Tout le monde ne peut pas – ou ne veut pas – se lancer dans un doctorat traditionnel. Les professionnels de la gestion, titulaires d’un MBA ou d’un master, ont la possibilité de se lancer dans l’obtention d’un diplôme spécifique : le Doctorate in Business Administration (DBA). Président du Business Science Institute, qui propose un DBA, ancien directeur de l’EM Strasbourg, Michel Kalika nous explique ce qu’est un DBA et ce que cela apporte à ses titulaires de le passer.
Olivier Rollot : Pourquoi faire un DBA ?
Michel Kalika : Beaucoup de managers et de cadres qui ont obtenu un MBA (Master of Business Administration) reviennent ensuite vers leurs professeurs avec l’objectif de préparer une thèse. Mais la structuration actuelle des écoles doctorales rend très difficile l’obtention d’une thèse normalement destinée à des étudiants plus jeunes susceptibles d’y passer trois ans entiers de leur vie, par exemple dans le cadre de contrats CIFRE. Un manager de 45 ou 50 ans qui a encore envie de progresser aura donc du mal à s’inscrire dans des thèses dont les standards sont de plus en plus académiques. Même s’il va au bout de sa thèse il n’est pas certain de l’obtenir.
Dès 2008 j’ai donc créé à Dauphine un diplôme spécifique pour ces managers, l’Executive DBA, puis un autre en 2012 avec le Business Science Institute auquel plus 70 professeurs internationaux collaborent maintenant.
O. R : En quoi l’Executive DBA est-il si différent de la thèse traditionnelle ?
M. K: L’idée est que des managers en activité peuvent créer une connaissance différente de celle des thèses traditionnelles parce qu’ils partent de pratiques managériales que, par définition, le jeune doctorant ne connaît pas. Les managers viennent à nous avec des projets de reherche très précis. Par exemple ce directeur des ressources humaines dans la grande distribution qui veut travailler sur « l’adaptation des compétences de managers ». Le DBA est une thèse de pratique avec un corpus de connaissance.
Mais attention : on constate que dans certaines universités, notamment celles qui ne sont habilitées à délivrer des PhD [le doctorat américain] il peut y avoir une dérive vers des DBA très académiques. Nous tenons à notre profil de DBA managérial et nous avons d’ailleurs maintenant deux accords qui l’attestent : avec l’université de technologie de Sydney, qui délivre à nos étudiants un « Certificate of Research in Business Administration », et l’IAE Lyon dans lequel nos étudiants sont également inscrits
O. R : Les DBA sont-ils publiés comme les thèses ?
M. K: Non seulement ils sont soutenus, mais nous allons même créer une collection avec les éditions EMS pour donner à un certain nombre d’entre eux encore plus d’impact. Nous voulons créer des thèses utiles aux managers dans lesquelles il n’y a pas 95% de notes et de littérature et 5% de recommandations. Nous avons 40 thèses en cours dont les premières seront soutenues cette année.
O. R : Pour les professeurs qui les suivent cela doit être un travail assez particulier ?
M. K: Les professeurs sont ravis de ce contact avec les managers qui leur donne accès à des terrains auxquels ils n’ont pas toujours la possibilité d’être confrontés. Nous leur demandons d’assurer un suivi au moins mensuel des managers.
O. R : Comment est-on sélectionné ?
M. K: Il faut posséder un master, généralement un MBA, être en activité et avoir occupé un poste d’encadrement pendant au moins cinq ans ; En pratique les managers sélectionnés ont au moins dix ans d’expérience en général. Ensuite c’est un jury qui sélectionne les candidats selon une procédure tout à fait classique (dossier, interview). Nous insistons notamment beaucoup sur la nécessité de travailler tous les soirs et tous les week-ends. Cela demande une double motivation : individuelle (se réaliser et valoriser à ses propres yeux l’expérience acquise) et professionnelle en démontrant à son entreprise l’utilité de sa thèse. Enfin, le DBA coûte 16 000€ qui peuvent être financés dans le cadre de la formation d’entreprise.
O. R : Des enseignants qui n’ont pas de doctorat peuvent-ils également être intéressés ?
M. K: Nous rencontrons effectivement des professeurs qui ont été embauchés pour leurs grandes compétences dans leur domaine et subissent aujourd’hui la pression de la nécessité de publication. Le DBA permet à ces spécialistes de valoriser leurs compétences sans entrer dans la logique de publication dans les revues étoilées [les meilleures revues de recherche classées par le CNRS] et en publiant plutôt dans des revues professionnelles ou en publiant des cas, des ouvrages. Beaucoup de consultants sont également intéressés.