Elle s’installe à Paris. Avec son dispositif de captation de cours eLive l’expérience de cours en distanciel se rapproche du présentiel. Et elle entend inventer aujourd’hui la salle de cours de demain. Rennes SB est en pleine transformation comme nous l’explique son directeur général, Thomas Froehlicher.
Olivier Rollot : L’actualité de Rennes SB c’est son installation dès la rentrée 2021 à paris, près de la gare Saint-Lazare, dans des locaux qu’occupait jusqu’ici Neoma. Qu’attendez-vous de cette première implantation en dehors de Rennes ?
Thomas Froehlicher : Cette implantation faisait partie de notre plan stratégique 2018. Être à Paris nous donne un rayonnement international et une visibilité qui nous permet de jouer au plus haut niveau. Notamment parce que beaucoup de décideurs en executive education sont à Paris et qu’il est clé d’y être pour les toucher. De plus cela nous permet de nous rapprocher d’un grand nombre de nos diplômés, qui sont très actifs à Paris, tout en donnant des cours à nos étudiants en apprentissage qui souhaitent rester à Paris où s’effectuent 80% de leurs contrats.
Faire partie du top 10 des écoles de management françaises c’est aussi se donner les moyens d’obtenir des revenus importants des entreprises comme nous allons faire avec le manager de notre site parisien, Kirt Wood, un grand spécialiste des relations avec les entreprises. Par ailleurs, nous pourrons accueillir ponctuellement des entreprises bretonnes dans notre bâtiment.
La campagne, un peu décalée, que nous avons faite pour expliquer notre implantation a reçu un excellent accueil.
O. R : Début février 2021 Rennes SB a pu de nouveau recevoir assez largement ses étudiants. Comment analysez-vous la période difficile que nous vivons?
T. F : Aujourd’hui notre campus est aussi plein que possible avec des étudiants heureux d’être là et plus en plus respectueux des règles sanitaires. La vie associative reprend et nous comptons bien finir l’année en restant largement ouverts. Je crois que nous pouvons nous féliciter d’avoir toujours annoncé nos décisions bien en amont pour permettre à nos étudiants de s’organiser et à nos professeurs de se former. Avant Noël de nombreux étudiants, qui repartaient chez eux, nous ont demandé s’ils pourraient y rester – notamment ceux en dernière année de PGE et en alternance – et c’est une possibilité que nous leur avons donnée. En tout ce sont 40% de nos étudiants qui ont ainsi préféré suivre leurs cours entièrement à distance.
O. R : Distanciel / présentiel on ne fait plus la différence aujourd’hui ?
T. F : Avec notre dispositif de captation de cours eLive (HiFlex), on ne se pose plus la question du distanciel vs. présentiel de la même manière. Nous avons pu équiper pas loin de 50 salles de dispositifs de captation vidéo et de barres son avec une centaine de e-modérateurs présents dans ces salles pour aider chaque professeur.
Le « new normal » qui se profile doit intégrer les nouveaux comportements des entreprises. Et notamment en matière de recrutement. Les entreprises savent qu’aujourd’hui nos diplômés peuvent « pitcher en ligne » leur candidature et se mettre en valeur sur les réseaux sociaux comme Linkendin. Les salons carrière virtuels comme EFMD Highered Career Fair permettent de rencontrer des entreprises du monde entier. Recruteurs et candidats perdent le face à face mais y gagnent des opportunités d’entreprises mondiales et de nouvelles destinations.
Aujourd’hui nous devons nous dire que cette pandémie nous fait basculer aussi dans un monde d’opportunités. Le mode bimodal devient la norme. Des systèmes immersifs de plus en plus intéressants se développent. Il faut cultiver son avatar !
Il ne faut surtout pas parler de génération perdue mais au contraire de « génération agile ». Un exemple : nous créons des certificats – dont l’un avec Klaxoon – pour certifier les compétences en management digital. Nos étudiants ont acquis des compétences qui leur seront utiles toute leur vie.
Je n’en mesure pas moins les mauvais moments par lesquels passent nos étudiants. Si aujourd’hui on a dépassé le moment le plus difficile cet éloignement des campus a particulièrement été difficile à vivre pour les étudiants de première année. Et se posent également des problèmes financiers. Nous venons de verser début février 300 000€ de bourses sociales supplémentaires que les années précédentes à nos étudiants pour les soutenir. Sur l’année académique 2020/21, 1 millions d’euros de bourses ont été versées par Rennes SB.
O. R : Mais pour les plus âgés de vos étudiants la difficulté c’est maintenant d’arriver sur un marché de l’emploi déprimé…
T. F : Nous avons effectivement des inquiétudes mais nous voyons aujourd’hui que l’emploi repart, en France et à l’international, même si secteurs sont plus difficiles. Les équipes de Rennes SB ont réalisé cette année un travail considérable pour aider nos étudiants à trouver des contrats en alternance, des stages et amener nos diplômés vers l’emploi.
O. R : Et dans vos pédagogies qu’est-ce qui va encore changer ?
T. F : Nous inventons aujourd’hui la salle de cours de demain pour 2024-25 et un nouveau campus sur lequel nous travaillons déjà. Nous le pensons avec des salles de cours qui deviennent de vrais plateaux de diffusion avec tout ce que cela signifie en termes de qualité sonore ou de lumière. Avec des caméras qui suivent le professeur, d’autres qui se déplacent pour filmer ceux qui posent des questions on entre dans un autre univers, celui du théâtre, de la télévision, du spectacle. Et ensuite l’étudiant peut choisir l’angle qu’il préfère.
Mais que d’opportunités s’ouvrent quand il devient possible de travailler avec des professeurs qui peuvent rester à 10 000 km de leurs étudiants tout en délivrant d’excellents cours. Et en plus c’est meilleur pour la planète ! Le tout est de se réveiller à des heures inhabituelles si on veut suivre les cours en synchrone. Et pour le professeur de ne pas oublier qu’il ne délivre pas son cours qu’aux étudiants qui sont en face de lui. En quelque sorte nous créons un « global campus ».
O. R : Tout cela ne coûte-t-il pas très cher à mettre en œuvre ?
T. F : C’est un investissement qui nous paraissait déjà indispensable avant la crise de la Covid. Une salle équipée eLive revient à environ 15 000€. La prochaine génération d’équipements sera probablement un peu plus coûteuse. Mais il faut également penser que tout ne fonctionne pas ensuite automatiquement. C’est pour cela aussi que nous avons créé des postes de modérateurs e-live qui accompagnent les professeurs pendant leur cours.
O. R : On sait qu’elle a été fortement impactée par la pandémie en 2020. Comment se porte l’Executive Education aujourd’hui ?
T. F : Nous sommes en pleine croissance avec notre nouveau directeur, Jordane Pedron. Après un gel des formations jusqu’en octobre-novembre 2020 nous avons assisté à un complet basculement d’entreprises qui ont pris le virage du distanciel. La demande de salles interactives « eLive » est particulièrement forte pour ce public. Parce que les professeurs ont aussi besoin d’un public pour se mettre dans une certaine attitude, parce qu’il faut assurer la meilleure qualité possible, tenons à que nos professeurs viennent y donner leurs cours pour. A Paris c’est dans cet esprit que nous construisons notre campus.
O. R : Vous avez évoqué l’apprentissage. Comment le développez-vous aujourd’hui alors qu’historiquement ce n’est pas une force de Rennes SB ?
T. F : Nous assistons depuis deux ans à une explosion du nombre de nos alternants : + 40% entre 2018-19 et 2019-20. Il est vrai en partant de très bas comme vous le soulignez en 2018 mais avec une dynamique qui ne se dément pas. Pour 2020-21 la hausse est de 56%. Nous passons ainsi de 240 à 390 étudiants de notre programme Grande école en apprentissage. L’an prochain, nous espérons entre 500 et 600 contrats d’alternance, en PGE3 pour la plupart de nos étudiants même s’il est possible d’être apprenti pendant deux ans en PGE2 et PGE3. L’alternance est aussi ouverte en Bachelor (IBPM) depuis cette année.
O. R : Êtes-vous satisfait du niveau de prise en charge de vos apprentis par France Compétences, ce qu’on appelle le « coût contrat » ?
T. F : Il est relativement bas et nous sommes amenés à travailler avec les entreprises pour que la prise en charge finale soit plus en rapport avec nos coûts. Je ne vous cache pas que c’est un sujet sur lequel je partage l’inquiétude de l’ensemble des écoles alors que de nouveaux arbitrages sont prévus pour 2022.
O. R : On sait que vous êtes l’une des écoles les plus internationales qui soient – Le Point vient même de vous classer à la troisième place pour cet item – où en est le recrutement des étudiants internationaux à Rennes SB ?
T. F : Ils reviennent ! Nous avons aujourd’hui 250 inscrits de plus qu’il y a un an en formation initiale. Nous constatons notamment le retour des étudiants chinois et indiens qui savent que leurs cours leur seront délivrés qu’ils soient ou non présents en France. Nous gardons aussi l’acquis de la diversification des origines de nos étudiants étrangers constatée l’an passé. Mais il y aussi des jeunes qui préfèrent rester à distance.
Quant au classement que vous évoquez il souligne bien tout le travail effectué par l’école. Dans les quatre classements majeurs de la presse nous nous situons d’ailleurs aujourd’hui dans le top 10. Et nous allons encore progresser, avec cette année, par exemple, 15 nouveaux professeurs qui nous rejoindront à la rentrée 2021 venant de nombreux horizons.
O. R : C’est quand même difficile de suivre le même cours au même moment à Buenos Aires, Rennes et Shanghai !
T. F : Pour peu qu’on considère la place des soirées, les journées sont longues. Les étudiants de trois continents peuvent tout à fait suivre deux tiers de cours synchrones pour un tiers d’asynchrones. Tous les cours eLive sont enregistrés et peuvent être suivis en « replay ».
O. R : C’est une question que se posent beaucoup d’écoles : comment allez-vous organiser vos remises de diplôme cette année ?
T. F : Nous devons même en réaliser deux : celle des diplômés 2020 et celle des diplômés 2021. Nous avons posé la question à nos étudiants : préférez-vous une remise des prix virtuelle en septembre sur une plateforme comme Virbela (distribuée en France par Laval Virtual), une remise hybride dès septembre ou attendre la fin 2020, voire début 2021 pour vous déplacer dans une zone tranquille et recevoir vos diplômes en présentiel. Le résultat est sans appel : 90% des étudiants interrogés optent pour la troisième solution. Une sorte de super-graduation post Covid. Si tout va bien évidemment …