En implantant à la rentrée prochaine son programme grande école à Paris, l’EM Normandie se définit de plus en plus comme une école de management globale présente aussi bien en Normandie (Le Havre et Caen), qu’en Ile-de-France et Angleterre (Oxford). Son directeur, Jean-Guy Bernard, revient sur sa stratégie.
Olivier Rollot : L’EM Normandie est de plus en plus parisienne : en plus du programme grande école en alternance, vous allez y implanter la première année post bac à la prochaine rentrée. Il faut absolument être à Paris aujourd’hui quand on est une école de management ?
Jean-Guy Bernard : Il y a maintenant 4 ans que nous sommes implantés à Paris avec le cycle Master du programme grande école en alternance et de l’Exécutive Education. Nous souhaitons aller plus loin parce que beaucoup d’étudiants qui nous rejoignent sont originaires de région parisienne et souhaitent y poursuivre leur cursus. Entre autres parce qu’avec la hausse des impôts et la baisse du quotient familial, les familles cherchent, et c’est bien normal, à limiter les dépenses annexes, comme le logement par exemple.
De plus, toutes les grandes écoles post bac – à part l’Esdes – sont implantées à Paris qui représente un gros bassin de recrutement. Certaines, comme l’Essca ou l’Iéseg, y ont doublé la taille de leurs promotions. D’où l’ouverture à Paris à la prochaine rentrée de la première année du programme grande école. 100 places sont proposées et ainsi de suite pour le dispenser entièrement à Paris dans 3 ans, le cycle Master y étant déjà installé. C’est aussi une question d’image et une volonté de proximité avec les entreprises qui recrutent nos étudiants en stage, en alternance et après leur formation. Et un moyen d’attirer davantage d’étudiants internationaux, nécessairement séduits par les attraits de la capitale.
O. R : Vous voilà une école parisienne !
J-G. B : Nous restons une école normande qui possède un campus à Paris ! Nos étudiants parisiens peuvent d’ailleurs aller suivre des cours à Caen, au Havre et sur notre campus britannique d’Oxford en fonction de leurs choix de parcours et de spécialités. Tout cela rejoint la stratégie des fondateurs de l’école qui souhaitaient que nous créions un axe Angleterre/Normandie/Seine. Du Grand Paris à la Normandie réunifiée avec l’alliance des ports (de Paris/ Rouen et Le Havre) jusqu’à l’autre côté de la Manche.
O. R : Vous pensez attirer également plus d’élèves de prépas ?
J-G. B : Pour attirer des élèves de prépas il ne faut pas qu’ils se sentent « noyés » au milieu d’étudiants qui sont déjà dans l’école depuis deux ans. Aujourd’hui nos étudiants venus de prépas débutent plutôt leur formation au Havre et les post bac à Caen. Ce n’est qu’en Master que se fait – très bien d’ailleurs – le melting pot. D’ici trois ans, les prépas pourront aussi choisir Paris en première année.
O. R : En plus de la direction de l’EM Normandie vous présidez depuis l’année dernière le concours Passerelle. On parle aujourd’hui beaucoup de la nécessité de créer une banque de concours commune des admissions parallèles, comme c’est le cas pour les prépas. Qu’en dites-vous ?
J-G. B : Cela fait des années que notre précédent président, Jean-François Fiorina, se bat pour que ce « Sigem des admissions parallèles » voit le jour. J’ai repris le flambeau convaincu de la justesse du raisonnement. Maintenant le problème est de créer un dispositif qui permette de gérer des sources de recrutement beaucoup plus variées qu’en prépas. En admissions parallèles nous recrutons aussi bien des titulaires de BTS que de DUT, de licences ou de titres RNCP. La diversité des modes de recrutement est considérable entre les écoles qui recrutent sur concours (Passerelle, Tremplin et Ambition+) et celles uniquement sur entretiens.
Sous la pression, on avancera sans doute plus vite quand tout le monde aura compris que le réservoir d’étudiants n’est pas extensible à l’infini. Le marché est arrivé à un palier et il faut une régulation pour éviter que des écoles disparaissent. Le vrai sujet c’est le nombre de places offertes par chaque école et Passerelle est le seul concours où elles sont solidaires.
O. R : La croissance des effectifs dans les écoles de management ces dernières années a d’abord été tirée par les bachelors. Mais n’y a-t-il pas de concurrence entre votre programme grande école et votre bachelor ?
J-G. B : Non car ce sont des publics différents. Les bachelors conviennent à des étudiants qui souhaitent rapidement obtenir un diplôme même si, in fine, la grande majorité poursuit ensuite ses études. Ceux qui entrent dans le programme grande école post bac veulent tout de suite intégrer une grande école, sans passer par une prépa, pour enchaîner le plus d’expériences à l’international et en entreprise. Parmi les étudiants qui postulent aux deux concours Sésame et Atout+3, 90% de ceux qui sont acceptés à l’école choisissent Sésame et le cursus en 5 ans.
O. R : L’expérience internationale est cruciale pour les étudiants. Combien de temps passent-ils en moyenne à l’étranger et combien d’étudiants étrangers vous rejoignent ?
J-G. B : Tous les étudiants post bac réalisent à minima deux semestres académiques à l’étranger chez nos quelque 200 partenaires universitaires. En master 2, ils peuvent repartir en double-diplôme. A ce jour, nous avons une vingtaine d’accords (MBA, master, etc.). Nous travaillons à développer les liens avec des établissements accrédités EPAS et AACSB comme nous, mais aussi EQUIS et AMBA.
Concernant les étudiants internationaux, ils sont cette année environ 700 sur nos différents sites. Certains, francophones, arrivent via les concours nationaux Sésame, BCE ou Passerelle, d’autres, à partir du Master 1, via le concours Pass-world que nous avons créé avec six autres écoles de Passerelle. Nous en recrutons aussi en master 2 pour un an. Eh, bien entendu, nous accueillons des étudiants étrangers en échange pour des périodes de 6 mois à 1 an dans le cadre des accords bilatéraux avec nos partenaires.
O. R : Il sera même possible à la rentrée prochaine de suivre tout ou en partie de votre cursus en anglais. Combien d’étudiants seront concernés ?
J-G. B : Oui, nous renforçons la dimension internationale du programme pour former des jeunes parfaitement bilingues. Nous voulons aussi attirer davantage de titulaires de bac européens ou internationaux et d’élèves ayant accompli une partie de leurs études secondaires à l’étranger ou de bi-nationalité.
Pour ce faire, nous ouvrons la première année post bac entièrement en anglais à Caen. 50 étudiants pourront en bénéficier. Ils devront justifier d’un score minimum de 750 au TOEIC et seront sélectionnés en fonction de leur rang d’admission au concours Sésame. Ensuite, ils pourront aller à Oxford à partir de la 2ème année ou opter pour Le Havre en 3ème année, toujours en parcours anglophone. En master 1, outre Oxford, le premier semestre se déroule au Havre et le second dans une université étrangère. Enfin en master 2, nous leur proposons 6 spécialisations en anglais dont certaines en alternance : International Business, International Logistics and Port Management et Supply Chain Management au Havre, International Events Management et Digital Business Strategy (avec Grenoble Ecole de Management) à Paris, Cross-Cultural Marketing and Negotiation à Caen.
O. R : Où en êtes-vous du développement de votre campus d’Oxford ?
J-G. B : De 80 étudiants cette année, nous pensons passer à plus de 200 d’ici deux ans. Jusqu’à présent, les élèves y allaient pour un semestre. A la rentrée, Oxford leur est ouvert de la 2ème à la 4ème année. En 2017 et 2018, nous y ouvrirons deux nouvelles spécialisations de master 2. C’est une destination très attractive où nous employons le modèle pédagogique anglo-saxon. Les étudiants passent moins de temps en cours (12 à 15 heures par semaine en moyenne), et se consacrent davantage sur leur préparation, la lecture d’articles, la recherche d’informations et les travaux de groupe. Et nous sommes déjà en quête de nouveaux locaux pour nous développer dans de bonnes conditions.
O. R : Vous pourriez envisager d’autres implantations ?
J-G. B : On étudie toujours de nouvelles opportunités, même si nous avons accompli beaucoup de choses en peu de temps avec Paris et Oxford. Dans le même temps, je vous rappelle que nous inaugurerons à l’automne l’extension du campus de Caen (+2000 m²) et que nous travaillons avec la Région Normandie, la CODAH (communauté d’agglomération du Havre) et la CCI Seine Estuaire au projet du futur nouveau campus du Havre qui devrait être opérationnel début 2019.
A l’étranger, nous sommes plutôt dans une optique de partenariats forts avec des établissements. Comme par exemple avec l’université de Dong Nai au Vietnam où je me rends prochainement. Le point central de notre accord est le transfert de compétences en matière d’ingénierie pédagogique en capitalisant sur l’expertise de l’EM Normandie pour développer là-bas des formations en logistique, en ressources humaines et en finance. Nous allons aussi mutualiser des travaux de recherche, favoriser l’échange d’enseignants-chercheurs et d’étudiants.
Nous visons aussi l’Afrique où nous avons signé un accord avec AIBS qui commercialise depuis Abidjan notre Programme Grande Ecole en e-learning à un public de professionnels africains. Nous étudions la possibilité de reproduire ce modèle dans d’autres pays d’Afrique.