ORIENTATION / CONCOURS

Comment s’oriente-t-on aujourd’hui ?

Jamais les salons n’auront autant fait le plein ! L’Etudiant et Studyrama publient cette année chacun des images de foules inédites dans les allées de leurs salons d’orientation postbac. Dans une étude sur l’orientation postbac qu’elle vient de publier la Fesic (Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif) montre que 50% des élèves de terminale s’y sont rendus en 2024 ! Certes ce sont les sites Internet des établissements qui restent leur moyen d’information numéro 1 (70% des élèves les ont consultés) devant Parcoursup (62%) mais ils se placent très loin devant les influenceurs et les réseaux sociaux que seulement 4% des élèves disent utiliser pour leur orientation. Deux autres études viennent d’être publiées sur le même thème : celles du site Tonavenir, premier réseau national de conseil en orientation scolaire personnalisé qui accompagne collégiens, lycéens et étudiants dans leurs choix d’orientation, et du site Diplomeo.

Quelles sources d’informations ? Les conseillers d’orientation sont rarement consultés – et jamais de manière prioritaire – tant ils souffrent d’a priori négatifs et d’une « réputation tenace d’inutilité via le bouche-à-oreille entre lycéens ». Les lycéens interrogés ont même parfois la conviction que leurs conseils « peuvent manquer de pertinence, voire être contre-productifs » et risquent « d’aiguiller les lycéens vers des filières sans rapport avec leurs compétences ou leurs aspiration ». Quant aux professeurs, s’ils « sont en posture d’écoute, ils n’ont pas de rôle de conseil ou d’aide par rapport aux vœux sur Parcoursup ». Globalement les sources d’information trop « top down » sont « mises de côté au profit d’une information plus interactive qui permet de mieux appréhender la réalité post Bac » conclut l’étude.

Cinquième source d’information des élèves de terminale (consultés par 48% d’entre eux) les parents se disent quant à eux impliqués pour 73% d’entre eux (dont 34% « très impliqués ») et particulièrement au moment des vœux sur Parcoursup, avec l’aide à l’écriture des lettres de motivation. Avec une vraie inquiétude vis-à-vis du processus. Ceux qui y orientent leur premier enfant se disent « globalement stressés » et multiplient les visites à des salons, forums, JPO, les consultations de sites, les lectures de fiches, les discussions avec l’entourage tout en recherchant l’appui du lycée.

L’étude de Tonavenir montre quant à elle l’intérêt croissant des familles interrogées pour les coachs privés en orientation scolaire : si seulement 12,5% d’entre-elles ont déjà fait appel à un coach, plus d’un tiers (33,1%) envisagent désormais cette solution.

Un processus itératif. L’étude menée par Tonavenir révèle que moins d’un lycéen sur quatre a une idée précise du métier qu’il souhaite exercer (24,7%) ou de la formation postbac à suivre (24,2%). Bien que la quasi-totalité des familles interrogées discutent régulièrement de l’orientation avec leurs enfants, le sujet reste une source d’inquiétude majeure pour 55% d’entre elles. 69% ont le sentiment que leur enfant n’est pas suffisamment accompagné et conseillé par son lycée dans ses choix d’orientation postbac. « Nous avons fait le constat du stress des jeunes face à leur orientation avec la montée en puissance d’établissements à but lucratif qui rend les choix encore plus difficiles », explique ainsi le président de la Fesic, Philippe Choquet, en présentant l’étude sur l’orientation des jeunes que sa fédération a mené cette année auprès de 1 229 répondants (élèves de première et terminale, parents et étudiants de niveau bac+1).

De l’étude il ressort notamment que la majorité des élèves de terminale effectue une multi sélection de domaines, de types de diplômes et d’établissements, dans l’espoir d’un retour positif. Seulement une moitié d’entre eux a une priorité claire parmi tous les choix effectués. Pour un tiers des élèves de terminale interrogés, le fait d’avoir formulé ses vœux sur Parcoursup ne signifie même pas forcément que la réflexion est aboutie. Problème : une fois orientés, seulement 55% des étudiants en bac + 1 se disent à la fois satisfaits de leur filière et de leur établissement (et 10% pensent changer d’orientation).

De même Diplomeo constate dans son étude qu’alors que 60% des lycéens n’ont aucune idée de leur orientation en entrant au lycée, seuls 20% des élèves sont satisfaits de l’accompagnement d’orientation offert par leur lycée. En ce qui concerne le choix d’une école, les spécialisations proposées arrivent en tête : elles sont très importantes pour 65% des personnes interrogées. Elles sont suivies de la localisation (63%) et du taux d’insertion (49%). Le reste du top 5 est constitué de la réputation (47%) et de la possibilité de se former via l’alternance (40%).  Certains éléments sont importants pour eux : 48% des personnes interrogées admettent que les interviews d’anciens ou actuels étudiants ont beaucoup influencé leur décision. Les avis ont eu un poids important pour 30% des étudiants, tandis que les classements sont consultés par 28% des sondés.

Parcoursup parcours d’obstacles ? La plateforme Parcoursup, demeure un point sensible, perçue comme une source d’inquiétude pour près de 8 familles sur 10 (78,6%) selon l’étude de Tonavenir. « Parcoursup suscite beaucoup de questions négatives car il cristallise les craintes sur les parcours d’orientation », note Philippe Choquet qui s’interroge : « Beaucoup d’élèves sont attirés par les discours des écoles hors Parcoursup pour trouver rapidement une formation sans trop être attentifs à leur qualité. Ensuite, même s’ils sont inscrits sur Parcoursup, ils auront tendance à ne pas trop s’y investir ».

Heureusement les multiples connexions à la plateforme ainsi que l’accompagnement de la plupart des établissements (publics et privés) à sa bonne prise en main viennent désamorcer les inquiétudes. De plus la plateforme se « révèle un outil d’information complet et utile pour parfaire la compréhension et la connaissance des différents établissements et types d’enseignements proposé » témoignent globalement les personnes interrogées. En fait notent les auteurs de l’étude « Parcoursup est largement critiquée sur l’opacité des principes de sélection et sur le stress généré par l’incertitude. Ce n’est pas tant l’utilisation de la plateforme et le remplissage des vœux qui cristallise les reproches mais bien plutôt l’adhésion ou la non-adhésion au principe même de sélectivité qui est au fondement de cette plateforme ».

Les trois critiques les plus fortement formulées envers Parcoursup sont :

  • la sélection quantitative par les notes qui ne prend pas suffisamment en compte les trajectoires individuelles, les compétences humaines, la motivation personnelle ;
  • l’opacité dans les critères de sélection : le manque de transparence des critères rajoute du stress et un sentiment d’injustice / d’incompréhension de certains parents / élèves ;
  • le risque de se retrouver sans aucune formation à la rentrée par le jeu des listes d’attente, risque de n’être accepté dans aucun des vœux, d’être à la merci des choix des autres élèves.

Une certaine méconnaissance du système. Le besoin d’information des lycéens est d’autant plus grand que leur connaissance du système est parcellaire selon l’étude de la Fesic. Peu connaissent les CFA, encore moins les écoles privées hors Parcoursup. L’attractivité de ces dernières est d’ailleurs limitée auprès des lycéens, mais encore plus des parents et des étudiants, selon l’étude qui note que « l’aspect onéreux, le doute sur la qualité de l’enseignement et la reconnaissance du diplôme sont problématiques ».

L’université publique « inquiète plus qu’elle ne séduit » du fait d’un taux d’échec très élevé qui fait peur à toutes les cibles, notamment lié au manque de maturité des étudiants post bac qui ont encore besoin d’être cadrés. Les étudiants actuellement dans une université se disent d’ailleurs « globalement déçus » avec des reproches qui diffèrent selon les universités / les formations tant sur le contenu des cours que sur les locaux, l’encadrement, la pédagogie et/ou sur les débouchés potentiels.

Au contraire les étudiants en écoles privées se disent « globalement satisfaits et fiers » d’appartenir à une « école au sigle connu et reconnu ». Beaucoup valorisent l’alternance. Ils se « sentent sur des rails ». Les écoles « attirent car elles rassurent : pas ou peu de concours à repasser, une évaluation via le contrôle continu, un sentiment d’appartenance via le nom de l’école très fort qui plait aux jeunes et qui les valorise. Une transition en douceur par rapport au lycée ». En négatif d’autres stigmatisent l’école privée version « boite à papa » où la sélection s’opère avant tout « sur les moyens financiers des parents plus que sur le niveau scolaire des enfants ».

Quant aux classes préparatoires, elles « semblent réservées à une élite et étendent la période d’incertitude post bac ». Beaucoup pensant ne pas avoir le niveau requis et ne cherchent même pas à y rentrer de « peur d’essuyer des refus ». De plus elles sont de plus en plus challengées par les prépas intégrées (management, commerce, ingénieur) qui « permettent à l’étudiant de faire d’ores et déjà partie d’une école, sans avoir à repasser des concours et à se mettre de nouveau en risque, sans certitude sur l’école qu’il/ elle réussira à intégrer ». Le modèle CPGE avec un concours sélectif au bout de deux ans semble « aller à l’encontre du besoin de stabilité recherché en majeur par les étudiants et leurs parents » notent les auteurs de l’étude.

L’image du BTS tend quant à elle à s’améliorer au fil des années : « C’est une formation ciblée qui peut être complétée via des passerelles avec d’autres établissements pour améliorer les débouchés et le niveau de rémunération ».

Au final la perception des établissements postbac révèle un écart entre les établissements qui assurent une forme de « continuité rassurante avec le lycée » – en proposant des cours en petits effectifs, un suivi permanent et une attention à l’assiduité – et l’université qui certes rend les étudiants très autonomes mais a l’image d’un faible accompagnement des jeunes dans leur parcours de formation…

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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