A destination des élèves des classes prépas économiques et commerciales option S (ECS) une nouvelle épreuve de géopolitique de la BCE (Banque centrale d’épreuves) voit le jour cette année. Son instigateur, le directeur général adjoint de Grenoble EM, Jean-François Fiorina, revient sur sa conception mais aussi sur l’actualité de son école.
Olivier Rollot : Conçue par Grenoble EM, une nouvelle épreuve de géopolitique (« Histoire, géographie et géopolitique du monde contemporain ») de la BCE voit le jour cette année. Quel processus vous a conduit à concevoir cette nouvelle épreuve ?
Jean-François Fiorina : Il y a dix ans que nous y pensions avec une première tentative refusée il y a huit ans. Ce que nous attendons de la part des candidats c’est une mise en perspective de ce qu’ils ont appris, une mobilisation de leurs connaissances qui produise des avis étayés quant aux conséquences des événements pour les entreprises. La capacité à analyser est primordiale et s’appuie sur des cartes et des données qui permettent de réaliser quels sont les grands enjeux / défis. Renault et Peugeot sont deux grands constructeurs automobiles pour lesquels les réponses à un même défi sont différentes.
O. R : Quelles compétences particulières requiert-elle ?
J-F. F : Pour nous, la géopolitique est « œcuménique » et fait appel à différentes disciplines comme l’ethnologie ou encore à la sociologie pour comprendre et décider. Nous avons conçu cette épreuve dans la logique du continuum CPGE / GE. Elle ne comporte pas de pièges mais demande des capacités de synthèse pour communiquer et argumenter. Si on bien travaillé il n’y a pas de soucis.
O. R : Comment allez-vous préparer les candidats, et leurs professeurs, à s’y préparer dès maintenant ?
J-F. F : Les candidats ont reçu courant novembre un sujets test : « Assiste-t-on à une nouvelle guerre froide au Moyen-Orient ? ». Nous organisons également des webinars à destination des professeurs de prépa et leurs élèves pour répondre à leurs questions en décembre et janvier.
O. R : Quelles écoles vont utiliser votre nouvelle épreuve sachant que trois épreuves de géopolitique différentes seront proposées ?
J-F. F : Grenoble EM bien évidemment mais aussi six autres écoles que nous avons eu la bonne surprise de voir tout de suite nous rejoindre.
O. R : Pour Grenoble EM la nouveauté a également été du côté d’une rentrée placée sous le signe du défi pour les étudiants de première année. Plus de deux semaines consacrées à concevoir de nouveaux produits. Dans quel esprit ?
J-F. F : Nous offrons de plus en plus de possibilités d’apprentissage à nos étudiants et c’est une grande frustration pour nous de voir que beaucoup n’en profitent pas assez. Après 20 ou 22 ans où ils ont été assez passifs, l’idée est de les préparer à apprendre par eux-mêmes dès l’entrée dans l’école.
C’est vraiment dans l’esprit du continuum CPGE/GE que nous travaillons avec un système que nous voulons conserver et qui ne prépare pas seulement à un concours. Il faut aider nos étudiants à dépasser vite le « blues de la prépa » et aux parents à comprendre tout ce que nous offrons à leurs enfants quand certains disent « au prix où je paye l’école » quand les cours ne sont pas obligatoires. Nous devons trouver les bons éléments pour changer de logiciel d’apprentissage dans une esprit de travail de groupe. A comprendre qu’il n’existe pas de vérité absolue si on excepte les maths et la finance. Que le travail repose avant tout sur chaque étudiant et que les expériences étudiantes leur permettent d’avancer plus vite.
O. R : Votre problématique c’est aussi de pouvoir trouver des professeurs pour enseigner les nouvelles pratiques…
J-F. F : La tension est de plus en plus importante dès qu’on aborde les nouvelles pratiques comme la blockchain ou l’intelligence artificielle (IA) où il n’y a que très peu de professeurs. Et même ailleurs les meilleurs sont happés par les entreprises. Demain comment allons-nous pouvoir gérer la diffusion de nos contenus ? Mais toutes les écoles ne peuvent pas se ranger un modèle universitaire. Il nous faut d’abord penser à notre mission. Plus nous avons d’écoles différentes plus nous sommes attractifs.
O. R : Dans ce contexte hyper concurrentiel, quel est aujourd’hui le bon business model pour une école de management ?
J-F. F : Il n’y a pas de modèle universel. La force des écoles de management c’est leur adéquation avec le marché du travail avec des professeurs qui apportent de la valeur face à de nouveaux acteurs qui développent de nouveaux modèles comme OpenClassrooms qui viennent nous impacter sur chaque élément de notre chaîne de valeur. Nous devons bien prendre garde à ne pas nous bureaucratiser sous l’influence de normes de plus en plus prégnantes ou d’accréditations. Être devenu un EESC (établissement d’enseignement supérieur consulaire) nous a permis de changer radicalement la gestion des vacations comme la gestion du personnel. L’école du futur saura gérer différents business models du plus classique au plus smart.
O. R : L’enseignement supérieur c’est aussi de la géopolitique. Comment voyez-vous l’évolution des pratiques dans le domaine ? Notamment avec une Chine qui semble vouloir retenir de plus en plus ses étudiants ?
J-F. F : La Chine a la même démarche dans tous les secteurs. D’abord elle attire chez elle le maximum d’acteurs étrangers. Ensuite elle restreint les libertés des professeurs comme des étudiants et fait monter en gamme ses propres établissements. Enfin les établissements chinois s’implantent eux-mêmes à l’international tout en restreignant la place donnée aux établissements internationaux en Chine même. Demain ce seront peut-être les business schools chinoises qui seront les meilleures du monde.