Le campus intelligent est l’un des grands sujets de réflexion actuels. Son rôle, qui doit être aligné sur la stratégie de l’établissement, ne se limite pas à fournir des prises électriques et le Wifi à chaque apprenant ! C’est au contraire par de nouveaux services « intelligents » et « interactifs » avec ses occupants et interlocuteurs à distance qu’il se définit le mieux.
Parmi ces derniers, les nouvelles approches pédagogiques, le confort de vie, l’interaction entre ses utilisateurs occupent la part belle. Ces dernières ne constituent toutefois que la partie émergée de l’iceberg. En effet, c’est bien l’orchestration et la personnalisation de ces effets intelligents fluidifiant l’expérience de chaque occupant qui caractérise le mieux ce que seront les campus intelligents.
Laurent-Walter Goix, responsable Digital Labs chez Econocom France et Patrizio Corniello, Chief Strategy Officer at Econocom Italia, nous livrent leur éclairage dans un entretien croisé.
Econocom, l’une des principales entreprises européennes de mise en œuvre de la transformation digitale des entreprises et des organisations publiques, vous propose dans cette nouvelle rubrique de « l’Essentiel du Sup » d’en savoir plus sur les mutations numériques dans l’enseignement supérieur.
Commençons par les basiques, qu’est-ce qu’un campus connecté ?
L-W G : Un campus connecté, ce sont en premier lieu des infrastructures : un accès Internet et une couverture Wifi robustes mais aussi des prises de courant en nombre suffisant pour éviter « la guerre des trois prises de la salle de classe »
Le campus connecté se caractérise également par des dispositifs qui communiquent entre eux et avec l’homme : capteurs, déclencheurs d’actions, solutions matérielles dites intelligentes, qui sont intégrés au campus pour délivrer des services spécifiques tels que le contrôle d’accès, les systèmes d’affichage, la gestion des salles ou encore celle de l’éclairage. Son rôle est important dans la maîtrise des coûts d’exploitation, notamment énergétiques, tout en améliorant le confort de ses occupants.
Son point faible est qu’il est trop souvent conçu par un empilement de couches technologiques ou de solutions d’éditeurs qui le limite dans sa capacité d’évolution. Nous l’appelons « l’effet Frankenstein » car, s’il fait le « job », il manque d’élégance dans son utilisation au quotidien et reste très coûteux dès lors que les services rendus doivent s’interopérer ou encore, si le campus doit évoluer pour répondre à de nouveaux besoins.
Pour l’étudiant, la réponse est toute autre ! Le campus connecté est avant tout un lieu de collaboration et de socialisation connecté au reste du monde, à d’autres campus, aux entreprises.
Une enquête Harris Interactive de 2017 réalisée auprès de 1 000 étudiants donne un éclairage intéressant sur leurs attentes :
- participer à des projets communs avec l’entreprise, d’autres campus ou écoles ;
- suivre à distance des cours donnés en présentiel sur un autre campus et pouvoir interagir ;
- disposer d’espaces facilitant le travail collaboratif en mode projet et l’entreprenariat ;
- faciliter le développement de leur réseau professionnel au travers de lieux d’échanges adaptés et connectés au reste du monde.
Mais alors, qu’est-ce qu’un campus intelligent ?
L-W G : Comme le disait déjà Winston Churchill en 1943 devant la Chambre des Communes : « Nous façonnons nos édifices et par la suite, ils nous façonnent à leur tour ».
Le campus intelligent est né il y a quelques années dans le monde de l’entreprise, notamment la Silicon Valley, ou l’évolution des pratiques collaboratives, la mondialisation, l’émergence de l’IoT (Internet des objets) et de l’IA (intelligence artificielle) ont conduit des entreprises comme Facebook, Google et bien d’autres à « ré-enchanter » l’expérience des occupants de leurs bâtiments. Leurs échanges avec le monde de l’enseignement ont conduit à en propager les pratiques.
Le campus intelligent se caractérise avant tout par une logique de conception holistique centrée sur les besoins des occupants et non par la technologie. Son objectif premier est donc de contribuer activement à l’atteinte des objectifs de chacun en leur apportant des services intelligents :
- pour l’étudiant / apprenant, une nette amélioration du confort d’utilisation des services historiques du campus ; fini les 12 applications nécessaires pour trouver une place de parking, une salle de libre ou encore s’orienter dans le bâtiment !
- pour l’enseignant, une réduction importante de la formation requise pour utiliser les équipements pédagogiques, ou encore, gérer sa relation avec les services administratifs,
- pour le Facility Manager, c’est – via l’analyse prédictive – l’optimisation de la maintenance, du réapprovisionnement (…), et la réalisation de plus de tâches à effectifs constants ou moindres,
- pour la direction, on retrouve principalement le pilotage financier et analytique, notamment sur la performance énergétique, la gestion technique patrimoniale et par extension, l’amélioration de l’efficacité de ses investissements pluriannuels.
La clé du succès de cette expérience est qu’elle se doit d’être « sans coutures » et évolutive dans le choix des technologies qui la permettent.
Pourquoi les grandes « enseignes » de l’enseignement supérieur envisagent-elles d’investir dans le campus intelligent ?
L-W G : Avant tout pour une question financière ! Avec le campus intelligent, fini les salles vides éclairées inutilement, la ventilation constante dans les amphithéâtres, la perte de chaleur consécutive à une fenêtre ouverte, etc. Le campus intelligent capte les événements et utilise les technologies de l’IA pour anticiper les besoins de ses occupants en « activant » et en modulant les services requis avant leur utilisation effective et les désactive automatiquement en fin d’utilisation.
La prise en compte du confort d’utilisation évite ainsi les effets de bord qui mobilisent trop souvent une remédiation humaine.
Autre point clé, les capteurs permettant ces services sont connectés à une plateforme couplée à un système de processus semi-autonomes utilisés pour créer et faire évoluer des services intelligents.
Autrement dit, le campus intelligent permet :
- de collecter des données permettant de comprendre les usages, et donc de les « piloter » ;
- d’automatiser ou semi-automatiser des services et des processus ;
- de maîtriser les coûts directs et indirects des services rendus ;
- de faciliter l’accès à ces services, aux occupants permanents comme occasionnels.
L’expérience utilisateur en est fortement augmentée et l’absence de coutures fluidifie considérablement l’expérience des utilisateurs.
Cette même fluidification permet enfin d’optimiser dynamiquement l’occupation des espaces et permet, à nombre de m2 équivalent, d’accueillir jusqu’à 30 % d’occupants supplémentaires tout en mettant à disposition des espaces de coworking et de socialisation.
Comment y aller ?
Patrizio Corniello : Conscient depuis 2012 de l’évolution du campus connecté au campus intelligent, nous avons profité de l’ambition de la ville de Milan sur la Smart City pour franchir le pas et nous nous sommes appliqués à nous-mêmes nos convictions dans la conception de notre campus de 6 000 m2.
Pour atteindre notre cible, nous nous sommes concentrés sur le pourquoi de notre projet :
- le client, qu’il soit étudiant, salarié, chercheur, partenaire, doit vivre une expérience sans coutures qui l’enchantera ;
- les services rendus au client doivent être calés sur ses préoccupations, prendre en compte le cycle de vie de chaque occupant, et surtout faciliter l’atteinte de ses objectifs
- « Welcome ! », l’accueil doit être le plus simple possible et permettre à chacun de prendre ses repères en une journée.
Une fois la vision établie et partagée par tous, nous nous sommes attachés à établir l’aspect coût / bénéfices, non seulement sur la construction, mais également sur l’entretien, la valorisation du patrimoine immobilier, l’amélioration du taux d’occupation (…).
Facteur clé de succès, l’implication de chaque acteur, y compris l’architecte, dans des groupes transverses impliqués dans le projet, de sa phase initiale à la phase finale de mise en œuvre des services intelligents.
Cette approche a permis une réduction considérable de la latence dans la prise de décision, le déroulement des phases de construction, la gestion des aléas… 10 mois plus tard, nous sommes passés d’un tableau blanc à un campus opérationnel de 6 000 m2, composé d’une verrière centrale connectée à trois bâtiments.
Sans notre expertise technologique, tenir de tels délais aurait été impossible car tout projet de campus intelligent implique la coordination de nombreux acteurs et corps de métier spécialisés.
Si vous souhaitez aller plus loin dans cette réflexion, n’hésitez pas à contacter les équipes d’HEADway et d’Econocom : contact.chroniquetech@econocom.com et a.jean-marie@headway-advisory.com
BIOGRAPHIE de PATRIZIO CORNIELLO
Directeur de la stratégie, Econocom Italia. Né en 1966, d’origine napolitaine, diverses expériences professionnelles en Italie et à l’étranger (dont six ans en Espagne).
Patrizio entretient toujours la passion et la curiosité qui caractérisent ses réalisations depuis son enfance. De formation technique (« Liceo Scientifico » puis école d’ingénieur), au delà de son intérêt pour la musique, son éducation est également fortement influencée par les sciences humaines qui caractérisent son travail. Les personnes sont au centre de chacun de ses projets d’innovation.
Il se définit comme un « explorateur sans frontières » lorsqu’il nous parle de sa vision systémique et holistique. Depuis 2015, il contribue à la réalisation du plan stratégique Mutation (achevé en 2017) et à la définition du nouveau plan pour l’excellence chez Econocom.Visionnaire mais concret, il a pensé, dessiné et piloté la réalisation du village Econocom à Milan, un lieu qui a pour ambition d’intégrer une nouvelle dimension inclusive dans la relation entre l’entreprise, les collaborateurs et leur écosystème. Toujours avec une certaine dose de «déraisonnable», il travaille déjà sur les prochaines initiatives par lesquelles il entend rendre Econocom toujours plus avant-gardiste et compétitif.