L’université de Cergy-Pontoise (UCP) c’est un peu la petite université qui monte. Avec ses 16 000 étudiants, sa pluridisciplinarité (il ne lui manque que la médecine) elle se distingue régulièrement dans tous les classements et notamment pour l’insertion de ses diplômes de master. Sa dernière campagne de communication est particulièrement réussie. Rencontre avec son président, François Germinet (à suivre sur Twitter @UCP_Germinet).
Olivier Rollot : Vous venez de lancer une campagne de communication intitulée « Vivez l’UCP ! ». Ce n’est pas encore si courant dans les universités ?
François Germinet : Si maintenant toutes les universités cherchent à se valoriser mais nous sommes l’une des seules, si ce n’est la seule, à institutionnaliser une campagne de promotion avec un plan media annuel. Nous voulons ainsi positionner l’université sur son bassin, à cheval entre le Val d’Oise, les Yvelines et les Hauts-de-Seine, avec une campagne d’affichage dans les gares et les principales villes mais aussi une vidéo projetée dans différents cinémas.
Il s’agit de faire entrer l’université dans l’inconscient collectif, de la rendre incontournable sur un territoire pour que les parents et les futurs étudiants en aient une bonne image, ou tout simplement pour qu’ils dépassent les stéréotypes sur l’université et qu’ils sachent qu’à l’université de Cergy-Pontoise on ne vient pas seulement suivre une formation, mais on vient s’épanouir intellectuellement et culturellement. Bref, montrer l’université telle qu’elle est, et leur donner envie de venir.
O. R : Mais vous n’avez pourtant aucun mal à recruter de nouveaux étudiants ?
F. G : Non mais il est toujours préférable qu’un étudiant vienne chez nous par envie, et non pas seulement parce qu’il sait qu’il a une place garantie. Un choix positif plutot qu’un choix neutre ou pire, par défaut. Il faut aussi que des étudiants qui seraient tentés par une école ou par un autre territoire poussent nos portes. Nous organisons cinq journées portes ouvertes chaque année et, pour la première fois cette année, nous ouvrons nos masters.
O. R : La vraie concurrence entre les établissements d’enseignement supérieur est là : au niveau master.
F. G : Oui car là nous sommes sur un recrutement national. Pour attirer les étudiants nous pouvons nous appuyer sur d’excellents taux d’insertion et de très bons niveaux de salaire. Dans l’enquête menée chaque année par le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche auprès de toutes les universités, nous nous classons ainsi à la première place en lettres et arts, à la deuxième en droit-économie-gestion et la troisième en sciences humaines et sociales.
Les étudiants peuvent trouver chez nous de véritables « pépites » en droit, finance, ingénierie, tourisme, etc. Certains de nos masters peuvent se dérouler en apprentissage, ce qui n’est pas si courant et très recherché.
O. R : Comment expliquez-vous ces excellents taux d’insertion professionnelle ?
F. G : C’est tout le travail de personnels et d’enseignants très attentifs à l’insertion avec, par exemple, des modules consacrés à la recherche d’emploi dans nos masters. Les étudiants peuvent également rencontrer les anciens pour organiser des événements au cours desquels ils leur donnent des conseils.
La réputation de l’université passe également par les diplômés en poste. L’année dernière nous avons ainsi organisé avec Spie Batignolles un événement réunissant tous nos diplômés employés par l’entreprise. Des diplômés de DUT, de licence, de droit, d’économie etc. travaillant chez Spie Batignolles ont ainsi été heureux de tous se retrouver ensemble.
O. R : Trouver un emploi à vos étudiants c’est quand même plus facile dans certains domaines que dans d’autres.
G : C’est possible partout car nous sommes très attachés à qu’il y ait toujours un marché de l’emploi après chaque diplôme. En histoire-géographie comme en lettres en anglais, dans le commerce international ou le tourisme nous proposons des masters en apprentissage qu’apprécient beaucoup les entreprises. Résultat : d’excellents taux d’emploi pour une université jeune – créée en 1991 – sur un territoire pas très connu.
O. R : Vous développez une fondation, allez à la rencontre des entreprises, on vous voit souvent dans des événements avec des étudiants. C’est quoi le rôle d’un président d’université aujourd’hui ?
F. G : Je suis le premier VRP de l’université et c’est un travail passionnant de faire partager à tous son action. Le tout avec également un très important travail de management interne et de réflexion stratégique.
O. R : A la fin de l’année Jean Tirole, notre récent prix Nobel d’économie, estimait qu’une bonne université devait être de petite taille – aux alentours de 15 000 étudiants – et pluridisciplinaire. C’est le portrait de l’UCP ?
F. G : Les grandes universités dans le monde sont pluridisciplinaires. Mais si on veut se comparer aux grandes universités américaines, souvent de petites tailles, il ne faut pas oublier qu’elles sélectionnent. Nous sélectionnons peu mais n’en proposons pas moins des filières d’excellence qui rivalisent avec les grandes écoles.
C’est quand même incroyable de constater qu’il n’y a pas de problème pour reconnaître que les médecins ou les juristes sont très bien formés à l’université mais que certains s’imaginent qu’elle ne sait pas former des gestionnaires ou des ingénieurs. En master nous formons des professionnels au niveau des meilleures écoles. Aujourd’hui nous voulons travailler avec elles pour avoir une approche globale dans le cadre de la Comue Université Paris Seine.
O. R : Vous parlez d’excellence en master mais vous devez quand même admettre qu’il reste des taux d’échec élevés en première année de licence.
F. G : Les trois quart des échecs sont liées à des problèmes d’orientation. Quand les étudiants ont choisi la bonne filière ils réussissent très bien. 60% des bacheliers généraux passent en deuxième année du premier coup ce qui est assez équivalent aux systèmes sélectifs.
O. R : La Comue Université Paris Seine vient de déposer un projet dans le cadre des nouvelles initiatives d’excellence : un I-site. Pouvez-vous en dire plus ?
F. G : Avec nos partenaires de la Comue mais aussi de l’École des Gobelins et du pôle judiciaire de la Gendarmerie internationale – soit 400 experts – nous voulons former les « esprits éclairés du XXIème siècle » dans cinq axes principaux qui vont des territoires intelligents à la criminalité-sécurité-société, etc. Les i-site se positionnent sur le même plan d’excellence que les Idex : être les meilleurs dans les axes choisis.
O. R : Une question politique : que pensez-vous de l’initiative récente du Sénat de voter un amendement qui donnerait un poids déterminant aux régions dans la création des diplômes ?
F. G : La situation est très différente en Ile-de-France et dans le reste de la France. En Ile-de-France nous n’avons pas de contractualisation avec la région. Au-delà, nous ne voyons pas pourquoi une région aurait un accord à donner sur la délivrance de diplômes nationaux. Les universités sont autonomes dès lors que l’État nous reconnaît l’expertise sur un diplôme.