Alors que les Assises nationales de l’enseignement supérieur approchent à grand pas, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) a tenu à prendre position sur son avenir au travers d’un document intitulé « L’évaluation, vecteur et signal de la qualité de la recherche et de l’enseignement supérieur » publié le 20 octobre. En substance, elle entend réaffirmer l’importance d’une « évaluation impartiale et transparente, organisée selon une méthode homogène », mission qui lui a été confiée en 2006.
Mais surtout l’Aeres entend sauver sa peau face à un concert de critiques qui lui fait rappeler que des « mesures radicales » ont été parfois réclamées touchant les « missions, l’indépendance, ou même l’existence de l’Aeres ». Souvenons-nous des déclarations de Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, lors de sa prise de fonction : « Le travail des chercheurs mérite le calme, en particulier ceux de la recherche fondamentale. Mettons-les à l’abri de la recherche effrénée des crédits, de la compétition frénétique entre territoires ». Même si c’est plutôt à l’ANR qu’elle pensait sans doute alors, l’Aeres se sent forcément dans la ligne de mire.
Plus abrupt, celui qui aurait tant aimé superviser l’enseignement supérieur en plus de l’éducation, Vincent Peillon déclarait lui avant sa prise de fonction que « nombreux étaient les chercheurs – y compris parmi les meilleurs – pour qui l’évaluation, telle qu’elle est faite par l’Aeres, pose problème ». Il estimait donc qu’il n’était « pas possible de faire progresser les chercheurs et les unités de recherche avec un système d’évaluation qui n’est pas reconnu par la communauté ».
Sauver le soldat Aeres
Ces critiques, et bien d’autres, notamment de l’association Sauvons la Recherche, l’Aeres entend bien les réfuter aujourd’hui en affirmant que des « décisions radicales » (sans plus de précision) exposeraient le système de recherche et d’enseignement supérieur français à deux risques : « celui de fragiliser une culture de l’évaluation qui n’est pas encore fermement implantée dans nos établissements ; celui de redonner du poids à des pratiques qui affaibliraient la confiance que nos voisins européens, et de nombreux observateurs étrangers, ont dans l’impartialité des évaluations conduites en France ».
Et le Conseil de l’Aeres composé de 25 experts, de conclure : « Un tel recul serait, enfin, de nature à susciter la défiance de nos concitoyens à l’heure où, dans un contexte économique et social difficile, la recherche publique et l’enseignement supérieur bénéficient d’une stabilité relative du point de vue budgétaire, donc d’un haut niveau de priorité en France. Ce serait là un grand paradoxe ».
Se réinventer ou disparaître ?
Alors l’Aeres disparaîtra-t-elle ou, comme elle le propose d’ailleurs – « les changements nécessaires sont possibles » dit-elle dans son communiqué -se réinventera-t-elle ? Après tout d’autres agences l’ont fait avant elle et la Haute autorité de la communication audiovisuelle est ainsi devenue la CNCL puis le CSA. Si les inconvénients de l’évaluation – perte de temps, suspicion, contraintes administratives – sont évidents, peut-on envisager une autonomie sans évaluation ? Est-il normal de laisser, comme les universités le font parfois, perdurer l’existence de masters auxquels personne ne postule ? Les champions de l’évaluation que sont les universités peuvent-elles s’en abstenir quand il s’agit d’elles-mêmes ?
Mais il est aussi possible que, au-delà de toute mesure raisonnable, la suppression de l’Aeres soit la seule mesure concrète qui sorte des Assises. Tuer l’Aeres pour sauver la LRU, ce serait là aussi un étonnant paradoxe.
Olivier Rollot (@o_rollot)