Observatoire des jeunes générations à l’Edhec, chaire KPMG Génération Talents à l’Essca, étude Millenial Survey (« Ce que la génération Y attend de l’entreprise ») chez Deloitte, les entreprises comme les grandes écoles s’emparent chaque jour un peu plus de ce sujet que sont les jeunes générations, ces jeunes nés après 1981 qu’on appelle les Y et maintenant les Z. «Des sondages montrent que 72% des jeunes ont l’intention de quitter leur entreprise dans les trois ans. Des départs qui représentent un coût très élevé pour les entreprises qui ont besoin de comprendre leurs plus jeunes salariés pour les retenir», explique Anne Zuccarelli, directrice entreprises et carrières de l’Edhec.
Mieux utiliser les capacités des Y en cours
Parce qu’elle veut mieux travailler avec ces nouvelles générations, c’est une véritable révolution pédagogique que la Faculté libre de droit de Lille (FLD) s’apprête à effectuer : dès l’année prochaine les cours magistraux seront un espace d’expression et de dialogue pour quelques 500 étudiants de première année qui auront eu auparavant dix jours pour assimiler les cours. Le constat de Carole Blaringhem, qui préside le Conseil académique et pédagogique de la Faculté, est clair: «Les étudiants de la génération Y souhaitent engager un réel dialogue avec leurs professeurs, échanger plus librement et spontanément. En amphithéâtre, la prise de note et le format des cours rend difficile ces échanges».
A la FLD on ne viendra donc plus pour apprendre ce qu’on trouve partout sur Internet mais pour approfondir les questions les plus complexes. «Nous le constatons déjà, les étudiants sont tous en cours avec leur ordinateur et nous font parfois remarquer que notre cours est obsolète en sortant un tout nouvel article de loi. C’est cette capacité qu’ils ont à rechercher de l’information que nous voulons aujourd’hui mieux utiliser», reprend Carole Blaringhem.
Les techniques issues du numérique favorisent cette expression. Au début de tous ses cours Carole Blaringhem commence déjà aujourd’hui par poser des questions sur la plate-forme Moodle. Ses étudiants ont huit minutes pour répondre. «Je sais tout de suite quels sont les points à éclaircir et ceux sur lesquels on peut passer plus rapidement», se félicite une enseignante qui impose les ordinateurs en cours quand tant d’autres rêvent de les interdire. «Interdire cela ne sert à rien, de toute façon ils ont leur smartphones, là ils utilisent leur ordinateur à bon escient.» D’autant que, totalement rétifs à la prise de note manuscrite, ces mêmes étudiants se révèlent des champions de l’écriture sur ordinateur.
Mieux utiliser les capacités des Y dans l’entreprise
« Ce n’est pas forcément facile pour un manager de 40 ans de comprendre des jeunes recrues qui travaillent aisément entre 22h et 24 h, peuvent gérer leurs réseaux personnels et professionnels au bureau », constate encore Anne Zuccarelli. Spécialisée dans les ressources humaines, l’IGS Paris entend bien comprendre ces mutations et va créer un Laboratoire d’innovation sociale et de performance de l’entreprise. « Le passage au numérique est aujourd’hui le véritable enjeu des ressources humaines dans l’entreprise. Comment doit-on s’organiser quand vie professionnelle et personnelle sont imbriquées. Doit-on limiter ou encourager le travail à domicile ? », confie son directeur, Olivier Dusserre, également très attentif au management collaboratif dans des entreprises implantées partout dans le monde – « Comment maintient-on la cohésion dans des équipes aux quatre coins du monde » – sans parler d’un recrutement qui passe de plus en plus par les réseaux sociaux.
Puis comment conserver des jeunes prêts à quitter rapidement leur entreprise dès qu’ils perdent le sens de leur mission et qui demandent des réponses immédiates à leurs questions ? «Mais attention, ils ne sont pas rétifs à l’autorité s’ils reconnaissent les capacités de leur manager, insiste Anne Zuccarelli. Avec notre observatoire, nous visons à apporter des éclairages aux entreprises avec des conclusions selon le profil des étudiants comme des entreprises. Les trois premières années dans l’entreprise sont cruciales pour garder les talents et pouvoir investir sur l’avenir.»
Olivier Rollot (@O_Rollot)