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Où en est le soutien aux créateurs d’entreprise dans l’enseignement supérieur ?

Arts et Métiers lance cette année l’Alliance Start-Up : les start-up sélectionnées pourront profiter de ses laboratoires, comme ici celui de Conception de produits et Innovation, pour se développer (Photo : Arts et Métiers)

La création d’entreprise est entrée dans les projets possibles des jeunes diplômés depuis une dizaine d’années. Alors que créateurs d’entreprises individuelles sont âgés en moyenne de 36 ans en 2023, la part des moins de 30 ans est de 38% contre 31% en 2012 selon l’Insee qui établit également que 4% des créateurs sont encore étudiants. Parce qu’il faut du temps et de la maturité pour monter un projet. « En moyenne 21,4% des étudiants entrepreneurs qui ont le statut (SEE) créent leur entreprise dans les deux ans. Pour les autres ça peut prendre plus de temps (création dans le domaine de la santé par exemple) ou si le projet n’a pas réuni les conditions nécessaires, que le moment n’est pas propice. Cependant, 92% des répondants indiquent qu’ils entreprendront un jour », indique Alain Asquin, coordinateur national du plan Esprit d’Entreprendre et du réseau Pépite France. 29% des jeunes âgés de 18 à 24 ans interrogés par le Groupe ISC Paris et l’institut BVA Xsight en 2024 estiment que « se mettre à leur compte est leur vision de la carrière de rêve ».

Le statut étudiant entrepreneur fête ses 10 ans

Sa création en 2014 a marqué une étape majeure dans la popularisation de la création d’entreprise chez les étudiants, et particulièrement ceux de l’université encore peu aidés alors. Dix ans après l’action des Pépite a bien évolué détaille Alain Asquin : « Nous avons fortement élargi le spectre des formes d’entrepreneuriat comme des profils d’entrepreneurs pris en charge. Nous incluons la création d’entreprise ou de structures associatives, mais aussi l’intrapreneuriat qui permet d’entreprendre et d’innover au sein de structures existantes. Nous cherchons à toucher tous les publics, y compris ceux qui n’ont jamais envisagé l’entrepreneuriat ou qui sont « empêchés » par des freins culturels ou familiaux. Enfin, nous assumons pleinement que tous les étudiants que nous soutenons ne deviennent pas créateurs d’entreprise. Ce que nous attendons d’eux c’est de révéler leur talent créatif et d’oser la prise d’initiative pour être acteur de la société ».

Part des créateurs d’entreprises de moins de 30 ans depuis 2012 (Insee)

De nombreux dispositifs de soutien

Avec les Pépite dans les universités et avec une multitude de programmes dans les Grandes écoles, l’enseignement supérieur soutient très largement les étudiants créateurs d’entreprise. A travers les dispositifs portés par son Pôle Entrepreneur Audencia accompagne par exemple chaque année 140 étudiants. Lancé en expérimentation en février par l’Incubateur Centrale-Audencia-Ensa, le nouveau programme « Air Launch » s’adresse aux diplômés des 3 écoles. D’une durée de 6 mois d’accompagnement hybride 100% gratuit, il est dédié aux porteurs de projets innovants, en phase de prototypage, de recherche & développement ou de pré-amorçage, qui souhaitent rejoindre une communauté et « faire décoller leur business ». Le dispositif permet d’accompagner jusqu’à 8 projets par session, soit 16 par an avec des ateliers, mises en relations, mentoring et temps de suivi de projet, en présentiel ou en distanciel. Dans la 1ère promotion Air Launch on trouve des projets comme Fabor, une solution de cybersécurité qui aide les TPE et PME à mieux protéger leurs accès et leurs données ou Le Petit Dormeur, un coussin de voyage fabriqué en France avec des matériaux responsables, pour un « sommeil nomade optimal ».

Fondée au sein de l’Université de Harvard en 2019, le programme Nucleate aide quant à lui les étudiants en sciences du vivant à construire leur carrière, en leur ouvrant les portes vers le secteur privé des biotechnologies et l’écosystème. Il a depuis étendu son influence à travers les États-Unis, l’Europe et l’Asie. La première antenne française, Nucleate France UniCA, a été inaugurée à Nice le 28 mai dernier par Université Côte d’Azur avec le soutien de son initiative d’excellence. Dans ce cadre le programme « Activator » propose aux étudiants entrepreneurs un soutien personnalisé de cinq mois avec des ressources adaptées à leurs technologies, un accès privilégié à un vaste réseau professionnel et la possibilité de trouver des investisseurs. Nucleate France UniCA informe également les doctorants et les étudiants post-universitaires sur les opportunités de carrière au-delà de la recherche académique avec des initiatives comme les « Insight Series », des rencontres mensuelles avec des experts, et les « Alternative Career Pathways », qui offrent des conseils de carrière.

Supporter l’entrepreneuriat deeptech

Le support aux initiatives deeptech est essentiel pour développer des entreprises susceptibles d’avoir un impact mondial. En 2023 l’Institut Mines-Télécom (IMT) ainsi lancé « Up To Start by IMT », le concours national d’entrepreneuriat visant à « favoriser l’émergence des pépites deeptech de demain ». La deuxième édition a lieu cette année et va permettre à 25 projets entrepreneuriaux à impact, d’être accompagnés gratuitement dans l’un des 12 incubateurs des écoles d’ingénieurs et de management de l’Institut Mines-Télécom. Un accompagnement assuré tout au long du développement des projets par des experts spécialisés alors que les projets bénéficieront d’un accès aux différentes plateformes technologiques des écoles.

Avec 833 startups créées, dont 8 licornes, 21 scale-up lauréates French Tech 2030 et 12 startups dans le classement FrenchTech Next120, CentraleSupélec entend également aujourd’hui « capitaliser sur son ADN entrepreneurial pour former plus d’ingénieurs, multiplier les innovations deeptech à impact et les diffuser largement dans la société pour relever les grands enjeux en termes de climat, de santé et de souveraineté, et favoriser la diversité ». La direction de l’entrepreneuriat de CentraleSupélec s’est donc fixée en 2024 comme objectif de doubler le nombre d’élèves formé à l’entreprenariat (1 000 chaque année aujourd’hui) comme le nombre de startups afin de tripler le nombre de startups deeptech dans les 4 prochaines années. Le tout en constituant un réseau de partenaires regroupant des fonds d’investissement, des grands groupes et des acteurs institutionnels Deeptech.

Même volonté du côté du Centre entrepreneuriat et innovation de l’Essec qui déploie son « Talent Studio ». Premier Talent Studio « DeepTech for Good »  créé par une école de management en France, « Momentum Studio »  a pour ambition de « connecter le monde de la recherche avec celui de l’entrepreneuriat pour développer des projets qui répondent aux défis environnementaux et sociétaux en s’appuyant sur la DeepTech ».  Dispositif interdisciplinaire construit en partenariat avec CY Cergy Paris Université, le CNRS, le CEREMA et la SATT Erganeo, « Momentum Studio » s’adresse à plus de 1900 chercheurs répartis dans 27 laboratoires français. Depuis un an, une dizaine de start-ups y sont déjà incubées.

Dans quels secteurs se lance-t-on aujourd’hui ?

« Tous les secteurs sont représentés car nos étudiants viennent d’une très grande diversité de formations. Nous constatons cependant que 69% des entrepreneurs au SNEE nous disent avoir intégré dans leur stratégie les objectifs du développement durable », explique Alain Asquin. Alors que l’innovation est forcément une clé d’entrée majeure dans l’entrepreneuriat, les formes d’innovation mises en œuvre dans les projets soutenus par les Pépite sont multiples, innovation d’usage, innovation commerciale, de modèle économique ou technologique… et surtout une combinaison de ces innovations. « Enfin, nous sentons un intérêt pour les produits, la fabrication voir des formes d’artisanat mais souvent par la mise en œuvre des innovations vues précédemment et pas seulement technologiques. Aujourd’hui les entrepreneurs vont de plus en plus chercher des compétences complémentaires à celles de leur cursus et c’est aussi notre rôle de les mettre en relation avec les entreprises et les formations dédiées », conclut Alain Asquin.

Nombre de créations d’entreprises par secteur d’activité en 2023 (Insee)

Le rôle des structures dédiées

K-Ryole y a développé en 2018 sa remorque électrique permettant de transporter des charges de 250 kilos sans effort. Comme elle 25 entreprises sont accueillies en permanence au sein de l’Incubateur Arts et Métiers de Paris. Sélectionnés par un jury les équipes des futures entreprises – pas forcément issues des Arts et métiers – bénéficient de locaux, du soutien de l’incubateur mais aussi d’un accès aux laboratoires de l’école pendant 18 mois. Les projets moins aboutis peuvent commencer leur parcours au sein du pré-incubateur des Arts et Métiers.

Et cette année, « souhaitant renforcer son action en faveur des start-up deeptech », Arts et Métiers lance, en complément de son incubateur, l’Alliance Start-Up pour un « accompagnement des jeunes pousse industrielles hors les murs ». En rejoignant la structure, les start-up sélectionnées pourront profiter de la puissance de recherche d’Arts et Métiers, à travers ses laboratoires, mais aussi de ceux de l’Institut Carnot et d’AMValor, filière de valorisation d’Arts et Métiers. Les start-up bénéficieront ainsi d’une expertise en recherche et développement, leur permettant de structurer et développer leur projet mais aussi de trouver des financements. « L’Alliance constituera ainsi un écosystème complet favorable au développement des start-up. Elles y trouveront à la fois une expertise Recherche et Développement et des partenaires financiers et techniques », détaille Marie Brandewinder, directrice de l’incubateur Arts et Métiers du Campus de Paris et de l’Alliance Start-up.

Incubateurs, pré-incubateurs et technopoles

Comme aux Arts et Métiers ou dans des structures plus larges, incubateurs et pré-incubateurs permettent de développer peu à peu les projets. « Ce sont plutôt les incubateurs qui prennent la lumière lors des phases plus visibles de croissance ou plus visibles de levée de fonds. Mais c’est bien à nous que reviens la responsabilité de dénicher les talents qui continueront de s’épanouir dans d’autres réseaux », commente Alain Asquin.

L’étape suivant peut alors être de s’intégrer dans une technopole. « Notre rôle est de mettre en réseau des compétences pour faire venir des entreprises à Troyes. Nous les accompagnons pendant plusieurs années puis la plupart grandissent et s’éloignent », explique Michaël Noblot, le directeur délégué de la Technopole de l’Aube en Champagne. 12 500 m2 de plateaux industriels modulables sont ainsi mis à la disposition des entreprises et des start up. Ces dernières le plus souvent accostées au travers de l’événement annuel qu’organise la Technopole : le « Plug & Start » au cours duquel les créateurs viennent présenter leurs projets. « Pour chaque start up il peut y avoir dix structures d’accueil. Il y a une vraie concurrence pour les attirer. Pour notre part nous les sélectionnons de façon à avoir un taux de réussite à cinq ans de 90% alors que la moyenne est de 67% », stipule Tony Thuiller, le responsable de la communication et du marketing territorial. « Le plus important c’est le porteur de projet. Mieux vaut accompagner un mauvais projet avec une très bonne équipe qu’un bon projet avec une bonne équipe ! » assure Michaël Noblot.

La moyenne des créateurs reçus à Troyes et de 35 à 40 ans, souvent des cadres expérimentés qui veulent se mettre à leur compte que la Technopole aide à se financer sans prendre elle-même de participation. « Sur notre site elles bénéficient de loyers qui peuvent être pris en charge jusqu’à 30% – une norme européenne – par le conseil départemental. Au démarrage cela peut revenir à 20€ par mois pour 20 m2 », précise Michaël Noblot. Ensuite les entreprises peuvent aller jusqu’à 1 000 m2 et réduire la taille si ce n’est plus nécessaire. Le tout au plus pendant neuf ans. Neuf ans au plus pendant lesquels toute l’équipe de la Technopole forme les créateurs, les conseille, les fait rencontrer d’autres professionnels et évoluer dans leur démarche entrepreneuriale. Dernière étape avant de prendre un jour leur envol…

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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