Au centre de Lyon le Silex a été un formidable prototype de ce que pouvait aujourd’hui être un lieu de travail et de rencontres. Sur 1000 m2 ont pu se rencontrer et travailler ensemble pendant presque deux ans entrepreneurs, étudiants, start up. L’occasion pour emlyon de tester de nouveaux espaces et de nouvelles relations de travail comme nous l’explique Thierry Picq, instigateur du projet, ancien directeur de l’innovation de emlyon dont il est aujourd’hui professeur, qui vient de publier un livre consacré au Silex.
- Le livre est disponible sur simple demande à l’adresse suivante : picq@em-lyon.com
Olivier Rollot : Sous le titre « Penser, travailler et apprendre autrement » vous venez de publier un livre qui présente le laboratoire d’innovation de emlyon, le Silex. Que retenez-vous de cette expérience grandeur nature que vous avez menée d’avril 2018 à décembre 2019 ?
Thierry Picq : Il s’agissait pour nous de faire un retour très précis sur cette expérience, forcément provisoire, que nous avons menées pendant un an et demi et ce qu’elle a apporté et apportera à emlyon. Nous voulons montrer comment l’innovation nait et comment elle est favorisée par les espaces.
Le Silex était également un prototype sur 1000 m2 de ce que nous voulons maintenant voir naitre sur les 30 000 m2 de notre nouveau campus à Gerland. Comment des concepts clés comme la modularité, la transparence, l’ouverture sur l’extérieur peuvent se développer au sein d’un campus de centre-ville. Après nos campus de Paris et Casablanca, qui sont des sortes d’étapes intermédiaires, le Silex a été un prototype du campus apprenant que sera notre nouveau bâtiment.
O. R : La pandémie de la Covid-19 a-t-elle confirmé les conclusions auxquelles vous étiez arrivées pour créer votre nouveau campus à Gerland ?
T. P : La question du retour sur les campus se pose plus que jamais. Il faut penser des lieux nouveaux pour donner encore plus envie d’y revenir. Aujourd’hui on ne vient plus sur un campus uniquement pour travailler mais pour vivre une dimension expérientielle faite de surprises et d’émotions.
Le nouveau campus de Gerland doit permettre à l’école de continuer sa croissance en repensant les espaces traditionnels. Nous allons au-delà des amphis et des bureaux fermés classiques en jouant à la fois sur une configuration multi-usages et sur la flexibilité des programmes. Il ne faut pas uniquement réfléchir à des programmes sui ont tous lieu de 9 h à 12 h au même endroit.
En ce sens la Covid a été un accélérateur de la prise de conscience. La preuve que le distanciel fonctionne et qu’il faut l’articuler avec le présentiel pour atteindre le maximum d’efficacité.
O. R : Il faut tout investir sur le distanciel aujourd’hui ?
T. P : Non. Nous avons aussi besoin de retrouver les autres dans des structures collectives. Mais il faut repenser les espaces physiques pour susciter l’envie. Les espaces physiques doivent être des lieux de stimuli et de mise en mouvement. Il faut pouvoir changer l’espace dans une même séquence de cours. Voire sortir du campus. C’est aussi pour cela que nous avons prévu de larges espaces de circulation dans notre nouveau campus pour aller vers une ville dont nous serons au cœur.
O. R : Comment avez-vous travaillé avec les architectes de votre nouveau campus ?
T. P : Le Silex a été très utile pour présenter aux quatre promoteurs pressentis notre « cahier de concepts » qu’il fallait ensuite transformer en un plus classique « cahier des charges ». Le Silex leur a permis de comprendre de façon concrète notre modèle pédagogique. Ensuite nous avons pu choisir l’architecte avec lequel nous nous sentions les plus à l’aise pour avancer et adapter notre concept à un bâtiment qui a des contraintes de sécurité et d’ouverture au public. Nous tenons particulièrement par exemple à ce que notre Learning Hub, notre bibliothèque, soit ouverte à tous.
O. R : Avant le Silex il y avait un learning lab co-réalisé avec Centrale Lyon. Comment s’imbriquent les deux expériences ?
T. P : Elles sont complémentaires. Le learning lab que nous avions monté avec Jean-Pierre Berthet est le pilote d’un réseau qui s’est développé depuis et est dirigé par le directeur de Télécom Saint-Etienne et président de la Cdefi, Jacques Fayolle. Dans ces learning labs il s’agit essentiellement de travailler sur les questions de pédagogies et de technologies.
Le Silex entendait lui être un laboratoire de changement culturel pour transformer l’organisation du travail. Il ne se limitait pas à la seule pédagogie. Il se voulait un laboratoire des nouvelles pratiques du travail et de l’enseignement avec une logique moins cloisonnante que dans les écoles en mêlant les publics – étudiants, professionnels, professeurs, start up, etc. – sur un même lieu ouvert à tous. Un lieu de sérendipité et d’innovation.