Des promotions en hausse de 50% et qui passent progressivement de 200 à 300 étudiants, de nouveaux locaux à Issy-Les-Moulineaux qui lui permettent d’étendre ses laboratoires tout en gardant son implantation parisienne, une dimension internationale affirmée, l’Isep est devenue peu à peu incontournable dans le paysage des écoles d’ingénieurs. Rencontre avec son directeur, Michel Ciazynski.
Olivier Rollot : Que vous apporte ce nouveau bâtiment à Issy-les-Moulineaux dans lequel vous avez emménagé il y a un an et qui a été inauguré en mai dernier ?
Michel Ciazynski : D’abord la chance de travailler dans une ville hyper-connectée où beaucoup d’entreprises sont implantées. Ensuite de l’espace puisque nous conservons notre bâtiment principal de la rue Notre-Dame des Champs et la superficie de notre bâtiment annexe est passée de 2500 à 4000 m2, Nos laboratoires de recherche et nos enseignants-chercheurs permanents sont maintenant là-bas où nous disposons également de salles de cours. En réhabilitant entièrement le bâtiment – un ancien séminaire – nous avons aussi pu constituer des salles qui correspondent bien à l’apprentissage par projet que nous développons avec les étudiants. Maintenant nous réfléchissons à l’installation d’un FabLab et d’un incubateur d’entreprises pour compléter celui des Arts et Métiers ParisTech avec qui nous avons un partenariat.
O. R : Vos étudiants veulent de plus en plus créer des entreprises ?
M. C : Il y a beaucoup d’opportunités dans la high tech et de plus en plus de jeunes veulent être autonomes et créer leur entreprise. Nous leur offrons toute la chaîne d’accompagnement à la création et nos alumni viennent de créer le club Isep Business Angels pour les y aider.
O. R : Pour stimuler cette créativité, les plus jeunes commencent leur cycle d’études en travaillent avec des robots Nao.
M. C : Les étudiants du cycle intégré international travaillent effectivement dès leur première année avec une dizaine de robots Nao qui nous permettent de développer une pédagogie différente de celle de notre cycle préparatoire classique. La pédagogie de ce cycle est en effet plus fondée sur les projets et un robot comme Nao sert à bien poser les problèmes dès la première année en faisant aussi bien appel à l’électronique qu’à l’informatique ou à la mécanique.
O. R : Ce cycle international est vraiment très différent des autres ?
M. C : Il repose d’abord sur une pédagogie moderne et sur des expériences à l’international avec déjà un séjour d’un mois en Grande-Bretagne, Inde, Canada ou encore Chine entre les deux premières années puis un semestre entier à l’étranger dès l’entrée dans le cycle ingénieur (3ème année) chez des partenaires ciblés avec lesquels nous avons défini précisément le programme et la pédagogie. Ce cycle reçoit des bacheliers qui souhaitent travailler dans une prépa pas simplement tournée vers la physique et les maths mais aussi sur l’international et les applications pratiques. Il est essentiellement ouvert aux bacheliers S mais également aux STI2D auxquels nous apportons un encadrement renforcé afin de les accompagner vers la réussite.
O. R : Au-delà de ce cycle, l’Isep est très internationale pour une école d’ingénieurs avec notamment un semestre obligatoire à l’étranger. Parlez-nous de votre engagement international.
M. C : Tous nos élèves ont l’obligation de suivre un semestre d’études à l’étranger et, pour certains, cela peut monter à trois expériences internationales. De plus, si les cours de première année sont en français, ils sont en anglais à 50% en deuxième année et à 100% en troisième dans toutes les disciplines techniques. Notre corps professoral permanent est aujourd’hui composé de personnes dont l’origine est de 7 pays différents. Nous formons des ingénieurs préparés à travailler à l’international, pas forcément à l’étranger mais dans un environnement international.
O. R : Pour renforcer cet apprentissage de l’international pour tous vos élèves, vous attirez beaucoup d’étudiants étrangers ?
M. C : Nous recevons en moyenne 300 étudiants étrangers chaque année. Il y a quelques années, l’offre diplômante était centrée sur des MSc mais aujourd’hui le programme ingénieur connaît un succès grandissant et nous avons mis en place un programme d’adaptation pour faciliter leur insertion. Nous avons également des échanges classiques d’un semestre et enfin des étudiants de Stanford viennent toute l’année pour des durées de trois mois dans le cadre de leur programme Bing Overseas. Tout cela permet un vrai brassage des populations.
Nous avons également créé récemment le projet Puissance 3 qui réunit des élèves de l’Isep, de l’Esag Penninghen et de Stanford. L’ingénierie pour l’Isep, le design pour l’Esag et le marketing pour Stanford, ils apprennent à travailler ensemble.
Nous avons même créé un espace international dans nos bâtiments parisiens pour permettre aux élèves, français et étrangers, de se rencontrer sur des domaines culturels.
C’est important que nos élèves comprennent très vite que leur vie professionnelle sera faite de ces rencontres et qu’on ne travaille pas de la même façon en France, en Chine, en Inde ou ailleurs. C’est ce que je dis chaque année aux nouveaux élèves : à l’Isep vous allez acquérir beaucoup de connaissances mais aussi apprendre à travailler en équipe dans un environnement international, c’est une compétence aujourd’hui indispensable.
O. R : Comment faites-vous pour développer des partenariats à l’étranger ?
M. C : Nous en avons signé 110 mais il faut constamment en trouver d’autres. Etre accrédité par la Commission des Titres d’Ingénieur et bénéficier du label Eur-Ace a un vrai impact à l’international. Notre accord avec Stanford nous apporte également beaucoup en termes de reconnaissance. Ensuite il faut trouver des partenaires dont les formations correspondent à nos parcours. Aux États-Unis ou dans beaucoup d’universités asiatiques c’est relativement simple car l’offre de formation est largement à la carte.
O. R : Avec ces accords, vos étudiants peuvent aller aux États-Unis sans payer des frais de scolarité supplémentaires ?
M. C : Il n’est pas impossible d’envoyer des étudiants en échange aux États-Unis sans que cela coûte plus cher que le cursus normal. Mais s’ils veulent obtenir un double diplôme ce sera forcément payant.
O. R : Pour revenir aux étudiants étrangers, comment faites-vous pour les accueillir dans les meilleures conditions ?
M. C : Un service de quatre personnes est dédié à l’international avec une responsable de l’accueil qui se charge de leur trouver des logements et les accueille à l’aéroport. Ensuite nous avons développé un système de parrainage par les étudiants français. Nous sommes également exigeants sur leur niveau en français pour qu’ils puissent bien s’intégrer dans notre cycle ingénieur.
O. R : Les étudiants étrangers payent les mêmes droits de scolarité que les Français ?
M. C : Oui, avec parfois quelques réductions dans le cycle ingénieur selon les partenariats.
O. R : Après l’international votre deuxième grand axe de développement est aujourd’hui la recherche. Comment se positionne-t-on quand on n’est pas l’une des très grandes écoles d’ingénieurs ?
M. C : Nous nous sommes lancés il y a seulement 15 ans dans la recherche et il y a 10 ans de façon très active. Aujourd’hui nous avons 21 enseignants-chercheurs permanents (dont sept sont titulaires d’une HDR – habilitation à diriger des recherches) et 18 doctorants. Notre laboratoire LISITE (Laboratoire d’Informatique, Signal et Image, Télécommunication et Electronique) est, comme l’INRIA ou l’IRCAM, devenu laboratoire associé de l’école doctorale EDITE de Paris (Ecole Doctorale d’Informatique, Télécommunications et Electronique), portée notamment par l’UPMC, Télécom ParisTech, le CNAM. Notre volume de publications est évidemment lié à notre taille mais la qualité est tout à fait au rendez-vous, qu’il s’agisse des revues ou des congrès internationaux.
O. R : Les étudiants s’intéressent à la recherche ?
M. C : Ils n’en voient pas tout de suite l’intérêt et nous la leur montrons en les faisant participer à différents projets et en leur proposant un module d’initiation à la recherche. Nous avons même un accord avec CentraleSupélec pour leur permettre d’obtenir un DNM (diplôme National de Master) en Systèmes Avancés de Radiocommunications pour embrayer sur une thèse. Mais peu vont encore suivre un doctorat alors qu’ils touchent en moyenne 42 000€ dès la sortie de l’école.
O. R : Vos étudiants sont tellement recherchés que vous êtes en train d’augmenter vos promotions de moitié !
M. C : Nous passons peu à peu de 200 à 300 diplômés chaque année. Cela correspond à la fois à la demande des entreprises et à celles de beaucoup d’étudiants en France et à l’étranger.
O. R : Donc vous n’avez pas de problèmes de financements ?
M. C : Nous avons subi des baisses de nos subventions de l’État de 15% en 2013 puis 7,5% en 2014. Cette année elles semblent se stabiliser mais nous devons maintenant faire face à la baisse des ressources tirées de la taxe d’apprentissage dans ce qu’on appelle le « hors quota ». Nous sommes aussi vigilants à essayer de faire en sorte à ce que les frais de scolarité n’augmentent pas beaucoup plus que l’inflation. La situation reste donc difficile même si nos finances sont saines, le développement de l’école est donc incontournable.