Avec des alaires à l’embauche proches 39 k€ par an, les diplômés de l’Ecole des Mines d’Alès n’ont tien à envier à beaucoup d’écoles parisiennes. Alors qu’il vient de rejoindre la direction d’une école dont il avait déjà été directeur adjoint, Bruno Goubet trace l’avenir d’une « petite » Ecole des Mines qui profite de son implantation locale tout autant que de son réseau national.
Olivier Rollot : Vous avez changé de mode de recrutement il y a trois ans pour passer d’un recrutement en maths sup à maths spé. Quel bilan en tirez-vous aujourd’hui ?
Bruno Goubet: Nous ne pouvons que nous en féliciter car ce recrutement a changé le profil de l’école en nous amenant des élèves plus murs possédant un niveau scientifique plus élevé pour un cursus plus « classique » en 3 ans.
O.R : Depuis 20 ans votre école a fondé son modèle sur entrepreneuriat. Pensez-vous aujourd’hui le faire évoluer ?
B.G : Nous avons effectivement été pionniers dans cette approche et avons par exemple créé l’un des premiers incubateurs de France. Mais cette approche «entrepreneuriale» reposait sur le cursus en quatre ans que nous avons abandonné et doit évoluer. Nous allons donc le centrer sur la création de valeur au sens large. On peut créer de la valeur et de l’emploi en créant une entreprise mais aussi en faisant évoluer un produit ou un process dans une entreprise existante. Le métier d’ingénieur c’est de créer de la valeur et nous les y poussons grâce à un processus qui commence par des séminaires de créativité dès leur entrée dans l’école. Ensuite, ils ont à réaliser deux missions de terrain par groupes de trois dans une entreprise où ils ont, soit à redéfinir un process, soit à créer un produit, soit encore à aborder les aspects marketing et marché
O.R : Quel est le modèle d’école que vous avez choisi ?
B.G : Les écoles d’ingénieurs de l’Institut Mines-Télécom reposent sur un modèle classique avec des enseignants valorisés au travers de leurs activités de recherche partenariale avec les entreprises et de leurs publications. Si nous faisons de la recherche c’est d’abord parce que nous devons être au courant des dernières évolutions et des besoins des entreprises. Par ailleurs nous ne faisons pas de recherche sous contrat nous mourons tout simplement par manque de ressources !
Nous devons cependant veiller à valoriser davantage l’acte d’enseigner et d’accompagner les élèves dans leur connaissance de l’entreprise.
O.R : Vous êtes très bien classé dans les palmarès : par exemple 29ème dans le dernier classement des écoles d’ingénieurs de l’Etudiant. Comment parvenez-vous à ce résultat dans une ville de petite taille comme Alès ?
B.G : Notre modèle de formation dont je vous précisais les caractéristiques s’applique dans une ville qui est un bassin industriel historique. Nous profitons également du réseau des écoles des Mines et de leur appellation. N’oublions pas non plus que nous sommes situés dans un site magnifique dans les Cévennes, à seulement une heure de voiture de la Méditerranée. Tous ces atouts font que nos étudiants viennent aujourd’hui de toute la France et bénéficient d’un placement extraordinaire : 60 % sont recrutés alors qu’ils sont encore en cours, 97 % trouvent un emploi dans les quatre mois avec un salaire moyen de 38,9 k€.
O.R : On s’arrache vos ingénieurs mais ils sont peu nombreux. Pensez-vous pouvoir augmenter leur flux ?
B.G : Nous diplômons aujourd’hui 215 ingénieurs par an et nous voulons passer à 280 dans les trois ans et 300 dans les 5 ans. Dans cet effectif il y aura 120 apprentis (80 aujourd’hui) avec le soutien du Conseil régional du Languedoc-Roussillon pour lequel le développement de l’apprentissage est prioritaire. Nous souhaitons également remettre plus de doubles diplômes (ingénieurs/masters) avec l’université de Montpellier II.
O.R : Avez-vous les moyens de ces développements ?
B.G : Dans la mesure où les budgets que va nous allouer l’État dans les années à venir vont forcément être contraints, il va forcément falloir chercher de nouvelles sources de financement. On doit pouvoir un jour aborder franchement la question de la hausse des frais de scolarité, qui sont de 800 € par an aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, aucun directeur d’école ne peut aujourd’hui se contenter de dire qu’il n’a pas les moyens de son développement alors que la demande des entreprises est extrêmement forte. Il faut trouver des relais de croissance pour contribuer au développement du pays et de son industrie. Et quand je dis industrie je parle au sens large : les jeux vidéo aujourd’hui c’est aussi une industrie.
O.R : Vous recevez beaucoup d’étudiants étrangers ?
B.G : Plus de 170 dont 40 dans un cursus diplômant. Il faudra probablement réorienter notre action internationale actuellement déployée sur les 5 continents. Nous pensons aujourd’hui de plus en plus à renforcer notre ancrage européen, notamment avec l’Allemagne qui est le premier partenaire économique de la France. Il s’agit pour nous de former des ingénieurs bilingues et biculturels qui participeront au développement d’une industrie européenne basée sur le moteur franco-allemand.
O.R : Comme toutes les Ecoles des Mines, vous êtes membre de l’Institut Mines-Télécom qui fédère les écoles sous tutelle du ministère du Redressement productif. Que vous apporte cet institut ?
B.G : L’IMT est une grande chance pour les Mines d’Alès. On se sent portés par un collectif de très haut niveau et nous avons beaucoup de projets communs. Nous réfléchissons par exemple à l’ouverture d’un laboratoire commun avec les Mines de Paris dans le domaine des risques.
O.R : Mais chaque école pourrait-elle être amenée à se spécialiser dans un domaine précis ?
B.G : Nous travaillons sur des points de rapprochement et chacun amène son expertise. Notre école est ainsi particulièrement remarquée dans l’apprentissage ou l’innovation alors que nos 70 chercheurs et leurs laboratoires se distinguent tout particulièrement dans la gestion du risque ou encore les matériaux de grande diffusion et la fouille de données.
Un article intéressant, qui place bien l’école des Mines dans le contexte de formation d’ingénieur tel qu’il est aujourd’hui, merci. Cependant, avec le passage en recrutement sur concours spé, Alès, comme les autres Mines : Albi, Douai, Nantes, l’appellation « petites mines » n’est plus d’actualité.