INTERNATIONAL, POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Quels pays investissent le plus dans leur enseignement supérieur?

L’Association européenne des universités (EUA) vient de publier la dernière édition de son Observatoire des financements publics, qui offre les informations les plus récentes sur 32 systèmes d’enseignement supérieur européens. Un document passionnant et très complémentaire du rapport « Enseignement supérieur et recherche : il est temps d’agir ! » qu’a publié l’Institut Montaigne ce mois d’avril. Sans oublier la nouvelle édition parue cette semaine de L’état de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France. Comparaisons et perspectives.

Qui investit le plus en Europe ? Les données de l’Association européenne des universités sont présentées dans un rapport et un outil interactif en ligne, ainsi que dans des rapports nationaux. Frappés par la crise de 2008 beaucoup d’États européens ont restreint voire suspendu leur effort de financement dans l’enseignement supérieur comme le montre la carte ci-dessous. Depuis 2010, la plupart des pays ont inversé la courbe de leurs financements et à investir dans leur enseignement supérieur. Seuls l’Espagne et l’Italie semblent toujours plus se désinvestir. En 12 ans l’Italie a ainsi réduit son financement public de l’enseignement supérieur de près de 15% alors qu’elle perdait 4,6% d’étudiants. La chute est encore plus importante en Espagne : 20% avec une baisse du nombre de ses étudiants égale à celle de l’Espagne.

 

Seuls l’Autriche, la Belgique (Flandres), l’Allemagne et la Norvège ont augmenté de 30% et plus leur investissement de 2008 à 2019 alors même que l’augmentation du nombre des étudiants était pratiquement partout supérieure à 10% : jusqu’à 55,4% au Danemark et même 239% en Turquie ! A contrario la chute est brutale dans les ex-pays de l’Est : la République Tchèque a perdu depuis 2008 plus de 18% de ses étudiants, la Hongrie, un quart, l’Estonie, la Roumanie et la Pologne près d’un tiers, la Slovaquie plus de 38% et surtout la Lituanie près de 50%.

Si les autres grands pays continuent à faire progresser leur financement de l’enseignement supérieur c’est dans des proportions très différentes. En France et en Angleterre l’accroissement de l’investissement dans les universités depuis 2008 n’est ainsi que d’un peu plus de 8% quand il atteint ainsi les 36,4% en Allemagne. Mais en France comme en Angleterre la hausse du nombre d’étudiants dans les universités est de 16% et 12% quand elle atteint les 45% en Allemagne. Résultat : la dépense moyenne annuelle par étudiant diminue en Allemagne à un rythme plus soutenu qu’en France car les effectifs étudiants augmentent encore plus rapidement que les dépenses. Spécificité anglaise : la part de l’investissement public dans l’enseignement supérieur y a baissé de 63% depuis 2008, compensée par l’endettement des étudiants.

Un « déficit structurel de financement ». Comme l’expriment les experts de l’Institut Montaigne, la France « accuse un déficit structurel de financement de ses établissements d’enseignement supérieur par rapport aux autres pays de l’OCDE ». Si la part des dépenses d’éducation dans l’enseignement supérieur en France se situe dans la moyenne de l’OCDE – 1,4 % du PIB consacré à son financement en 2016 – la plupart des pays de l’OCDE reconnus comme performants en matière d’enseignement supérieur consacrent une part du PIB bien supérieure, d’environ 2 % du PIB : par exemple, 2,5 % pour les États-Unis, 2,3 % pour le Canada, 1,9 % pour la Norvège et l’Australie et 1,7 % pour le Royaume-Uni. Seuls l’Espagne et l’Italie consacrent une part de PIB au financement de l’enseignement supérieur moins élevée que la France.

Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, la dépense moyenne par étudiant s’accroît de 8 % entre 2010 et 2016 quand en France, elle baisse de 5% sur la même période. Dans ce contexte la dépense par étudiant de les universités a chuté à 11 470 euros par an en 2018, son plus bas niveau depuis 2007.

Mais où trouver des moyens supplémentaires quand l’Etat finance déjà à 77% l’enseignement supérieur contre 35% pour les États-Unis et 28% pour le Royaume-Uni (mais 83% pour l’Allemagne) ? Déjà les collectivités territoriales ont vu leur part dans la DIE (dépense intérieure d’éducation) passer de 14,3% en 1980 à 23,5% en 2015. La participation des entreprises au financement de l’enseignement supérieur tend elle aussi à augmenter. Si les entreprises finançaient 6,6 % de la DIE en 2000, en 2015, elles contribuaient à 8,5 %. Reste des parents de plus en plus sollicités avec un enseignement privé dont les effectifs sont en forte hausse. Ses effectifs ont augmenté de 76% depuis 1998 (soit 191 000 étudiants supplémentaires), quand le public gagnait seulement 6%.

Le « déclin d’ensemble de la recherche française ». « Au-delà de ses belles réussites, liées notamment à la forte spécialisation française en mathématiques, le déclin d’ensemble de la recherche française apparaît néanmoins réel depuis une vingtaine d’années », soulignent les experts de l’Institut Montaigne. Des agrégats comme le nombre de publications, le nombre de chercheurs fréquemment cités ou l’indice de spécialisation permettent d’objectiver l’ensemble de la recherche française et de la replacer dans un paysage mondial plus globalisé. Alors que la France était 5ème en 2000 en nombre de publications scientifiques, elle pointe à la 7ème place en 2018.

Plus inquiétant encore : la France ne se classe que 12ème sur les publications les plus citées et s’oriente, de fait, vers une spécialisation de « milieu de gamme » dans la recherche mondiale. « Du point de vue qualitatif, l’impact de la production scientifique française recule également, contrairement aux États-Unis ou au Royaume-Uni, dont les publications ont un impact académique supérieur à celles de la France et de l’Allemagne dans toutes les grandes disciplines », analyse encore l’Institut Montaigne. La performance française est « particulièrement faible » dans les domaines de pointe à fort potentiel d’innovation technologique, par exemple le biomédical et la recherche technologique, et sur des indicateurs très sélectifs. À l’inverse, la France présente un indice spécialisation 10 supérieur à la moyenne mondiale en mathématiques, en physique et en sciences de l’univers et de l’informatique.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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