique, en oubliant parfois notre mission au service de la pédagogie et de la compétitivité des entreprises. Ceci nous a contraints à multiplier nos effectifs de professeurs permanents par trois ou quatre.

Nos effectifs étudiants se sont accrus également dans des proportions très importantes dans la plupart de nos écoles. Nous pouvons nous demander si le « big » est toujours « beautiful » en pédagogie ? Aux États-Unis, beaucoup de professeurs ont travaillé en entreprise avant leur thèse alors qu’en France la recherche en gestion reste un « bastion » académique. Heureusement cela évolue depuis quelques années et la FNEGE fait un remarquable travail dans ce sens.

Le prochain combat sera de trouver le bon équilibre. Nous revenons peu à peu vers plus de pédagogie et des publications scientifiques soutenues et valorisées par les entreprises. Dans cet esprit, notre école a créé depuis 2 ans une direction de la valorisation de la recherche et développé 2 instituts (Institut de la Responsabilité Sociétale par l’Innovation et Tourism Management Institute) arc-boutés sur la création de valeur au service de la compétitivité des entreprises.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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