La conférence de presse de rentrée de la Cdefi a attiré un nombre record de journalistes / Photo : MadameMonsieur Education
« Nos grosses inquiétudes en cette rentrée portent d’abord sur les différentes tensions auxquelles nous sommes soumis financièrement mais aussi sur les questions de vivier et d’apprentissage. » Le nouveau président de la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs), Emmanuel Duflos, est venu faire le point sur cette rentrée avec ses quatre vice-présidents.
Des finances en berne. « Nous avons un contexte budgétaire peu encourageant avec de moins en moins de financements récurrents et de plus en plus d’appels à projet. Quant à l’augmentation du point d’indice elle n’est que partiellement compensée par le MESR alors que le coût de l’énergie grimpe », regrette Romuald Boné, vice-président de la Cdefi et directeur général de l’Insa Strasbourg, qui rappelle que les fonds de roulement dont disposent les établissements, et qui mis en avant par le gouvernement pour compenser ces hausses, répondent à des « projets définis et que le gouvernement doit compenser ses décisions ».
Dernier problème : le montant en baisse du financement de l’apprentissage avec un NPEC qui prend en moyenne aujourd’hui 67% du coût des formations. Sans oublier la nouvelle plateforme de collecte de la taxe d’apprentissage, Soltea, qui ne fonctionne pas, « écœure beaucoup d’entreprises qui ne parviennent à flécher une école », et risque ainsi de générer sur des fonds non fléchés dont on se demande où ils finiront. « C’est vraiment très inquiétant ! », assène Romuald Bonné.
Un enseignement supérieur privé lucratif à réguler. L’enseignement supérieur privé lucratif est aujourd’hui un véritable concurrent pour les établissements bien reconnus. Et même les école d’ingénieurs. « Clairement sur de petits territoires des écoles non reconnues peuvent faire beaucoup de mal aux écoles d’ingénieurs avec un marketing très agressif. Sans oublier le mal qu’elles font à tout l’enseignement supérieur privé en montrant une mauvaise image. Il faut assainir cette situation », insiste Dominique Baillargeat, vice-présidente de la Cdefi et directrice générale de 3il. Ce que confirme Emmanuel Duflos, qui remarque : « Cela joue également sur les peurs que les parents peuvent avoir sur Parcoursup avec une formation à prendre tout de suite ».
Le succès de ces écoles a de nombreux motifs. « Il n’y a pas de condition à la création d’écoles, qui se font parfois à la demande des gouvernances locales. De plus le vocabulaire de l’enseignement supérieur est très compliqué. Tout cela amène des familles à aller vers des formations non reconnues quitte à s’en plaindre ensuite », regrette Dominique Baillargeat, qui met en avant les « nombreuses contraintes, qui vont de la nécessité d’avoir un corps pédagogique à la bonne insertion professionnelle, auxquelles doivent répondre les écoles d’ingénieurs » quand, de l’autre côté, les écoles qui ne sont qu’inscrites RNCP peuvent « n’avoir ni locaux, ni référentiel de formation pourvu qu’elles assurent une bonne insertion professionnelle ». Or selon les écoles il existe des critères simples pour valider la qualité des formations dont pourrait s’inspirer le MESR pour créer son nouveau label destiné aux écoles privées. Mais comment communiquer dessus ensuite ? « Il faudra faire comprendre aux familles ce que ne pas avoir ce label signifie », conclut Emmanuel Duflos.
Une vision transversale de la recherche. La Cdefi se restructure en créant une commission « Formation, recherche, innovation » au lieu des trois actuelles. Elle sera présidée par Jean-Baptiste Avrillier, le directeur de Centrale Nantes, afin de traiter ces trois questions de manière transversale, la pluridisciplinarité étant le modèle même de la recherche dans les école d’ingénieurs. « Nous devons passer d’une vision mono-disciplinaire de la recherche à une vision plus transversale, qui est peu présente aujourd’hui dans les organismes, ce qui complique le positionnement des écoles », demande Laure Morel, vice-présidente de la Cdefi et directrice de l’ENSGSI.
Et l’Europe ? « Les écoles d’ingénieurs doivent plus se préoccuper de l’Europe, car c’est aussi là que sont les viviers, ainsi que les financements de recherche », insiste Christian Lerminiaux, président du conseil d’orientation stratégique de la Cdefi et directeur de Chimie ParisTech-PSL alors qu’aujourd’hui seulement 15% des effectifs internationaux des écoles d’ingénieurs françaises sont issus de pays européens contre 56% d’Afrique et du Moyen Orient par exemple. La Cdefi a d’ailleurs ouvert un bureau de représentation permanent à Bruxelles pour « faire du lobbying et faire mieux reconnaître la formation d’ingénieur à la française ».
L’autre sujet qui préoccupe Christian Lerminiaux et la future loi sur l’immigration : « Alors qu’elle est l’un des pays les moins industrialisés d’Europe, la France n’a toujours pas mis en place de politique migratoire en direction des talents, avec des visas spécifiques. La loi en préparation risque de nous faire perdre encore dix ans si cette dimension n’est pas prise en compte ».
- La Cdefi crée deux nouvelles commissions : l’une dédiée à la transition écologique, l’autre à la « qualité de la vie étudiante ».