ECOLES DE MANAGEMENT

« Avec le statut d’EESC, nous acquérons de l’autonomie mais pas une indépendance dont nous n’avons pas besoin » : François Bonvalet (Toulouse BS)

François Bonvalet est un homme heureux. Sous sa houlette Toulouse BS progresse dans tous les classements après des années de flottement consécutives au départ d’Hervé Passeron en 2012 et au recrutement raté de Pierre Dreux. Son regard sur une école qui retrouve peu à peu son lustre d’antan (Photo : M Huynh).
 

Olivier Rollot (@O_Rollot) : Après 1 an et demi à la tête de Toulouse BS tous les indicateurs paraissent au vert : rang dans les classements de la presse comme nombre de candidats aux concours. Comment expliquez-vous ces résultats ?

François Bonvalet : Notre intention était d’être classés en moyenne au 7ème rang des écoles de management françaises en 2017. Nous y sommes arrivés dès cette année et c’est une grande satisfaction pour toute notre communauté d’être dans une bonne dynamique. En Europe nous avons aussi gagné 14 places dans le classement du Financial Times grâce à l’entrée dans les classements de notre executive MBA.

Maintenant nous devons continuer à nous assurer de la qualité de l’insertion professionnelle de nos diplômés et de notre offre de formation. Cette année nous avons ainsi réformé notre bachelor, refondu notre offre de mastères spécialisés, relancé notre formation continue et recruté six nouveaux professeurs.

O. R : Pourquoi un étudiant choisit-il Toulouse BS plutôt qu’une autre école de management ?

F. B : Les étudiants choisissent d’abord une école pour son niveau, son classement, puis par rapport aux parcours qu’elles proposent. En tout ce sont ainsi un tiers de nos étudiants qui obtiennent un deuxième diplôme. Nous avons à la fois une offre exceptionnelle de doubles diplômes à l’étranger et des accords en France. Nos étudiants peuvent même obtenir le diplôme d’une école d’ingénieurs, les Mines d’Albi, s’ils passent huit à dix mois de plus.

En amont, tout se joue aussi lors du passage des oraux, quand les candidats viennent vivre sur place une expérience que nous voulons être dans l’esprit de notre slogan « Think and Create ». Ils choisissent un article parmi ceux proposés et la discussion s’engage ensuite à partir de leur analyse.

O. R : De très bonne écoles ont augmenté le nombre de leurs étudiants recrutés en classes prépas. Pourquoi pas vous ?

F. B : Nous pourrions surement proposer 100 places de plus dans notre programme grande école mais nous ne souhaitons pas dégrader le niveau de notre recrutement ou baisser la barre. Nous pensons au contraire à recruter plus d’étudiants étrangers. En tout nos promotions sont de 700 étudiants dont 410 élèves de prépas auxquels s’ajoutent, par le biais des admissions sur titre, 50 étudiants arrivés après un bac+2 et 250 après un bac+3 et plus.

O. R : Ces admissions sur titre pourraient-elles se dérouler par le biais d’une procédure commune aux écoles comme c’est le cas pour les élèves de prépas au travers du Sigem ?

F. B : Nous sommes tout à fait d’accord pour créer ce « Sigem des AST ».

O. R : Au-delà du programme grande école, Toulouse BS a également développé un bachelor bac+3 qui est à la fois celui qui reçoit le plus d’étudiants et l’un des plus réputés. Ses titulaires poursuivent-ils ensuite leurs études ou entrent-ils directement sur le marché du travail ?

F. B : Aujourd’hui 40% de ses titulaires entrent directement sur le marché du travail. Nous aimerions que ce soit 50% et nous allons à cet effet approfondir les tracks professionnels. Nous pensons que le mieux pour eux est de travailler cinq ans et puis d’envisager ensuite de suivre un MBA.

O. R : En France le développement des fondations universitaires est encore limité si on excepte HEC ou l’Ecole polytechnique. Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour les booster ?

F. B : Il y a tout un travail à faire sur le fundraising qui doit d’abord reposer sur la mobilisation des anciens, des alumni. Quand vous regardez les conseils d’administration des grandes universités américaines – Harvard, Princeton, Yale, Stanford, le MIT-, vous constatez que 70 à 100% de leurs membres sont des alumni. Il y a une fusion totale entre l’école et ses anciens qui permet à la business school d’Harvard de posséder une dotation totale de 6 milliards de dollars et d’en récolter 450 millions chaque année. Pour intéresser les alumni à leur ancienne école, il faut aussi leur donner du pouvoir. Le président des anciens sera ainsi membre de notre conseil.

O. R : Dans quels secteurs s’orientent particulièrement vos diplômés ?

F. B : C’est assez particulier puisque 20% de nos diplômés travaillent dans l’industrie dont 6 à 7% dans l’aéronautique – cela tient bien-sûr à l’écosystème toulousain -, et nous avons également un très bon réseau en finances par exemple.

O. R : Le modèle économique des écoles de management sous tutelle des chambres de commerce est en pleine mutation avec la création du statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC). Vous êtes l’une des premières écoles de commerce à adopter. Qu’en attendez-vous ?

F. B : Notre business model est solide avec de très bons programmes mais aussi de grandes contraintes. Quand notre résultat net atteint les 2% c’est très bien. Nous devons par exemple recruter des professeurs sur un marché très compétitif. Le statut d’EESC doit nous permettre d’être plus autonomes et de faire participer des entreprises.

O. R : Mais pourquoi une entreprise investirait dans une école quand elle sait qu’elle ne touchera aucun dividende ni ne sera majoritaire comme le prévoit la loi ?

F. B : Certes les entreprises ne toucheront pas de dividendes mais pourront revendre leurs parts avec une éventuelle plus value. On peut aussi imaginer que le statut évolue et qu’une partie des dividendes – pas plus de 20% – soit distribuée un jour. La présence majoritaire des chambres de commerce et d’industrie est une garantie de pérennité de notre mission. Nous acquérons de l’autonomie mais pas une indépendance dont nous n’avons pas besoin.

O. R : Vous avez les moyens d’attirer ces très bons professeurs que les business schools s’arrachent ?

F. B : Pour rejoindre tel ou telle business school, un professeur regarde avant tout la qualité de ses collègues, bien avant sa rémunération, et notre corps professoral est de qualité. Nous publions par exemple de plus en plus d’articles dans les revues de recherche de premier rang. Nous sommes dans un cercle vertueux qui nous permet de progresser tant que nous faisons bien notre travail.

O. R : Le développement de la formation continue dans l’enseignement supérieur est aujourd’hui au cœur des préoccupations de beaucoup d’établissements. Qu’en est-il à TBS ?

F. B : Nous avons aujourd’hui toute une offre diplômante (Executive MBA, programme grande école, MBA Aerospace à Paris et Bangalore, etc.) qui représente un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros. Nous ne répondons pas à des appels d’offre mais développons également des programmes courts ou sur mesure à la demande de nos clients. Nous avons par exemple créé pour Chausson Matériaux une formation clé en main sur le négoce.  En tout cela la formation continue non diplômante représente un million d’euros.

O. R : L’international est une autre priorité des écoles. TBS a ainsi créé un campus à Barcelone il y a 21 ans. Vous avez de nouveaux projets ?

F. B : Nous sommes également implantés à Casablanca où nous allons revivifier notre offre. A Londres nous avons commencé à tester l’intérêt d’une implantation pour notre spécialité finance cette année. En 2017 nous devrions y posséder un campus de 400 à 500 m2.

O. R : Et Paris ? Allez-vous encore vous y développer ?

F. B : Nous sommes hébergés sur le campus d’une autre école et sommes en ce moment à la recherche de nouveaux locaux pour créer un véritable campus. Avec 1000 m2 nous pourrions aussi bien ouvrir des programmes qu’accueillir des anciens et organiser des conférences. Mais il ne s’agira certainement pas de dupliquer ce que nous faisons à Toulouse.

O. R : Quels sont vos rapports avec la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées ?

F. B : Nous sommes associés à cette Comue dont l’approche fédérale est très louable et crée une émulation positive. Nous venons par exemple d’ouvrir notre incubateur d’entreprise aux étudiants de l’Insa qui vont pouvoir ainsi travailler avec les nôtres sur des questions de marketing ou de gestion. Des professeurs de Toulouse BS donnent des cours à la Toulouse School of Economics et vice-versa. Nos établissements sont proches les uns des autres et c’est une chance de travailler dans une grande ville – la deuxième universitaire de France – dans laquelle les acteurs se connaissent très bien.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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