ACCRÉDITATIONS / LABELS, ECOLES DE MANAGEMENT

Ecoles de management : au cœur du processus d’accréditation

Combien avez-vous de professeurs permanents ? Combien d’articles publient-ils dans les grandes revues de recherche ? Avec quels établissements êtes-vous partenaire ? Sont-ils accrédités ? Comment travaillez-vous avec vos alumni ? Faites-vous de la formation continue ? Les questions que peuvent poser les accréditeurs aux écoles de management sont multiples et touchent au plus profond de leur identité. Et ce n’est pas toujours facile ! « En France c’est parfois la première fois qu’on leur demande de rendre compte quand les anglo-saxons font constamment du reporting », commente Thierry Grange, président du conseil stratégique de Grenoble EM, membre de la CEFDG, de l’EFMD et de l’AACSB au sein de laquelle il a été l’un des principaux responsables de la remise à plat récente des critères d’évaluation.

L’Essec vient de recevoir une troisième accréditation, celle de l’Amba, après l’AACSB et Equis

Prouver sa valeur

Si les écoles de management se battent pour obtenir les précieux sésames c’est qu’ils constituent autant de preuves de leurs valeurs auprès des étudiants – français mais surtout étrangers -, de leurs parents comme de leurs homologues dans le monde. « Lors des congrès de l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business) chacun porte un badge sur lequel est marqué son nom bien sûr mais aussi si son école est membre ou seulement observatrice. Eh bien j’ai vu des directeurs d’écoles aller vers moi pour se présenter puis faire demi tour en constatant que nous n’étions pas encore accrédités », se souvient Isabelle Barth, qui a pu ensuite constater tout l’intérêt qu’il y avait pour son école d’intéger un « club » aussi fermé que l’AACSB. Après avoir été accréditée par l’AACSB en 2012, Rennes SB avait reçu 50% de plus de candidatures d’étudiants étrangers en 2013. Et même si parents et étudiants ne regardent pas forcément toutes ces accréditations en priorité ils le font par le prisme de classements qui leur donnent une importance majeure.

« Nous sommes avant tout un catalyseur qui pousse constamment les business schools à améliorer leur qualité et à prendre en compte les besoins des entreprises », assure le directeur général de l’EFMD, l’organismes européen qui délivre notamment les accréditations Equis et Epas, Eric Cornuel. Parce que les accréditations ne sont pas données à vie tout en ayant un pouvoir absolu sur les écoles. En perdant d’abord Equis puis le grade de master au sein de France Business school, l’Escem Tours-Poitiers a peu à peu disparu du paysage. « La grande différence entre Equis et l’AACSB c’est qu’on peut se voir retirer son accréditation Equis ou du moins voir sa durée d’accréditation réduite de cinq à trois ans si on ne respecte pas ses engagements », remarque Xavier Cornu, ancien directeur général adjoint enseignement, recherche et formation de la CCI Paris Ile-de-France et membre de « l’accreditation board » de l’EFMD. Comme le résume l’ancienne directrice de l’EM Strasbourg et membre de la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) Isabelle Barth : « Les accréditations mieux vaut ne jamais les avoir eues que de les perdre ».

AACSB, Equis (et Amba)

Si les meilleures business schools dans le monde s’enorgueillissent d’être triple accréditées ce sont essentiellement les accréditations AACSB et Equis (remise par l’EFMD) qui garantissent leur valeur en tant qu’institution globale. L’AMBA n’est en effet pertinente que pour leurs MBA (de même qu’Epas, l’autre accréditation de l’EFMD, n’accrédite que des programmes). Pour autant AACSB et Equis ne sont pas exactement similaires. « Le label AACSB prouve que l’école fait ce qu’elle promet alors qu’avec Equis l’EFMD indique que « l’école se comporte comme l’une des meilleures dans le monde » », commente Thierry Grange. « Equis vise plutôt un certain type d’écoles – assez internationalisées, possédant des liens et des activités en liaison directe avec les entreprises – quand l’AACSB est ouverte à toutes les écoles qui cherchent à garantir un haut standard de qualité en ligne avec leur mission et leurs ambitions », confirme Frank Bostyn, l’ancien directeur de Neoma BS qui représente les business schools européennes au sein de l’AACSB.

Une école à vocation régionale, ne proposant que des programmes de niveau undergraduate, peut prétendre à une accréditation AACSB mais n’a guère ses chances d’être labellisée Equis. Mais les écoles peuvent aussi commencer par se tourner vers Epas avant d’envisager Equis. C’est par exemple le chemin qu’a suivi l’EM Normandie. « Ce n’est pas une étape indispensable même si c’est une stratégie très légitime pour une institution de, en quelque sorte, tester ses capacités en passant Epas », analyse Eric Cornuel pour lequel « Epas reconnaît des institutions qui ne possèdent pas forcément la structure nécessaire pour obtenir une accréditation internationale ».

Un processus de longue haleine

Obtenir une accréditation demande trois à cinq ans de travail, voire plus parfois, pour candidater, rencontrer différents comités intermédiaires, entrer dans un processus d’éligibilité puis d’accréditation. Chaque étape a un coût, externe avec des frais à payer, des consultants à rémunérer, des conférences internationales où il faut se rendre et surtout interne en mobilisant toutes les équipes de longs mois après avoir embauché un personnel dédié. Au total, on peut l’estimer aux alentours de 60 000 € par an pendant trois à cinq ans pour chaque accréditation. L’EM Strasbourg a ainsi embauché deux personnes à plein temps pour suivre les accréditations et nommé des responsables dans chaque programme. « Le vrai coût ce sont les infrastructures qu’il faut créer pour répondre aux standards des organismes d’accréditation », note Thierry Grange. « Une business school peut très bien vivre sans Equis. Il ne peut pas y avoir que des HEC Paris, des Insead, tous les modèles sont bons. Les business schools doivent surtout bien prendre garde à ce que j’appelle le « syndrome de la grenouille » de la fable de La Fontaine qui pousse certaines d’entre elles à adopter des stratégies finalement contre-productives », reprend Eric Cornuel.

Mais le travail en vaut la peine selon tous ceux qui l’ont effectué. « C’est un levier de management extraordinaire pour la conduite du changement », établit Isabelle Barth Pour être accréditées les business schools doivent en effet se confronter à des doyens de premier plan au niveau international comme à des chefs d’entreprise. « Au sein de l’Equis Accreditation Board nous sommes vingt membres venus du monde entier, de Singapour, d’Australie comme du Mexique et nous décidons en dernier ressort d’accorder ou non l’accréditation », explique Xavier Cornu. « Nous travaillons sur des dimensions totalement différentes que les institutions locales sans atteindre pour autant le côté production de masse de l’AACSB », estime Eric Cornuel. Les accréditations se fondent sur des procédures bien établies, un engagement à longue terme avec les écoles et un audit professionnel. « Les critères d’évaluations (les standards) sont régulièrement actualisés, par un processus de débat et des consultations », relève Frank Bostyn pour lequel « la vraie valeur ajoutée de ces accréditations est de pousser les écoles déjà accréditées de se remettre en cause, de se challenger, et, si nécessaire, d’adapter leurs stratégies pour rester pertinentes et de haute qualité ».

 La CEFDG : une évaluation française

En France c’est la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) qui est en charge de l’évaluation des écoles. Auparavant, dans les années 1990 toutes les écoles délivraient un programme commun, le Descaf, puis se sont vues reconnaître le droit de délivrer leur propre diplôme avant que ne soit créée la CEFDG en 2001. Aujourd’hui la CEFDG délivre des avis au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation qui conditionnent l’attribution ou pas du visa et du grade de master aux programmes des écoles. Le tout pour une durée qui va de deux à cinq ans. « La CEFDG ne donne jamais d’accréditation pour une durée supérieure à la vie probable de l’établissement. Mais on peut tomber bas en nombre d’années et remonter pour peu qu’on suive les recommandations de la commission », explique Thierry Grange.

Pour être accréditée une école doit essentiellement proposer un nombre de cours suffisant et posséder un corps professoral de qualité. « Il existe un risque que la CEFDG soit trop prescriptive alors qu’AACSB et l’EFMD, pour Equis, ont fait évoluer leurs standards vers un ensemble ouvert, agile et adaptable en fonction du contexte et de la mission de l’école », s’inquiète Frank Bostyn pour lequel des critères comme « chaque enseignant-chercheur (professeur permanent docteur) doit publier au moins 0,5 article dans des revues à comité de lecture (liste FNEGE 2013 / CNRS 2013) par an », ou « sur l’ensemble du cursus, les apprenants doivent avoir passé un minimum de 4 à 6 mois à l’étranger, dans le cadre d’un stage ou d’un cursus théorique » paraissent peu justifiable pour des écoles ayant une « mission régionale ».

Un risque d’uniformisation

Le plus grand reproche qui est fait aux accréditeurs c’est de pousser les écoles à toutes se ressembler sur un modèle unique – anglo-saxon – qui les empêche d’être créatives. « Il ne faut pas se voiler la face, pour obtenir les accréditations certaines écoles ont dû se séparer de très bons enseignants, mais qui n’étaient pas docteurs, ou modifier des programmes trop innovants », regrette Isabelle Barth. Un point de vue que conteste largement Frank Bostyn : « Les critères sont ouverts et permettent aux écoles de conserver leur identité. On voit une très grande variété d’écoles accréditées, avec des stratégies différentes, des orientations particulières, etc. » Selon lui la pression vers l’uniformité vient plutôt des classements qui « à quelques exceptions près ne procèdent pas à un audit ni à une réflexion sur la pertinence de leurs critères en termes de stratégie, développement institutionnel, etc ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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