De très beaux bâtiments dans l’une des plus belles villes de France, une intégration dans l’Institut Mines Télécom qui doit lui donner plus de moyens, de nouveaux diplômes, l’Ecole des Mines Albi-Carmaux entend se développer dans les années à venir pour atteindre une « taille critique » de 1000 étudiants. Entretien avec son directeur, Alain Schmitt.
Olivier Rollot : Parmi les sept écoles des Mines, Albi-Carmaux est la plus jeune (créée en 1993). Quelles sont vos ambitions aujourd’hui ?
Alain Schmitt : Nous sommes une école jeune, de taille moyenne, dans une ville moyenne. Nous devons atteindre le cap des 1000 étudiants dans trois ans. Aujourd’hui nous comptons 250 étudiants par promotion dans notre cycle ingénieur, dont 50 qui suivent leur cursus en apprentissage et reçoivent exactement le même diplôme que les autres. Nous recevons également chaque année quarante futurs docteurs. S’y ajoutent quatre « diplômes nationaux de masters », dont trois nouveaux à la rentrée, entièrement dispensés en anglais, qui recevront à terme en tout 100 étudiants chaque année, mais aussi des mastères spécialisés (« Aeronautical Manufacturing » avec l’Isae SupAero par exemple) et un MSc « Supply Chain and Lean Management » préparé avec Toulouse BS.
O. R : Vous voulez intégrer plus d’étudiants étrangers ?
A. S : Ils sont encore peu nombreux et nous voulons en faire venir plus de pays qui ont aujourd’hui un très bon niveau académique. Historiquement, nos étudiants étrangers sont essentiellement issus du Brésil et de Chine et nous voulons qu’ils viennent également du Moyen-Orient, d’Inde, d’Indonésie ou de Colombie.
O. R : Mais que dites-vous aux étudiants pour les attirer ici, au-delà de la beauté de la ville et de ses environs ?
A. S : L’excellence scientifique des Mines – 85% de nos laboratoires sont labellisés CNRS – est une évidence pour les élèves de prépas mais doit être démontrée aux étudiants étrangers. A leur intention nous mettons en ligne les CV de tous nos responsables. Les étudiants français sont également sensibles à l’accompagnement de la construction du projet professionnel que nous proposons au travers de différents stages et d’une mobilité internationale d’un semestre qui sera obligatoire à la prochaine rentrée.
Chaque étudiant bénéficie d’un référent dans l’école pour l’aider à s’épanouir professionnellement, à définir quel emploi, dans quel type d’entreprise lui convient. Nous voulons les faire réfléchir dans le cadre d’un cursus somme toute assez généraliste qui leur fera occuper une place managériale plus tard.
O. R : De quels moyens disposez-vous ?
A. S : Notre budget est de 25 M€ dont 17 M€ proviennent des dotations publiques. Parmi nos ressources propres les frais d’inscription sont aujourd’hui fixés à 2150€ par an (4150€ pour les non Européens) et nous avons 45% de boursiers.
O. R : Et 42% de filles, ce qui n’est pas classique pour une Ecole des Mines !
A. S : Cela provient largement de notre double diplôme pharmacien/ingénieur qui forme de futurs professionnels de l’industrie pharmaceutique et de la cosmétique. Mais nous travaillons également beaucoup à promouvoir l’ingénieur au féminin. Nous délivrons aussi un certificat de « management de la diversité ».
O. R : Au niveau national vous faites partie de l’Institut Mines Télécom (IMT) mais au niveau local votre partenaire c’est la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées. Comment articulez-vous votre travail avec ces deux entités ?
A. S : Le 1erjanvier 2017 nous deviendrons une école interne de l’Institut Mines Télécom, ce qui signifie pour nous une mutualisation très efficace de nos moyens pour favoriser notamment la recherche appliquée qui est dans l’ADN de l’IMT. Alors que l’IMT forme 7% des ingénieurs français, il diplôme 25% des docteurs et assure 25% de la recherche contractuelle des écoles d’ingénieurs françaises.
Avec Toulouse Ingénierie, qui réunit l’ensemble des écoles d’ingénieurs du site, nous jouons à fond la carte de la Comue. En trois ans nous avons monté 25 projets dont une passerelle entre la PACES et nos écoles. Nous faisons aussi tout pour rompre le clivage entre les recherches industrielle et académique avec de nombreux partenaires. Qu’ils soient locaux, comme l’Institut de recherche technologique (IRT) spécialisé dans l’aéronautique Saint-Exupéry ou la société d’accélération du transfert de technologies (SATT), ou internationaux comme Solvay.
O. R : Quel pourcentage de vos diplômés poursuit en doctorat ?
A. S : Entre 10 et 15% mais nous ne tenons pas forcément à ce que ce soit chez nous. Pour ne pas trop vivre en autarcie je pousse nos étudiants à chercher ailleurs.
O. R : Quel est le statut d’un doctorant aux Mines d’Albi ?
A. S : Tous nos doctorants sont salariés dont les trois quarts en contrat Cifre et d’autres avec l’association Armines qui gère 250 doctorants dans toute la France pour le compte de l’IMT. Le conseil régional et l’Agence nationale de la recherche délivrent encore d’autres financements. Notre charte de la thèse assure à chacun une rémunération mensuelle qui lui permet de se consacrer entièrement à sa recherche.
O. R : Comment fonctionne le partage des résultats de la recherche avec l’entreprise ?
A. S : Nous en partageons les fruits en proportion de l’investissement de chacun et cela permet à l’école de posséder un beau portefeuille de brevets. C’est différent quand il s’agit d’une chaire d’entreprise. Dans ce cas si la fiscalité est très intéressante, la recherche, en revanche, devient accessible à tous.