ACCRÉDITATIONS / LABELS, ECOLES DE MANAGEMENT

Il a créé la CEFDG : entretien avec Jean-Pierre Helfer

La Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) vient de changer de présidente avec la nomination de Carole Godard-Drucker. Ancien directeur de l’IAE de Paris et d’Audencia BS, aujourd’hui doyen du corps professoral d’EDC Paris Jean-Pierre Helfer explique comment il a introduit l’évaluation au cœur des écoles de management françaises en créant la CEFDG en 2001.

Olivier Rollot : Vous avez été le premier président de la CEFDG, qu’on a même longtemps connue sous le nom de « commission Helfer ». Dans quelles conditions l’avez-vous créée ?

Jean-Pierre Helfer : Tout est parti de plusieurs rapports qui demandaient qu’on organise la filière. Ayant déjà présidé une section du Conseil national des universités et les nstituts d’administration des entreprises (IAE) j’avais acquis à l’époque une réputation d’ « as de la recherche du consensus ». Enseignant aussi bien à HEC qu’à Paris 1 Panthéon-Sorbonne je n’étais pas considéré comme sectaire. C’est comme cela que Claude Allègre m’a confié la mission de réfléchir à la création d’une commission d’accréditation des formations de gestion. Il fallait mettre de la clarté dans un système où, jusqu’ici, les écoles de commerce obtenaient pour leurs diplômes des visas… à vie.

O.R : Cela n’a pas été trop compliqué de mettre tous les acteurs d’accord ?

J-P.H : Pendant deux ans, de 1999 à 2001, j’ai constitué un groupe de travail et regardé ce qui se faisait dans d’autres domaines et, au premier chef, du côté de la Commission des titres d’ingénieurs (CTI). Nous avons réussi à décider sans trop de douleur qui seraient les membres de la nouvelle commission, issus de la Conférence des présidents d’université, de la Conférence des grandes écoles, du Conseil économique et social, etc.

O.R : Quels critères avez-vous privilégiés pour accorder visa et grade ?

J-P.H : Le plus important pour un établissement d’enseignement supérieur c’est de répondre à sa mission, de prouver la soutenabilité de son projet, de respecter un plan stratégique, d’assurer son développement international et de bien insérer ses diplômés.

Les deux critères qui ont été les plus difficiles à mettre en œuvre ont été l’encadrement, et d’abord l’encadrement professoral, et ce que j’ai appelé à l’époque la « participation au progrès des connaissances ». Deux critères dont le développement était absolument nécessaire pour que nos écoles soient visibles à l’international. C’est comme cela que nous avons inventé la notion de « professeur présent 4 jours par semaine dans son école ».

O.R : Comment est venue l’idée du « grade master » ?

J-P.H : L’idée de découpler le « grade » du « diplôme » vient de Jean-Pierre Korolitski. Le grade est universel et chacun peut proposer son propre diplôme qui y mène. Jamais les universités n’auraient accepté que les écoles délivrent le diplôme national de master.

O.R : Après plus de quinze ans d’activité la CEFDG est-elle devenue incontournable ?

J-P.H : Rien n’est jamais acté. Une instance d’évaluation maintient sans relâche ses efforts pour assurer ses 3 piliers constitutifs : la légitimité, la crédibilité, l’équité. laLa grande révolution qu’a apportée la CEFDG c’est de mettre en place un processus et des délais alors qu’auparavant les écoles n’étaient évaluées que quand elles créaient un nouveau diplôme. Je suis convaincu que si la CEFDG a fait un peu de bien aux écoles du top 10 elle en fait beaucoup plus aux trente autres.

O.R : Y a-t-il quelque chose que vous regrettiez dans la façon dont la CEFDG a transformé le paysage des écoles de commerce françaises ?

J-P.H : Quand je vois l’évolution de la qualité du travail des écoles je ne regrette rien. Prenez le laboratoire de recherche que je dirige aujourd’hui à l’EDC. La qualité des échanges qu’ont aujourd’hui nos professeurs avec d’autres chercheurs, leur connaissance des domaines, des méthodes, n’ont strictement rien à voir avec ce qui existait il y a encore une dizaine d’années. Aujourd’hui ESCP Europe et Paris 1 sont dans la même école doctorale, Montpellier BS et l’université de Montpellier partagent le même laboratoire de recherche, des responsables d’écoles président des associations scientifiques.

Mon seul regret c’est d’être resté trop enfermé dans la seule catégorie de recherche qui sont les publications. Par panurgisme on s’intéresse essentiellement aux revues de recherche sans s’intéresser plus largement au « progrès des connaissances ». Je regrette aussi qu’on ait parfois privilégié la défiance a priori à la confiance a priori.

O.R : Mais que peut-on dire aux écoles qui n’entrent pas dans les critères de la CEFDG ?

J-P.H : Il y a environ 40 écoles qui sortent du lot et la « muraille de Chine » qui les sépare des autres est regrettable. Je milite donc pour qu’on s’intéresse à toutes ces écoles qui assurent une bonne insertion à leurs élèves.

O.R : Vous ne considérez pas que les différents systèmes d’accréditation conduisent à une uniformisation des cursus ?

J-P.H : Oui et non. Quoi qu’on fasse on se reporte forcément à des référentiels qui conduisent à une espèce de convergence inéluctable. Quand vous auscultez la valeur de la recherche d’une école le plus  simple sest de lui demander combien d’articles ses chercheurs ont publié dans des revues « étoilées ».

Pour autant la CEFDG a donné le grade de master à des cursus « différents » comme, par exemple, le programme MIB « master in international business » d’ESCP Europe alors qu’il sortait du cadre français en se déroulant dans plusieurs pays européens.

O.R : Qu’est-ce qui différencie le travail de la CEFDG de celui des grandes accréditations internationales, AACSB et Equis ?

J-P.H : La CEFDG accrédite des programmes quand AACSB et l’Efmd, pour Equis, accréditent des business schools. Sinon la différence tient dans l’impact. Obtenir Equis signifie forcément faire partie des « poids lourds » du système. Si la nature de l’évaluation est la même, son coût n’a donc rien à voir : il ne faut que quelques milliers d’euros pour présenter son dossier à la CEFDG quand cela peut monter à des dizaines de milliers, voire plus de cent mille, euros pour l’AACSB ou Equis.

O.R : On entend parfois que la CEFDG manque de moyens. Que faudrait-il faire pour y remédier ?

J-P.H : Je n’avais pas été favorable à l’idée de faire payer les écoles. Et je ne le suis toujours pas. Je crois plus à un système autogéré qui repose sur la poursuite d’avis consensuels fondés sur l’implication bénévole des acteurs. il m’est agréable de saluer la récente désignation de ma collègue Carole Godard -Drucker à la présidence de  la commission ; je lui souhaite un plein succès pour mener à bien cette tâche enthousiasmante »

O.R : Le HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) ne pourrait-il pas être tenté de reprendre un jour la mission de la CEFDG ?

J-P.H : Son prédécesseur, l’AERES, y a un temps songé mais a calé en estimant que c’était un travail trop difficile que nous faisions très bien.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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