ECOLES DE MANAGEMENT

Thomas Froehlicher nommé à la tête de Rennes SB : en mars 2017 il nous livrait sa vision d’une business school internationale

Thomas Froehlicher Rennes SB

Kedge Business School est une véritable « machine éducative » qui compte aujourd’hui 12 500 étudiants et dont le budget doit passer de 103 M€ en 2016 à 133 M€ en 2020. Son directeur général Thomas Froehlicher, également actuel président du concours Ecricome, revient sur les grands enjeux que rencontre aujourd’hui Kedge.

Olivier Rollot : Pouvez-vous d’abord nous faire un petit bilan des inscriptions au concours Ecricome cette année ?

Thomas Froehlicher : Nous constatons une dynamique très positive avec 8191 candidats inscrits issus des différentes classes préparatoires aux grandes écoles. Les Écoles Ecricome, Kedge et Neoma BS renforcent leur position de premières Écoles choisies par les candidats, en hausse de 4,4% par rapport à 2016 pour les filières non littéraires. Quatre facteurs expliquent probalement cela :  en premier lieu, la solidité de deux très grandes écoles proposant une offre de formation rigoureuse sur de multiples campus ; en second lieu, la baisse décidée des coûts d’inscription pour alléger le poids financier des concours, une approche résolument « family friendly » ; en troisième lieu, une session écrite positionnée de manière à laisser une période suffisante de repos avant la session des écrits de la BCE ; et, enfin, last but not least, le renouvellement de la confiance de la communauté des proviseurs et des professeurs des CPGE vis-à-vis de la qualité des épreuves ECRICOME s’est confirmée.

O. R : Le départ de l’ICN BS n’a donc pas été trop dommageable ?

T. F :  Nous l’avions indiqué d’emblée.

O. R : Parlons plus particulièrement de Kedge maintenant. Que voulez-vous insuffler dans sa nouvelle « feuille de route stratégique » ?

T. F : Nous voulons rendre notre programme grande école plus lisible en proposant dorénavant à nos étudiants de choisir entre 16 parcours différents. Auparavant nous proposions des parcours totalement à la carte alors qu’ils nous demandent aujourd’hui une vraie orientation. A partir de la deuxième année nous leur proposons donc des modules plus larges qui vont également pouvoir mieux « typer » nos campus de Bordeaux et Marseille. Les parcours « industries créatives et culturelles » ou « supply chain management » seront proposés à Bordeaux, « Entertainment and Media » ou « International Business and Geostrategy » à Marseille, par exemple. Nos centres d’excellence en recherche sont au cœur de notre stratégie et fondent la différence de Kedge BS et de chacun de ses campus. Nous avons recruté plus de 50 professeurs ces quatre dernières années pour soutenir cette stratégie. Cette dynamique s’étend aussi à nos implantations à l’étranger comme la finance à Suzhou avec l’Université Renmin, une des trois universités les plus sélectives de Chine, la meilleure au niveau « Benne » (undergraduate).

O. R : Aujourd’hui vous êtes une seule école, les différences entre Euromed et BEM se sont dissipées ?

T. F : Nous sommes une seule entité et les challenges sont les mêmes sur tous nos campus. Nos programmes sont intégrés et nous avons appris à travailler efficacement à distance, en réseau à forte valeur ajoutée. Cette proximité des campus rejaillit également sur les étudiants. Pendant les oraux des concours, un groupe d’étudiants marseillais vient faire connaître son campus aux candidats qui passent leurs oraux à Bordeaux – et vice versa -, pour qu’ils puissent les interroger sur l’originalité de leur campus.

O. R : Il est possible de passer d’un campus à l’autre en cours de cursus ?

T. F : 10% de nos étudiants le font chaque année, essentiellement pour suivre tel ou tel parcours de spécialité à l’issue des enseignements fondamentaux de première année et ce chiffre augmente continuellement. Aujourd’hui la répartition entre Bordeaux et Marseille est de 55/45, ce qui correspond à la taille des campus respectifs. L’idéal serait évidemment un 50/50 mais le choix reste celui des étudiants.

O. R : C’est avant tout une dimension internationale que viennent chercher les étudiants dans les écoles de management. Comment la gérez-vous ?

T. F : Nous sommes la principale business school française implantée en Chine et donc en Asie. Grâce à un jumelage ancien entre Marseille et Shanghai, nous venons d’ailleurs d’y inaugurer un nouveau campus d’un institut franco-chinois (IFC) dédié au management des arts et du design dont nous sommes partenaires avec la Chinese Academy of Fine Arts, plus grande Ecole d’Art, de Design et d’Architecture d’Asie, les Arts Décoratifs de Paris, Paris-Sorbonne, en partenariat aussi avec le Musée d’Orsay. C’est un bon exemple de ce que nous pouvons concevoir. Nous sommes en train d’identifier les 30 universités avec lesquelles nous souhaitons des partenariats à forte valeur ajoutée. Le taux de partenaires accrédités EQUIS et/ou AACSB a bondi de 20 points ces trois dernières années (80% aujourd’hui). Nous avons par exemple conclu un accord sur la recherche en management avec la Hong Kong Polytech University.

Notre expertise sur le « supply chain management » peut nous amener à Abidjan, ou Shanghai. La Wine & Spirit Management Academy nous permet d’apporter de l’expertise appliquée au Canada avec British Columbia University. Nous pensons à des MSc se partageant entre six mois sur notre campus et six mois sur un campus étranger, au déploiement de de summer schools partagées, pour que ll’Ecole vive au tempo international tous les jours. Nous sommes l’institution d’enseignement supérieur qui propose le plus grand nombre de places en échange « in-out » en France aujourd’hui. Le recrutement d’étudiants étrangers inscrits pleinement dans nos masters a augmenté de 30% chaque année depuis deux ans.

O. R : A l’international que demandent vos étudiants ?

T. F : D’abord ils préfèrent partir en petits groupes dans nos universités partenaires que dans des campus en propre, où ils risqueraient d’être pris au piège du « camp gaulois » entourés de beaucoup d’autres étudiants français. Nous ouvrirons nos campus étrangers (en Chine et en Afrique) aux étudiants de nos partenaires internationaux. Dans tous les cas, avec plus de 1300 places offertes pour des séjours internationaux en universités partenaires, a nos seuls étudiants du Programme Grande Ecole, nous sommes l’institution d’enseignement supérieur français qui offre la plus grande mobilité internationale tout établissement confondu (grandes écoles et universités confondues) avec un réseau international composé de 275 Business Schools dont 80% accréditées AACSB et/ou EFMD (EQUIS ou EPAS) et 42 double-diplômes. A l’occasion de l’année qui célèbre les 30 ans d’ERASMUS…

Ensuite, ils veulent aller au-delà de l’échange et de l’immersion pour construire un engagement international, par exemple avec un semestre « nomade » (Pro Act Nomad) qui va au-delà de la simple expérience. Ils veulent faire des stages (1895 étudiants ont fait leur stage à l’étranger l’an passé, une hausse de 40% en 3 ans) et des séjours bien sûr, mais également partir seul ou avec des équipes monter des projets dans le bénévolat social, en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud. Cette nouvelle proposition se construit à partir des Sustainable Developments Goals (SDG) de l’ONU avec qui nous avons lancé le Sulitest. Cette nouvelle forme d’entrepreneuriat international est déjà privilégiée par 25% des étudiants cette année pour valider son expérience internationale. Elle correspond à une nouvelle manière d’expérimenter l’immersion internationale pour des jeunes qui ont l’international au cœur.et se considère des citoyens du monde, des « global citizen ».

O. R : Ces expériences leur seront utiles ensuite pour trouver un emploi ?

T. F : Les entreprises valorisent de plus en plus les périodes bénévoles ou entrepreneuriales. Travailler deux ou trois dans une start up ne vous empêche pas aujourd’hui d’intégrer ensuite un grand cabinet de conseils, même si votre expérience a été un échec. Cette expérience vous singularise et vous distingue.

O. R : L’entrepreneuriat est une priorité pour Kedge ?

T. F : Nous créons notre accélérateur d’entreprise à Marseille grâce au soutien de la Fondation Daniel Carasso (un diplômé de l’Ecole á Marseille qui a fondé … Danone), qui permet d’aller plus loin que notre Business Nursury et développons également le même dispositifà Les étudiants peuvent commencer par un « Pro-Act Entreprneur » puis, s’ils veulent aller plus loin, rencontrer des coachs, ils rejoignent une sélection de 35 projets par an au sein de la Business Nursery. Le niveau ultime étant de les héberger dans un lieu dédié que nous allons inaugurer en mars prochain : 500 m2 liés à l’accélération de projets qui prolongent notre hub marseillais de 2500 m2. Une Business Nursery sera également ouverte à Bordeaux dès la prochaine rentrée et un accélérateur lors de la suivante en 2018. Ces actions bénéficieront de nos implantations internationales en Asie et en Afrique.

O. R : Aujourd’hui Kedge est l’école de management qui publie le plus dans les revues de recherche.

T. F : En deux-trois ans nous avons doublé nos publications de recherche en nous concentrant sur nos expertises qui sont la supply-chain, le développement durable et le marketing. Aujourd’hui nous comptons 193 enseignants-chercheurs et nous souhaitons monter jusqu’à 240 ou 250 dans les quatre années á venir en France et á l’étranger.

O. R : Vos professeurs sont aussi des experts médiatiques.

T. F : Nous leur demandons effectivement de s’impliquer dans les médias sur des questions d’actualité. Typiquement, ils exposent une problématique dans une vidéo de 1’ qui résume les enjeux clés d’une question d’actualité que nous envoyons ensuite aux médias. Résultat : après une publication dans la prestigiueuse revue Nature, ils ont été très impliqués sur les questions de développement durable pendant la COP21 et leurs analyses ont fait le tour du monde. Notre rubique Kedge Insights présente aujourd’hui les travaux de 30 à 40 professeurs qui augmente l’impact du corps professoral sur le « monde réel ».

O. R : Pourriez-vous délivrer un PHd pour former de futurs professeurs de gestion ?

T. F : Avec NEOMA BS nous bénéficions de l’expérience du « PhD Ecricome » qui nous a permis de former 170 doctorants en six ans. Aujourd’hui chacune de nos écoles pense son propre PhD tout en conservant des séminaires communs.

O. R : Comment gère-t-on un groupe qui possède sept campus et 34 programmes sur trois continents ?

T. F : D’abord notre Comex a sensiblement été renouvelé avec l’arrivée de professionnels venus d’autres horizons comme José Milano, Directeur Général Délégué en charge de la Transformation et du Développement, auparavant directeur des affaires sociales de la Fédération française des Sociétés d’Assurance, Pascale Gefflot, notre CFO, qui nous a rejoint après une carrière dans le secteur de la pharmacie au sein d’un groupe international ou encore Guillaume Béque, notre Directeur des Relations Humaines qui vient de RH Solutions et vingt années d’expérience dans l’industrie. Ensemble, nous avons beaucoup travaillé sur ce que devait être des processus rigoureux dans une école de management sans perdre ses caractères académiques et non lucratifs. Nous avons d’ailleurs demandé à être labellisés EESPIG (établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général). Kedge Business School est une entreprise académique au sens fort des deux termes.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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