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Après Paris et Nice, l’Ipag s’implante à Thionville : Olivier Maillard, son directeur, nous explique sa stratégie

Olivier Maillard (© Maison Trafalgar & Romain Chambodut)

Peut-on encore être une école strictement parisienne. Non a répondu l’Ipag il y a plus de trente ans en s’installant à Nice. Non encore nous explique son directeur général, Olivier Maillard, en implantant son école à Thionville, à la frontière luxembourgeoise. Retour sur sa stratégie de développement.

Olivier Rollot : Cette année l’Ipag s’installe dans l’Est de la France, à Thionville, une ville qui, dans l’imaginaire collectif, fait plutôt penser aux hauts fourneaux. Mais aujourd’hui Thionville ce n’est plus du tout ça ?

Olivier Maillard : Thionville est une ville au fort passé industriel qui a laissé la place à des entreprises de pointe. C’est également une place financière à vingt minutes du Luxembourg. En 2026, Thionville fusionnera avec une autre ville pour devenir une agglomération de 150 000 habitants. La croissance est régulière dans un territoire désenclavé à seulement 1 h 45 de Paris en TGV. Il y a avait donc un besoin important de formation alors que la Grande école la plus proche est à Reims.

C’est comme cela que nous sommes entrés en contact avec le lycée Notre Dame de la Providence qui avait connaissance du travail de délocalisation que nous avions effectué à Annecy lorsque j’étais à la direction de l’Esdes. C’est dans ses locaux que nous nous sommes installés pour dispenser à la rentrée prochaine la première et la troisième année de notre Bachelor in Management, revêtu du grade de Licence. Nous proposerons ensuite le cycle master.

O. R : Vous avez d’autres nouvelles implantations en vue ?

O. M : Nous y réfléchissons alors que l’activité à Paris se fera bientôt intégralement dans le 15ème arrondissement, sur notre campus de Beaugrenelle. Une école comme la nôtre joue également un rôle d’aménagement du territoire. Je le rappelle, nous sommes présents à Nice depuis 1989 sur un campus en pleine rénovation qui accueille des étudiants venus jusque d’Italie. Et dans notre plan stratégique 2029 il y a aussi la volonté de développer notre campus d’Abidjan qui fête ses 10 ans cette année.

Il faut bien avoir en tête que l’activité est de plus en plus concurrentielle à Paris avec l’appétit des grands acteurs, une pléthore d’offres et de moins en moins d’étudiants chaque année. C’est très différent en régions où se sont d’ailleurs empressés de s’implanter des groupes privés lucratifs.

O. R : Quelles évolutions escomptez-vous de vos effectifs ?

O. M : Nous souhaitons progresser jusqu’à 4 000 étudiants en 2029. Parmi eux nous pensons faire descendre la proportion d’apprentis de 30 à 25% et faire progresser celle des étudiants internationaux à 40%. Aujourd’hui nous recevons 25% d’étudiants internationaux à Paris et 35% à Nice. Pour monter en puissance, nous proposons une offre de formation totalement anglophone, du BBA au MBA tout en nous appuyant sur nos implantations en centre-ville, très attractives aux yeux de nos étudiants internationaux.

Nous allons également déployer une démarche marketing ambitieuse en participant à plus de salons de recrutement dans le monde mais aussi en structurant un réseau d’agents. Nous allons d’abord nous focaliser sur l’Europe – où il n’y a pas de considération de visas à prendre en compte – puis sur l’Afrique subsaharienne, où nos programmes sont bien accueillis. L’Inde a également un gros potentiel. Nous souhaitons surtout de ne pas dépendre d’une zone en particulier et nouer des liens étroits avec les autorités consulaires locales.

O. R : Pas d’entretien aujourd’hui sans question sur l’Intelligence artificielle. Qu’attendez-vous de concret de son déploiement ?

O. M : L’utilisation des IA doit d’abord nous permettre d’individualiser les parcours étudiants avec des solutions qui nous permettent de proposer des tests de positionnement et des parcours d’apprentissage adaptés. Un outil comme 7Speaking, par exemple, nous permet de mobiliser toutes les langues, d’appréhender le niveau de chacun et d’aller d’étape en étape ensuite en prescrivant à chaque étudiant une feuille de route.

Plus généralement, si l’IPAG souhaite accompagner les étudiants dans l’usage de l’IA, c’est aussi pour leur apprendre à en être des utilisateurs avisés et responsables, connaissant les risques associés, en restant créatifs, productifs tout en nourrissant leur capacité de réflexion. C’est le sens de l’accord de partenariat que nous avons signé avec l’école Aivancity, partenariat qui offre à chacun de nos étudiants du PGE la possibilité de bénéficier d’une certification IA.

O. R : Que faites-vous en termes de suivi de la santé de vos étudiants ? Un aspect de plus en plus à prendre en compte semble-t-il aujourd’hui.

O. M : Nous avons un pôle Santé, « Vital’Ipag », dédié à la santé mais aussi au bien-être des étudiants, qui propose un accompagnement au travers d’événements et de dispositifs rendus possibles grâce à un grand réseau de partenaires. Nous avons par exemple créé sur nos campus de Nice et Paris des espaces que nous avons appelés « Salles Vitalipag » dans lesquels les étudiants peuvent venir se ressourcer, se poser, consulter un ostéopathe – l’école d’ostéopathie de Paris dispense deux consultations par mois à nos étudiants -, un nutritionniste, voire un addictologue ou tout simplement se relaxer pendant 20 minutes dans le noir. Nous soutenons ainsi les étudiants stressés, qui ne dorment pas bien, ne se nourrissent pas bien. Sur ce dernier point nous nous sommes rapprochés du Crous pour installer un corner ou un restaurant à proximité de notre campus parisien. Nous y sommes habilités en tant qu’établissement EESPIG.

O. R : Une question très prosaïque maintenant : comment se portent les finances de l’Ipag ? On sait que nombre d’écoles rencontrent des difficultés financières depuis le Covid.

O. M : La situation est effectivement compliquée pour beaucoup d’écoles même si le prix de l’énergie a baissé. Nous gérons l’Ipag comme un bon père de famille. Il n’en reste pas moins que nous rencontrons des difficultés liées aux incertitudes sur le financement de l’apprentissage, à une démographie en berne ou encore à des changements de comportement vis-à-vis des écoles postbac. De plus en plus d’étudiants veulent obtenir un diplôme de niveau bac+3 avant de se lancer dans un master plutôt que de s’engager tout de suite pour cinq ans.

Or nous ne sommes que très peu soutenus par l’État qui n’a pas augmenté son financement des EESPIG depuis des années, ni redonné une quote-part d’imposition aux familles qui inscrivent leurs enfants dans un établissement privé, mesure de justice que j’ai personnellement toujours défendue. On nous demande de participer au service public de l’enseignement tout en nous demandant d’être très regardant sur nos frais de scolarité. L’État devrait davantage investir dans des établissements qui ont fait leurs preuves comme le nôtre.

O. R : Ne devriez-vous pas vous rapprocher d’un groupe d’écoles pour mieux assurer votre avenir ?

O. M : L’Ipag fait aujourd’hui partie des dernières écoles indépendantes. Ce qui ne signifie pas qu’elle est isolée ni qu’elle entend avancer seule Depuis mon arrivée à la direction de l’Ipag en 2023 nous avons repris une démarche partenariale pour créer de la valeur. Par exemple nous proposons avec l’école Aivancity une certification IA for business dès la deuxième année du PGE. Nous avons aussi, avec ce même partenaire, entamé une réflexion sur un double diplôme Data et IA sur ce même PGE.

Avec l’Institut Catholique de Paris nous dispensons un double diplôme de master en Management et Ingénierie Culturelle. Nous avons également un projet de double diplôme avec une école d’ingénieurs française alors que nous avons toujours un partenariat avec le prestigieux Politecnico de Turin qui permet chaque année à 15 de nos étudiants de Nice d’obtenir un double diplôme en cinq ans dont deux années à Turin (3e et 5e années).

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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