Rapprochements, fusions, internationalisation, développement de l’executive education, les écoles de management sont en pleine reconstruction et nous vous proposons cette semaine de lire deux entretiens sur le nouveau modèle qu’elles sont en train de construire : d’un côté Loïck Roche, le directeur de Grenoble EM, évoque une stratégie qui passe d’abord par des alliances multiples, de l’autre Alice Guilhon, la directrice générale de Skema, explique comment sa fusion est aujourd’hui une réussite.
Privilégier les alliances
Grenoble EM a présenté cette semaine un plan de développement ambitieux pour les années 2014-2018 qui vise à faire de l’école «l’une des plus influentes dans le monde, inspirer le monde de l’éducation, les entreprises et, au-delà, la société destiné». Le tout en privilégiant les alliances. «Depuis 1984 nous avons toujours eu le sentiment qu’il fallait s’allier à d’autres si on peut faire mieux et plus vite ensemble», insiste Loïck Roche, pour lequel il s’agit ainsi de «faciliter l’hybridation des savoirs».
Revenant sur une hypothétique fusion avec l’EM – sujet sur lequel seuls sont aujourd’hui habilités à évoquer uniquement les présidents des deux CCI précise-t-il -, il répète juste ce qu’il a déjà exprimé par ailleurs, c’est-à-dire qu’on «pourrait réunir nos forces avec non seulement l’EM Lyon mais aussi les instituts d’administration des entreprises de Rhône-Alpes sur des sujets précis, par exemple pour développer un Executive MBA commun». Quant aux fusions, il estime que «dans ce qu’elles donnent à voir, elles sont souvent plus facteurs de destruction de valeurs que de création».
Fusionner pour être plus fort à l’international
Si elle est passée parfois par des moments difficiles tout au long de la fusion du Ceram et de l’ESC Lille, Alice Guilhon est au contraire persuadée que leur union est porteuse de valeurs : «La fusion a été un véhicule pour atteindre notre projet d’internationalisation du modèle d’éducation français auquel nous croyons beaucoup. Mais fusionner des écoles uniquement pour rationaliser leurs coûts, c’est courir à l’échec ! ». Pour autant, elle admet que le projet a généré des coûts – entre cinq et six millions d’euros – mais qu’aujourd’hui la situation est bonne : «Nous générons un résultat net de 1,5 million d’euros et ne sommes absolument pas endettés. Nos actifs (40 millions) nous appartiennent et nous sommes une véritable école globale avec de véritables campus».
Parce que la stratégie de Skema a aussi été de se développer avec de véritables campus à l’étranger. «Je pense que pour réussir la fusion il ne fallait pas se concentrer uniquement sur la gestion quotidienne mais aussi avoir des réalisations comme l’installation de notre campus aux États-Unis et en Chine. (…) Nous sommes un employeur international qui a obtenu les reconnaissances de chaque pays dans lequel il est implanté», confie encore Alice Guilhon.
Devenir indépendants
S’il est un domaine où les deux directeurs se rejoignent aujourd’hui c’est sur la nécessité pour les écoles d’être rapidement indépendantes financièrement. «Nous avons bénéficié des soutien financiers des chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Lille, et surtout de Nice, pendant quatre ans en sachant qu’ils allaient peu à peu baisser et bientôt disparaître avec les réformes des chambre de commerce. Aujourd’hui nous travaillons sur un business model qui ne prend plus en compte les financements des CCI. Cela passe d’abord par le développement de l’international et de l’executive education», explique Alice Guilhon.
«La réforme de la taxe d’apprentissage comme la baisse des ressources des chambres de commerce et d’industrie (CCI) sont de très mauvais coups portés aux écoles de management. Depuis 1819 elles vivaient très largement grâce aux CCI et maintenant elles doivent apprendre peu à peu à s’en passer» estime de son côté Loïck Roche, qui «anticipe que ces deux ressources – taxe d’apprentissage et dotations des CCI – serons réduites à zéro ou presque dans cinq ans et que nous devons apprendre à vivre sans».
Olivier Rollot (@O_Rollot)