Terra Nova et l’Apec démentent le prétendu désengagement des jeunes actifs dans leur rapport Un portrait positif des jeunesses au travail : au-delà des mythes, fruit d’une étude menée par Toluna-Harris Interactive auprès de 5 000 actifs dont 3 000 jeunes de moins de 30 ans.
Un regard très critique des plus âges comme… des jeunes eux-mêmes. Depuis près de 30 ans, enquêtes, reportages, articles de presse et revues managériales dressent un tableau sévère des jeunes des générations Y et maintenant Z dans leur vie professionnelle : plus individualistes, moins investis, moins solidaires, plus soucieux de leur vie personnelle que les générations précédentes. 93 % des managers (de tous âges) interrogés par l’Apec estiment ainsi que les jeunes ont un « rapport au travail différent de celui de leurs aînés », et 76 % pensent même que cette différence va persister tout au long de leur carrière, ce qui serait le signe d’un véritable changement générationnel. 66 % des managers les décrivent comme « moins fidèles », 64 % « moins respectueux de l’autorité » alors que 59 % les jugent « moins investis ».
Étonnement les jeunes actifs ont eux-mêmes intériorisé la plupart des jugements négatifs au sujet de leur génération… Une majorité d’entre eux pense en effet que les jeunes sont moins « investis » que leurs ainés (54%). Et une majorité plus large encore pense qu’ils sont moins « fidèles » (62%) et moins « respectueux de l’autorité » (62%).
« Des jeunes actifs engagés et motivés par leur évolution professionnelle. » Cette vision négative l’Apec la dément arguant que, « loin des stéréotypes, il ressort de cette enquête que les jeunes actifs sont engagés et motivés par leur évolution professionnelle ». Tout autant investis dans leur travail que leurs aînés, ils formulent les mêmes attentes envers le travail que les plus âgés : la rémunération, l’intérêt des missions, et l’équilibre de vie. Mieux encore : les singularités habituellement associées aux jeunes actifs sont contredites par la comparaison des réponses entre l’échantillon des 18–29 ans et l’échantillon des 30–65 ans. La demande de télétravail n’est ainsi pas plus développée que chez leurs aînés. La tentation du désengagement : c’est plutôt chez les plus âgés que l’on trouverait des signes de désengagement. L’individualisme : la demande de collectif semble plus forte chez les plus jeunes. La défiance : les plus jeunes déclarent plutôt une plus grande confiance dans leur hiérarchie, leur direction, voire les actionnaires des entreprises…
En effet les jeunes actifs n’accordent pas une place moins importante au travail dans leur vie que leurs aînés :
· comme chez les 30–44 ans, 11% des 18–29 ans estiment que le travail est « plus important que tout le reste » (contre seulement 3% chez 45–65 ans) ; et seuls 7% considèrent qu’il « n’a que peu d’importance » (contre 10% des 30–44 ans et 13% des 45–65 ans) ;
· entre ces deux extrêmes, 46% des jeunes actifs jugent qu’il est « assez important mais moins que d’autres choses (vie familiale, personnelle, sociale, etc.) » : soit 4 points de plus que chez les 30–44 ans et 4 points de moins que chez les 45–65 ans (50%) ;
· enfin, 36% des jeunes actifs pensent que le travail est « très important, mais autant que d’autres choses » contre 37% chez les 30–44 ans et 33% chez les 45–65 ans.
Au total, les plus jeunes ne se distinguent pas tellement de ceux qui les suivent immédiatement en âge (30–44 ans) et ils accordent une place plutôt plus importante au travail que les 45–65 ans.
L’impact de l’élévation du niveau de qualification. S’il y a des différences entre les générations elles sont plutôt liées à « la position occupée dans le cycle de vie » démontre l’Apec : les jeunes actifs sont en phase de démarrage dans leur parcours, ont peu d’expérience, ne maîtrisent pas toujours les codes de l’entreprise, sont en phase de construction de leur réseau… Une première phase de la vie adulte qui correspond également à un moment de l’existence où l’on a moins de responsabilités familiales, moins d’engagements financiers (crédit immobilier, etc.).
La deuxième différence est liée au niveau moyen de formation : en 1986, au moment où les actifs aujourd’hui parmi les plus âgés entrent sur le marché du travail, le taux de scolarisation à 21 ans n’est que de 20,7%. 35 ans plus tard, en 2021, il frôle les 50%. Ce surcroît d’investissement dans les études a « pu faire naître des ambitions et des espérances dont il importe de savoir si elles sont satisfaites ou au contraire déçues ».
La troisième série de facteurs est liée au contexte économique et social de leur insertion dans le marché du travail. La plupart des actifs parmi les plus de 30 ans sont arrivés sur le marché du travail dans un contexte de chômage supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. En 2013, le taux de chômage des 15–24 ans était de 29% pour les hommes et de 24% pour les femmes; 10 ans plus tard, en 2023, ces chiffres étaient tombés respectivement à 16% et 18%. Aujourd’hui la part des jeunes actifs qui éprouvent une forme de « déclassement » professionnel par rapport à leur formation initiale se situe autour de 15%. Dans tous les groupes d’âge, entre les deux tiers et les trois quarts des sondés jugent que leurs études les ont bien préparés au monde du travail en général, à leur métier actuel, au travail en équipe, à l’autonomie ou à la prise d’initiative, même si des écarts significatifs se font jours selon les niveaux de diplôme.
Des jeunes bien formés, confiants mais qui semblent se recentrer, comme toute la société, sur des questions plus court-termistes et moins prendre en compte les valeurs et les transitions. Alors les jeunes des vieux comme les autres ? « La seule dimension qui distingue radicalement les jeunes des autres actifs, c’est, du fait de leur âge, l’important capital d’avenir dont ils disposent », concluent les experts de l’Apec…