Comme chaque année la Conférence des Grandes écoles vient de publier son enquête sur l’insertion des jeunes diplômés. «Si le taux d’emploi net est en baisse (81,5% sur l’ensemble des diplômés contre 84,9% sur l’année 2012) on est loin de l’effondrement que certains annonçaient», se félicite Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC et responsable à la CGE de ce qu’on appelle la commission «aval» en charge de l’insertion des jeunes diplômés.
Les ingénieurs s’en sortent mieux que les managers
Pas d’effondrement mais une nette différence entre managers et ingénieurs puisque le taux net d’emploi de ces derniers se maintient à 83,5% contre 78,4% chez les managers. Au total, un peu plus de 19% des managers diplômés en 2012 étaient ainsi encore en recherche d’emploi lorsque l’enquête a été effectuée (de janvier à mars 2013) pour 13,3% des ingénieurs. Il y a un an l’écart était bien plus faible : 14,6% et 11,5%.
Tous profils confondus, la part des CDI baisse de 80% à 76% et les salaires annuels moyens de 34 173€, en 2012, à un peu plus de 34 000€ cette année. Là aussi, ingénieurs et managers ne sont pas égaux: les rémunérations des ingénieurs sont en légère augmentation (36 742€ de rémunération brute avec primes) tandis que celle des managers a diminué en moyenne cette année, passant de 39 244€ à 37 940€. Hors primes, leurs rémunérations sont même quasiment égales alors que les managers avaient toujours eu une certaine avance depuis l’an 2000.
C’est l’indicateur le plus spectaculaire : presque 16 % des diplômés des grande écoles en 2012 s’expatrient pour leur premier emploi. Un taux qui monte à 23% chez les managers (et même 27% chez les hommes) contre 18% en 2012. «On ne peut pas parler de fuite des cerveaux. Sans occulter totalement les problèmes économiques en France, si les étudiants veulent de plus en plus aller à l’étranger c’est d’abord parce qu’ils savent qu’une expérience internationale est essentielle à leur CV. Maintenant il va falloir regarder s’ils reviennent bien en France dans quatre ou cinq ans comme c’était le cas jusque-là», commente Bernard Ramanantsoa, fier de constater le bon accueil que font aux jeunes diplômés des grandes écoles les entreprises du monde entier. D’autant que cette expatriation est rentable: le salaire moyen (primes comprises) atteint les 49 100€ (48 200€ pour les managers et 49 000€ pour les ingénieurs), soit 11 000€ de plus qu’en restant en France.
L’écart entre ceux et celles qui s’expatrient est très marqué: un homme manager à l’étranger gagne en moyenne près de 9 000€ euros de plus qu’une femme (52 000€ primes comprises contre 43 200€). «Il faut sans doute y voir un effet d’une expatriation où ce sont plus souvent les hommes qui choisissent de partir et où les femmes suivent sans toujours pouvoir trouver un emploi à la même hauteur», analyse encore Bernard Ramanantsoa. L’écart est moins important chez les ingénieurs: 51 600€ pour les hommes et 45 200 pour les femmes.
En termes de destination, le Royaume-Uni l’emporte pour tous les profils (près de 15% des expatriations et un peu plus de 16% des managers) devant la Suisse (12% et même 14,3% des ingénieurs), l’Allemagne et le Luxembourg. La part totale de ces quatre pays reste stable (aux alentours de 45 %) alors que celle des États-Unis passe de 5,5% à 7,2% et celle de la Chine de 4,5% à 6,8%.
De plus en plus en recherche d’emploi
Par rapport à 2012, la proportion de diplômés sortant des écoles n’ayant pas trouvé d’emploi au moment de l’enquête passe de 12,5% à 15,4%. Comme on l’a déjà dit les ingénieurs s’en sortent beaucoup mieux puisqu’ils ne sont qu’1,8% de plus en recherche d’emploi (13,3% contre 11,5%) quand ce taux passe chez managers de 14,6% à 19,1%. Un mouvement qui ne s’accompagne pas d’une augmentation de la poursuite d’études ou d’inscriptions en thèse comme on le voit fréquemment en période de crise.
Au total, la CGE estime que «les taux nets d’emploi de l’année 2013 diminuent par rapport à l’année précédente mais si l’on considère la période de référence, 2002-2013, les taux d’emploi de cette dernière enquête s’inscrivent dans des cycles de fluctuation ordinaires et correspondent à une année moyenne, voire légèrement supérieure à la moyenne pour les deux promotions».
Des femmes toujours moins bien traitées
C’est un peu désespérant mais, d’une année sur l’autre, les différences entre les indicateurs d’insertion des femmes et des hommes n’évoluent pas. La probabilité d’être en recherche d’emploi chez les diplômées de la promotion 2012 est ainsi une fois et demie supérieure à celle des hommes: 19% des jeunes ingénieures et manageuses sortant de l’école sont en recherche d’emploi pour 13% des hommes. La question du CDI est particulièrement significative de ces différences: 89,2% des ingénieurs hommes en ont obtenu contre 79,3% des femmes. L’écart est moins grand chez les managers: respectivement 88,1% et 82,6%.
En termes de salaire, primes comprises, le différentiel entre les hommes et les femmes est de plus de 4 000€ pour les managers (un peu plus de 40 200€ pour les hommes, 35 800 pour les femmes) et d’un peu moins de 3 000€ pour les ingénieurs (37 600€ pour les hommes et 34 500 pour les femmes). «Il ne faut pas pour autant en conclure que les femmes sont beaucoup moins bien payées que les hommes à travail égal. En fait, elles choisissent souvent des emplois et des secteurs moins rémunérateurs», souligne Bernard Ramanantsoa. Les deux secteurs industriels dans lesquels les rétributions sont les plus faibles – l’industrie agro-alimentaire, et l’agriculture-sylviculture-pêche -, comptent ainsi respectivement 61,5% et 50,4% de femmes parmi leurs ingénieurs alors qu’elles ne sont que 15,7% dans les technologies de l’information et 17,8% dans l’automobile. Seule la chimie/parachimie échappe à ce déterminisme sexiste en se hissant pratiquement à la moyenne des rémunérations des ingénieurs tout en employant plus de 52% de femmes.
Si les différences sont moins marquées du côté de managers elles n’en sont pas moins sur-représentées (63,6% des effectifs) dans les deux secteurs peu rémunérateurs que sont les média-culture et les agences de communication. Là aussi elles sont à contrario très majoritaires (71,7%) de le secteur très bien payé qu’est le luxe.
Des rémunérations qui stagnent… ou régressent
Alors que les diplômés 2011 des écoles de management pouvaient se targuer d’un salaire moyen à l’embauche (primes comprises) de 39 200€, leurs successeurs gagnent près de 1300 euros de moins à 37 940€. Au contraire, les ingénieurs progressent eux de 300€ en passant de 36 400 à 36 700€.
Exprimées en euros constant, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, les rémunérations moyennes hors primes des managers auraient même baissé de 15 % entre 2000 et 2013 (celles des ingénieurs de 11%). «Surtout ne parlons pas de « paupérisation » des jeunes diplômés», insiste Bernard Ramanantsoa, qui rappelle qu’il s’agit des «plus favorisés des diplômés». Mais admet aussi que «les entreprises s’inscrivent dans un rapport de force qui est moins favorable aux jeunes». En 2002, les managers atteignaient le 31 000€ bruts annuel: en euro constant, ils sont aujourd’hui à un peu plus de 26 000€. Les jeunes ingénieurs ont perdu eux dans le même temps un peu moins de 4 000€.
Lieux de travail: l’Ile-de-France terre de managers
On l’a vu, la proportion de jeunes diplômés qui partent à l’étranger a beaucoup progressé. Les managers sont même aujourd’hui plus nombreux à démarrer leur carrière à l’étranger qu’en province: 22,9% contre 20,7%. Mais c’est toujours l’Ile-de-France qui les attire le plus: 56,4% alors que ce n’est le cas que de 37% des ingénieurs.
Les ingénieurs travaillent d’abord dans les bureaux d’études et l’industrie
Les bureaux d’études et les sociétés de conseil emploient un ingénieur sur six sortant de l’école. Derrière, les parts de l’industrie du transport (automobile, ferroviaire, aéronautique, spatial) et du BTP se contractent légèrement alors que l’énergie connaît une nouvelle progression cette année. Les secteurs des technologies de l’information et de la communication (TIC) poursuivent une baisse très marquée, passant de 13% en 2007 à 7% en 2013. Les emplois directs dans les institutions financières, la banque et l’assurance sont également en baisse.
En termes de rémunérations, ce sont bien entendu les institutions financières qui payent le mieux (plus de 40 000€) devant l’énergie et les industries des technologies de l’information.
Managers : la chute de la banque-assurance
En six ans la part des managers employés dans la banque et l’assurance est tombée de 20 à 12%. Dans le même temps, les bureaux d’études et sociétés de conseil sont peu à peu devenus depuis le premier employeur direct des jeunes managers devant les cabinets d’audit. Un véritable transfert d’emploi puisque la banque-assurance est le principal utilisateur de leurs services.
La banque-assurance reste également le secteur le plus rémunérateur (41 700€) devant l’énergie (39 300€) et les industries et technologies de l’information (38 300€) : le même trio que pour les ingénieurs.
Méthodes de recherche: les managers jouent plus le relationnel
19% des managers hommes qui ont trouvé un emploi disent avoir profité de leurs relations personnelles (14,5% des femmes et 14,6% des ingénieurs). Derrière les stages de fin d’études c’est même leur principale méthode de recherche d’emploi quand les ingénieurs plébiscitent très largement le stage (38,3% contre 25,2% chez les managers) devant les sites Internet. Mais attention: stages, concours et forums des écoles favorisent un accès rapide quand, en revanche, les recherches via Internet et les relations personnelles sont des moyens plus longs souvent utilisés en derniers recours.
Qui sont les plus satisfaits ?
C’est sans doute l’indicateur le plus passionnant développé par la CGE : le taux de satisfaction des jeunes diplômés selon leur salaire et le secteur dans lequel ils travaillent. Si globalement la satisfaction dans l’emploi occupé croît avec les revenus quelques secteurs sont éloignés de cet axe.
La banque assurance offre ainsi des niveaux de rémunération élevés mais un peu moins de satisfaction dans l’emploi que la moyenne. Pourtant relativement bien payés, les diplômés exerçant dans le secteur de l’audit et l’expertise comptable se déclarent les moins satisfaits. A l’opposé, les rémunérations dans l’enseignement recherche sont sensiblement inférieures à la moyenne avec un niveau de satisfaction dans l’emploi élevé.
Olivier Rollot (@O_Rollot)
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