Le pourcentage de jeunes de moins de 25 ans au chômage dans une large sélection de pays de l’Union européenne, les Etats-Unis et le Japon (Source : Eurostat)
Plusieurs études viennent simultanément porter un regard inquiétant sur l’emploi des jeunes en France. Dans une suite de notes réalisées à partir de sa base de données sur l’insertion professionnelle des sortants de l’enseignement supérieur, Insersup, le SIES indique ainsi que toutes les catégories de diplômés de 2023 s’insèrent moins bien sur le marché du travail que leurs devancier. Six mois après l’obtention de leur diplôme le nombre de diplômés ayant trouvé un emploi est en baisse par rapport à 2022 de :
- 4,9 points de moins pour les ingénieurs ;
- 4 points de moins pour les diplômés d’un bac+5 en management ;
- 2,9 points pour les diplômés de master ;
- 1,2 points de moins pour les diplômés de licence.
Une situation que corrobore une autre étude européenne menée par Eurostat qui indique que le chômage des jeunes de moins de 25 ans est en forte progression en France : de 17,4% en 2023 il est passé à 20,5% à la fin 2024 et dépasse la barre symbolique des 700 000 chômeurs. Soit 117 000 de plus en un an alors que, globalement la hausse du chômage s’accélère en France avec 45 000 nouveaux inscrits à Pôle emploi en novembre 2024 et 142 000 en trois mois.
Certes cela nous situe encore loin des 27,9% de jeunes sans emploi en 2012 mais cela vient après douze ans ininterrompues d’une baisse qu’on croyait pérenne avec notamment le développement de l’apprentissage. Entre 2017 et 2023, si le taux d’emploi des jeunes de 15 à 24 ans a augmenté de 6 points, pour s’établir à 35,2 %, son niveau le plus élevé depuis 1990, le développement de l’alternance explique environ la moitié de cette hausse, l’autre moitié étant liée à l’amélioration de la conjoncture, selon la Cour des Comptes (lire plus bas).
Au niveau européen si on constate également une hausse du chômage des jeunes en Allemagne elle est bien plus modérée (+0,4%) alors qu’en Espagne ou en Italie c’est au contraire à des baisses (de 1,8 points dans les deux cas) auxquelles nous assistons depuis deux ans. Vous avez dit inquiétant…
Masters : une insertion en baisse de près de 3 points. En 2023 il y avait en tout 147 000 étudiants de master dans les universités ou dans d’autres institutions dont 102 500 français de moins de 30 ans. Parmi ces derniers, 23,2% ont poursuivi ou repris des études en France dans l’année suivante. Parmi les autres 70,5% occupent un emploi salarié en France 12 mois après l’obtention de leur diplôme soit une baisse de 2,9 points par rapport à la promotion précédente. L’insertion est de 2 points plus importante pour les femmes que les hommes.
C’est bien évidemment dans les masters enseignement que les taux d’insertion restent les plus élevés : 86,5 % à 6 mois et 87,2 % à 12 mois, avec des baisses respectives de 4,1 et 4,6 points. Indépendamment de ces masters menant spécifiquement à un emploi c’est dans les masters en Sciences-technologies-santé (STS) que les taux d’insertion sont les plus élevés : 61,3 % à 6 mois et 73,2 % à 12 mois, avec des baisses modérées de 2,9 points et 2,4 points par rapport à la promotion précédente. En Lettres-langues-arts (LLA), où l’insertion est la plus faible, le recul est le plus modéré : 48,4 % à 6 mois et 57,9 % à 12 mois, soit – 3,6 points et – 2 points. Le détail ici.
Les ingénieurs sont toujours ceux qui se placent le mieux mais… pour la promotion 2023, 6 mois après leur diplomation, si 65,5% des étudiants occupent un emploi salarié en France la baisse est de 4,9 points de moins par rapport à 2022. Et 12 mois après leur diplomation, cette part s’établit à 76,9%, soit encore 2,4 points de moins que la promotion précédente. Les femmes diplômées en 2023 sont un peu plus en emploi salarié : 66,2%, contre 65,2% pour les hommes à 6 mois puis, à 12 mois, 78% contre 76,5%.
En tout en 2023, ce sont 47 700 étudiants qui ont obtenu un diplôme d’ingénieur dont 40 200 étudiants français de moins de 30 ans. Parmi ces derniers 13,3 % ont poursuivi ou repris des études en France dans l’année qui a suivi. Le détail ici.
Bac+5 en management : une baisse de l’insertion de 4 points. En 2023, 32 800 étudiants ont obtenu un diplôme en management de niveau bac+5, dont 23 100 étudiants français de moins de 30 ans. Parmi ces jeunes diplômés, 11,4 % ont poursuivi ou repris des études. Six mois après leur diplomation, 59,6% des autres occupent un emploi salarié en France, soit une baisse de 4 points par rapport à 2022. Douze mois après la diplomation, cette proportion atteint 65,9 %, enregistrant là aussi une diminution de près de quatre points – 3,9 pour être précis – par rapport à la promotion précédente.
Les diplômés des écoles de management présentent un taux d’emploi salarié plus élevé que l’ensemble et qui croît avec le temps par rapport aux diplômés des universités et établissements assimilés. À 12 mois les taux sont ainsi de 66 % pour les diplômés des écoles de management contre 64 % pour ceux des universités.
C’est un écart important : les femmes diplômées en 2023 enregistrent un taux d’emploi salarié en France à 6 mois de 61,7%, contre 57,5% pour les hommes. Puis, 12 mois après leur diplomation, elles sont encore 68,8% en emploi salarié en France contre 63,4 % pour les hommes. Le détail de l’étude ici.
Licences générales et professionnelles : poursuivre ou pas ? En 2023 45 000 étudiants ont été diplômés de licence professionnelle dont 37 600 français. Parmi ces derniers, 39,1 % ont poursuivi ou repris des études en France dans l’année suivante. Douze mois après leur diplomation, 78,9 % des autres occupent un emploi salarié en France, soit une baisse de 3,6 points par rapport à la promotion précédente. Le détail ici.
Ce n’est pas leur vocation première mais 22,2% des diplômés de licence n’en choisissent pas moins d’aller sur le marché du travail. 6 mois après leur diplomation, 54,2 % de ceux-ci occupent un emploi salarié en France soit 1,2 point de moins par rapport à 2022 ). Un taux qui monte à 58,1% 12 mois après leur diplomation, en léger retrait de 0,9 point. Le détail ici.
Alors que la baisse du soutien financier de l’Etat à l’apprentissage promet de dégrader le pourcentage de jeunes qui y accèdent, le risque de voir revenir le chômage des jeunes en général, mais également de jeunes diplômés, largement préservé ces dernières années, se précise. Et cela quel que soit leur niveau de diplomation. Une question que doivent bien prendre en compte les établissements d’enseignement supérieur, dont la promesse majeure est l’emploi. Face à des entreprises qui hésitent à recruter tant elles sont tétanisées par l’instabilité politique et économique, elles devraient réviser leur politique d’insertion de leurs diplômés. Certes contracyclique – quand les perspectives d’emploi baissent les étudiants poursuivent plus volontiers leurs études -, le modèle économique de l’enseignement supérieur n’en serait pas moins profondément altéré.