Le palais de l’université de l’université de Strasbourg, premier établissement d’enseignement supérieur à annoncer des mesures concrètes pour lutter contre l’explosion de sa facture énergétique
L’université de Strasbourg fermera 15 jours supplémentaires cet hiver pour faire des économies d’énergie ! Comme l’ensemble des entreprises et des administrations, les établissements d’enseignement supérieur sont pris au dépourvus par l’explosion du coût de l’énergie. L’université de Strasbourg a ainsi budgété un doublement de sa facture énergétique qui passerait en 2023 de 10 à 20 millions d’euros. A l’Insa Lyon on évoque un surcoût énergétique de 3,8 millions, de 5 millions à l’université Gustave-Eiffel ou encore aux alentours d’un million à l’Essec ou Neoma.
Couplée à une inflation galopante cette hausse met en péril l’économie de tout le secteur mêmes si, pour le public, la ministre de l’enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, promet que « la question des coûts de l’énergie va être traitée au cas par cas pour chaque établissement qui seront accompagnés, notamment les plus fragiles et ne doivent pas choisir entre emploi et postes ». Elle n’en demandera pas moins « des efforts exceptionnels aux établissements ». Ces mêmes établissements qui s’interrogent sur la capacité de l’État à trouver les centaines de millions d’euros nécessaires alors que la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires –« entièrement compensée en 2023 » selon la ministre –, ne peut pas faire oublier d’autres ajustements en fonction de l’inflation. « L’Etat pourra-t-il vraiment en compenser la totalité comme la ministre de l’Enseignement supérieur l’annonce ? Je ne doute pas de l’honnêteté de la ministre mais les montants s’annoncent vertigineux », commente le président de l’université Gustave-Eiffel, Gilles Roussel.
Des mesures concrètes
Faut-il déjà prévoir de demander aux étudiants de rester chez eux pendant les périodes les plus froides de l’année ? La ministre s’y oppose en rappelant les « dégâts des confinements dûs au Covid ». Fermer ponctuellement des bâtiments ? Baisser le chauffage. Dans une lettre adressée aux personnels et une vidéo aux étudiants, Michel Deneken, le président de l’Université de Strasbourg, prend le taureau par les cornes en annonçant cette semaine tout un train de mesures. En janvier, la rentrée se fera le 9 et non pas le 2 puis au moment des congés scolaires de février, la reprise se fera une semaine en distanciel. Par ailleurs la mise en route du chauffage sera repoussée et la température réglée à 19° maximum.
Même réflexion du côté de l’université Gustave-Eiffel mais sans prendre des mesures aussi radicales. « La sobriété énergétique peut nous permettre de réduire de 10% notre consommation mais c’est loin de compenser la hausse », établit Gilles Roussel qui constate que « plein de fausses bonnes idées sont sur la table. Le télétravail par exemple n’empêche pas totalement de chauffer les bâtiments et transporte le problème chez les étudiants. On nous dit de chauffer à 19°. C’est une bonne idée mais comment calcule-t-on une moyenne sur un bâtiment où, à chauffage égal, il fait de 15° à 24° selon les étages ? Il faudrait que nous nous outillions pour cela ». De son côté le président de l’université Bordeaux-Montaigne demande que le « coût de l’énergie ne soit pas reporté sur les étudiants et personnels chez eux ». Et d’insister : « Il pèse moins que le coût psychologique d’une nouvelle mise à distance des cours. L’état doit accompagner les universités vers la sortie de cette crise ».
Toute cette réflexion doit aussi englober des laboratoires dont les métariels scientifiques sont bien plus énergivores que le chauffage des amphis. L’une des écoles d’ingénieurs membre de l’université expérimentale Gustave-Eiffel, l’Esiee Paris, possède par exemple une salle blanche qui concentre à elle seule plus ou moins la moitié des dépenses énergétiques de l’école. « Mais si on l’arrête on prend six mois pour la redémarrer en dépensant plus d’énergie que nous en aura fait économiser son arrêt. Aujourd’hui on se pose beaucoup de questions et cela nous permettra d’évoluer alors que la dépense énergétique n’était pas jusqu’ici un sujet majeur dans les laboratoires », explique encore Gilles Roussel. Les établissements d’enseignement supérieur doivent maintenant, comme l’ensemble des entreprises, prendre contact avec les préfectures pour gérer d’éventuels délestages électriques pour éviter qu’ils mettent en péril leurs équipements.
Les actions à moyen et long terme
Comme le Covid a précipité la digitalisation, la crise énergétique rend la transitions environnementale encore plus urgente. Avec les coûts que cela impose certes mais qui deviennent de plus en plus rentables ! La rénovation de tous les bâtiments de l’université de Strasbourg est par exemple évaluée à 500 millions d’euros, ce qui est largement hors de portée de l’établissement. « La mobilisation financière de l’État, des collectivités territoriales sera donc nécessaire sur le long terme », demande son président.
Alors que les étudiants sont particulièrement mobilisés autour de la transition environnementale, le Plan France Relance 2020-2022 apporte des fonds pour rénover les campus et améliorer leurs performances environnementales et énergétiques. L’Université Côté d’Azur va ainsi pouvoir mettre en en place des équipements photovoltaïques, des bornes de recharges pour véhicules électriques, des panneaux solaires installés en toitures et surtout une solution hydrogène qui permettra d’améliorer l’autoconsommation du site en stockant les surplus d’électricité solaire sous forme d’hydrogène. « Université Côte d’Azur sera la première université dotée d’un démonstrateur complet de la chaîne hydrogène. Nous envisageons même d’utiliser cette filière énergétique pour alimenter un nouveau data-center et le rendre ainsi plus vertueux tout en sécurisant son alimentation », souligne Olivier Canin, le directeur du patrimoine de l’université.
C’est aussi avec les fonds de France Relance que l’Isae SupAero a entamé d’importants travaux de rénovation sur son campus toulousain de 19 hectares. Ils doivent à terme apporter un gain de consommation énergétique de 67% pour « rendre le campus plus durable et responsable » va par exemple permettre le changement des appareils de régulation (chauffage, électricité…), l’utilisation d’éclairages LED et la pose de VMC double flux. Les chaudières à gaz du site seront remplacées par des pompes à chaleur.
Même volonté d’être « exemplaire dans le domaine environnemental » sur le nouveau campus d’emlyon business school.« Notre campus sera connecté et durable, dans le respect des normes environnementales les plus exigeantes. Nous incitons aussi aux mobilités douces, aucun parking pour les voitures n’étant prévu », insiste ainsi sa présidente, Isabelle Huault. Un parc paysager de 9 000 m² permettra de réintégrer la nature et la biodiversité sur le site qui était jusqu’à présent une friche industrielle. La conception de l’immeuble est bioclimatique, permettant d’optimiser la consommation énergétique du bâtiment. Le bâtiment vise les certifications HQE Excellent et BREEAM Very Good.
De même les nouveaux bâtiments que va construire Excelia à Tours répondront aux exigences de la certification BEE (Bâtiment Energie Environnement) avec une architecture bioclimatique (ossature et menuiseries en bois, isolation paille). Elle intégrera plusieurs espaces végétalisés et arborés. Une dimension qui a été également particulièrement importante pour le campus de Lisbonne de la Nova School of Business comme l’indique son architecte Vítor Carvalho Araújo : « Comment donner l’exemple aux étudiants si on ne respecte pas toutes les normes ? Sur notre campus de neuf hectares aucune voiture n’est autorisée et les déplacements se font en trottinette ou navette électrique. C’est même une navette autonome qui relie la gare au campus ». L’action des établissements d’enseignement supérieur peut en effet aussi concerner les transports des étudiants comme des personnels. L’Université Paris-Saclay, CentraleSupélec et l’ENS Paris-Saclay s’engagent pour la réduction de l’impact écologique de la mobilité de leur communauté en déployant un ensemble d’actions, dont un partenariat avec la société BlaBlaCar pour encourager le covoiturage. Ce partenariat est entré en application en septembre 2022. En Ile-de-France, les passagers de ce service bénéficieront de la gratuité de leurs quatre premiers trajets ; de trajets à 0,5 € quelle que soit la distance et de la gratuité des trajets pour les détenteurs d’un Pass Navigo valide.
Économies d’énergie : l’université de Strasbourg fermera quinze jours de plus en 2023
Est-ce une décision qui en appelle d’autres ou restera-t-elle unique comme semble le suggérer la ministre de l’Enseignement supérieur en rejettant la solution du distanciel ? Dans une lettre adressée aux personnels et une vidéo aux étudiants, Michel Deneken, le président de l’Université de Strasbourg, a en tout cas annoncé des mesures pour contribuer à la sobriété énergétique et réduire les coûts de la facture énergétique. La date de mise en route du chauffage sera par exemple repoussée et la date d’arrêt du chauffage sera avancée autant que possible. Une température de 19 degrés sera maintenue dans l’ensemble des locaux, ce que permet la gestion centralisée des températures par bâtiment, réalisées en fonction des températures extérieures. « La température ressentie n’étant pas la même dans tous les bâtiments, l’université restera attentive à chaque situation », promet le président.
Surtout quatre jours de congés supplémentaires sont accordés aux étudiants (congés du vendredi 16 décembre au soir au lundi 9 janvier matin, au lieu du 3 janvier). La première semaine de janvier sera une semaine de fermeture administrative et aucun enseignement ne sera assuré. Une seconde semaine de fermeture des bâtiments interviendra au moment des congés scolaires de février, en fonction des bâtiments et des activités.
Pendant ces périodes de fermeture des locaux, peu d’étudiants seront présents sur les campus et peu de cours seront assurés, même en distanciel et les personnels – sauf cas exceptionnels justifiés – mèneront leurs activités depuis leur domicile, en télétravail. « L’université est néanmoins attentive à maintenir ouverte une bibliothèque pour permettre aux étudiantes et étudiants de travailler et préparer leurs examens », promet encore Michel Deneken.
Le montant total des dépenses en énergie de l’université en 2021 s’élevait à 10 millions d’euros an sein de l’Université de Strasbourg avec 5 millions d’euros pour l’électricité, 2 millions d’euros pour le gaz et 3 millions d’euros pour le chauffage sur réseau. Pour l’année 2022, au budget initial était inscrit 11,5 millions d’euros. Au budget rectificatif de cette même année, ont été inscrit 13 millions d’euros, soit 1,5 million d’euros en plus. Pour 2023, en prévisionnel, ce sont 20 millions d’euros qui ont été inscrits.