Il y a maintenant quelques années que les professeurs de prépas comme les IUT se sentent régulièrement agressés par les réformes gouvernementales. Il n’est donc pas étonnant que la future loi sur l’enseignement supérieur, et notamment son futur Article L.612-3 portant sur « L’orientation des bacheliers technologiques et professionnels et le rapprochement universités CPGE », ne fasse pas exception à la règle.
Qu’est ce qui pourrait changer pour les prépas ?
« Généraliser les conventions entre chaque lycée abritant des classes préparatoires et un ou plusieurs établissements d’enseignement supérieur de son choix », voilà ce que propose aujourd’hui Geneviève Fioraso dans un communiqué qui fait suite aux critiques appuyées sur son projet de loi venues des représentants des prépas (lire « Les prépas dans le viseur du gouvernement » sur Le Figaro Etudiant). Un point qu’on retrouve dans une première version du projet de loi que s’est procuré Educpros.
Soucieuse de déminer la situation concernant l’éventualité du paiement de frais de scolarité, elle précise que le sujet serait « laissé à l’initiative des partenaires, dans le cadre des conventions qui associeront les classes préparatoires et les universités ». 180 euros par an et par élève de prépa qui pourrait rapporter en tout 9 millions d’euros.
Mais y aura-t-il une véritable contrepartie ? « Cette proposition n’a guère de sens pour les étudiants des disciplines scientifiques et commerciales: très rares sont ceux qui ne trouvent pas une place en école d’ingénieurs ou de commerce », écrit ainsi Marie-Estelle Pech dans Le Figaro, soulignant que « cette proposition symbolique agace d’autant plus les représentants des classes préparatoires qu’ils n’ont pas été conviés aux assises de l’enseignement supérieur cet automne ». Quoi qu’il en soit, Geneviève Fioraso se dit « convaincue de l’utilité de ces rapprochements, dans lesquels chacun garde son identité ».
Qu’est ce qui pourrait changer pour les STS et les IUT ?
« Les titulaires d’un baccalauréat professionnel bénéficient d’une priorité d’accès aux sections de techniciens supérieurs et les titulaires d’un baccalauréat technologique bénéficient d’une priorité d’accès aux instituts universitaires de technologie selon des modalités précisées par décret. » Cet article du futur projet de loi provoque beaucoup d’émoi dans les sections de technicien supérieur mais surtout dans les instituts universitaires de technologie. Lors des ses voeux au monde universitaire, Geneviève Fioraso a tenté de dédramatiser le débat en précisant qu’elle avait « demandé aux recteurs, aux IUT et aux universités concernés d’admettre en priorité sur les places vacantes les titulaires de baccalauréats professionnels dans les sections STS et les titulaires des baccalauréats technologiques dans les IUT ». Au-delà du caractère bienveillant de la mesure on voit effectivement mal comment un IUT habitué à ne recruter que des élèves titulaires de mention bien et très bien en bac S pourrait donner la priorité aux bacheliers technologiques sans changer très largement de modèle. Lors de ses vœux au monde universitaire, Geneviève Fioraso a parlé d’une « moyenne de 50% de bacheliers technologiques dans les IUT » sans préciser comment la mesure serait appliquée. Elle a aussi insisté sur le fait qu’il n’y avait pas « d’inquiétude à avoir sur des baisses de niveau pré-supposées » et promis que le Ministère accompagnerait les étudiants en difficulté.
Si les licences universitaires peuvent légitimement espérer récupérer une partie des élèves des filières du bac général qui ne trouveront plus de place en IUT et en STS – ou n’auront plus envie d’y aller en craignant leur dévalorisation ? – ceux qui risquent d’y trouver le plus leur compte pourraient bien être les bachelors sélectifs et privés. L’université se priverait ainsi d’excellents étudiants attirés jusqu’ici par la qualité de ses IUT.
Olivier Rollot (@O_Rollot)