Classée deuxième dans la catégorie postbac ans dans le classement 2013 des écoles d’ingénieurs de l’Etudiant, l’UTC est l’une des plus belles réussites de l’université française. Appelé à sa présidence en 2011, Alain Storck, ancien directeur de l’Insa Lyon, travaille à la fois à la constitution d’un réseau avec les autres universités de technologies (le Groupe UT qu’il préside) et sur le développement de son université dans une ville qui paraît parfois bien petite pour recevoir un établissement de cette taille.
Olivier Rollot : Dans tous les mouvements de rapprochement qu’effectuent aujourd’hui les écoles d’ingénieurs, on pense à l’institut Mines Télécom ou au réseau des écoles centrales par exemple, on désespérait un peu des universités de technologie (UT) de Compiègne, Belfort-Montbéliard et Troyes. Or vous venez enfin de créer un réseau. Pourquoi avoir tant attendu ?
Alain Storck : Après un premier mouvement de rapprochement qui avait avorté, du fait sans doute de la trop grande importance de Compiègne, après un second entre Belfort-Montbéliard et Troyes qui avait, semble-t-il, achoppé sur les questions de territoire, nous nous sommes dits, avec Pascal Brochet pour l’UTBM et Christian Lerminiaux pour l’UTT, qu’il fallait relancer la dynamique et créer un Groupe UT sur le modèle des commissions du groupe des Insa que j’avais créées. C’est chose faite.
O.R : Ce réseau pourrait s’ouvrir à d’autres partenaires ?
A.S : A tout établissement qui deviendrait une université de technologie, oui. Sinon, nous avons aussi cinq membres associés : l’Escom, l’EPF et l’Esta en France, l’université de Shangaï et l’Ecole de technologie supérieure de Montréal.
O.R : Quels sont vos objectifs ? Il n’est pas question de fusions comme pour certaines écoles de commerce ?
A.S : Pour que ce groupe fonctionne bien, il faut bien sûr une ambition commune mais surtout que tous les personnels soient mobilisés, pas seulement les directeurs Le réseau des UT se veut donc d’abord un espace de dialogue avec, par exemple, six commissions thématiques allant de la pédagogie à la recherche en passant par la vie étudiante. Mais non il n’est absolument pas questions de fusion.
O.R : Travailler ensemble c’est aussi pouvoir mutualiser des moyens. Que pouvez-vous faire dans ce sens ?
A.S : Pour les UT cela par exemple par la communication auprès du grand public. Mais il faut aller plus loin. Une politique inter-sites est nécessaire sur des sujets où nous avons tous des compétences affirmées, comme par exemple les transports où nous possédons tous les trois d’excellents laboratoires.
O.R : En cette période de « vaches maigres », on imagine aussi que la question des moyens est centrale ?
A.S : Nous pensons effectivement beaucoup aux diversifications possibles des UT pour augmenter des budgets aujourd’hui contraints. Dans 15 ans nous devons nous demander où nous en serons et prévoir des moyens pour ne pas toujours avoir à jouer sur la masse salariale pour boucler les budgets. Aujourd’hui il manque à l’UTC 1,5 million par an pour boucler son budget et il nous faudrait de 5 à 10 millions d’euros de plus pour pouvoir progresser comme il le faudrait. Dans cet esprit, il nous faut mieux travailler la récolte de la taxe d’apprentissage, augmenter la part de la formation continue, mieux faire connaître notre fondation ou encore rénover notre recherche partenariale avec les entreprises.
O.R : Vous recevez beaucoup d’étudiants étrangers (1000 sur 4000), que pensez-vous de l’idée d’augmenter leurs frais de scolarité, qui sont aujourd’hui exactement les mêmes que ceux des étudiants français ?
A.S : Je milite pour le projet de la Conférence des Grandes écoles de faire payer le coût complet de leur scolarité, soit entre 12 et 13 000 euros par an, aux étudiants étrangers. Ce serait un levier financier important et je ne partage absolument pas l’avis de ceux qui pensent que les étudiants étrangers se détourneraient alors de nous. La plupart proviennent de familles aisées et nous proposerions de toute façon un dispositif de bourses pour les plus méritants qui n’auraient pas les moyens de nous rejoindre.
O.R : Une grande université dans une ville moyenne, ce n’est pas parfois un peu compliqué à gérer ?
A.S : Si on ajoute les enseignants, les personnels administratifs et leurs proches aux étudiants on peut estimer que 10% de la population de Compiègne provient d’un seul établissement. Une proportion d’étudiants qu’on retrouve ailleurs en France mais pas issue d’une seule université. Mais des étudiants ce sont aussi des jeunes qui font la fête et cela peut créer des dissensions avec les habitants. Nous mettons donc en place des opérations «Les étudiants dans la ville» pour créer des liens.
O.R : Vous voulez également développer toute l’économie locale autour de l’UTC.
A.S : Il s’agit de créer un éco-système local d’innovation et de créativité avec les entreprises et les institutions territoriales, qu’il s’agisse de la mairie de Compiègne ou de la région Picardie, destiné à favoriser la création d’entreprises. La pièce maîtresse de l’ensemble devrait être un centre d’innovation de 5 000 m2 qui recevra tous les acteurs de l’innovation, qu’ils soient ingénieurs, entrepreneurs artistes ou sociologues. Dans le même esprit, nous allons également créer un FabLab qui sera équipé de machines permettant de développer les projets de nos étudiants.
O.R : Justement, comment voyez-vous l’UTC dans 20 ans ?
A.S : Nous devons faire évoluer l’UTC pour en faire une université européenne de technologie, un positionnement que je revendique. Pour cela il nous faut plus d’étudiants : nous sommes à 4000 aujourd’hui et il en faudrait 8000. Notre développement international passe aussi par la création d’antennes numériques dans un certain nombre de pays avec le Groupe UT.
O.R : Une initiative que vous avez prise a fait beaucoup couler d’encre : la création d’un cursus alternance au tronc commun ouvert à tous les bacheliers : HuTech pour « Humanités et technologies ».
A.S : L’UTC est effectivement la première école d’ingénieurs à avoir ouvert un parcours vers l’ingénierie ouvert aux S comme aux ES.et même aux L ayant opté pour l’option maths. Le programme spécifique que nous leur proposons s’articule autour de l’ingénierie, des sciences humaines et sociales (SHS) et des maths pour la conceptualisation. Il faut aujourd’hui réconcilier les sciences humaines et les technologues, décloisonner les savoirs, penser l’objet dans la société.