ECOLES DE MANAGEMENT, EMPLOI / SOCIETE

« Nos étudiants n’ont pas eu de difficulté particulière pour trouver un emploi cette année »: entretien avec Catherine Leblanc, directrice générale de l’Essca

L’Essca fait partie des toutes meilleures d’écoles de commerce postbac. Alors que le marché de l’emploi se fait morose, sa directrice, Catherine Leblanc, rappelle les atouts qu’ont les écoles de commerce, et singulièrement la sienne, quand il s’agit de trouver un emploi à leurs diplômés.

Olivier Rollot: Quels sont les chiffres dont vous disposez sur l’emploi de votre dernière promotion?

Catherine Leblanc: Les premiers chiffres que nous avons reçus, et qui ne sont pas encore définitifs, indiquent que la promotion 2012 s’est placée à 90% en quatre mois après son diplôme pour un salaire moyen à l’embauche de 33680 euros. Donc pas de difficulté particulière pour trouver un emploi mais des premiers salaires peut-être en légère baisse et un taux d’expatriation qui reste stable (20%). En termes de choix de métiers nous voyons une importante hausse des embauches dans le conseil. Les métiers de la finance attirent 39% des jeunes diplômés, le marketing et les fonctions commerciales 48%.

O. R : Sortir d’une école de commerce comme la vôtre c’est toujours une sorte de «garantie» d’emploi, même en période de crise?

C. L : Nos diplômés s’intègrent bien parce qu’ils sont enthousiastes, bien formés et ont pu faire de nombreux stages. De plus ils prennent de plus en plus soin de choisir des filières porteuses. En résumé ils ne sont pas défaitistes et essayent de trouver des solutions sur un marché de l’emploi forcément moins porteur. Pour autant, ils cherchent avant tout un travail qui corresponde à leurs attentes.

O. R : Vous travaillez très tôt avec eux la réalisation de leur projet professionnel.

C. L : De la première à la cinquième année nous montons avec eux ce que nous appelons le «PPP», un projet professionnel mais aussi personnel au travers de rencontres régulières et de tutorat. Surtout nous leur faisons prendre peu à peu de l’autonomie au travers des stages ou de leurs séjours à l’étranger : trois mois de stage en entreprise ou six mois seul dans un pays parfois lointain cela vous fait considérablement murir. Le PPP leur permet de réfléchir à toutes ces expériences, à comprendre s’ils savent bien travailler en groupe ou à l’international par exemple, et ainsi à mieux définir leur choix d’orientation.

O. R : Ensuite vous les faites en quelque sorte « coacher ».

C. L : En fin de troisième année, quand ils doivent penser leur spécialisation en master, nos spécialistes de l’accompagnement carrière aident nos étudiants à formaliser leur projet et à définir quels profils de carrière leur conviennent le mieux.

Et nous ne sommes pas complaisants : comme pour le coaching d’un cadre expérimenté, ils doivent justifier leur choix, dire pourquoi ils veulent aller dans telle ou telle entreprise pour leur stage, etc. Ce processus est rassurant pour eux et nous permet de tisser des liens avec eux. Même si nous formons avant tout des cadres généralistes il faut être au top niveau en cinquième année quand on se spécialise pour aller sur le marché de l’emploi dans les meilleures conditions.

O. R : Les entreprises reprochent parfois aux diplômés des écoles de commerce leur «arrogance». Est-ce un défaut que peuvent avoir les diplômés de l’Essca?

C. L : Ce n’est vraiment pas dans la culture de l’école. Nous leur donnons de la confiance mais certainement pas l’idée qu’il faut tout écraser sur son passage pour réussir. On ne dit pas à nos étudiants « vous faites partie d’une élite parce que vous avez réussi un concours ». Au contraire, faire confiance aux autres et à soi-même, c’est de l’énergie positive.

Je ne sais pas si c’est parce que nous sommes une école créée en 1909 dans le cadre de l’enseignement catholique mais, même si nous ne sommes plus une école confessionnelle, nous avons conservé une tradition de respect de chacun. Et quand un de nos élèves ne se comporte pas bien, les autres ont vite fait de lui faire comprendre que ce n’est pas ainsi qu’on se conduit. J’ajoute que leurs expériences à l’étranger leur font aussi comprendre les vertus de l’adaptabilité, de l’ouverture aux autres et donc le contraire de l’arrogance.

O. R : Au-delà des diplômés des écoles de commerce, ce sont tous les jeunes membres de ce qu’on appelle la «Génération Y» (nés après 1980) qui semblent poser des problèmes d’intégration aux entreprises. Travaillez-vous sur ce sujet?

C. L : Le concept de « génération Y » me parait assez réducteur. Je préfère celui des 4C (Communication, Collaboration, Connexion, Création) cher aux Canadiens, qui à mon sens décrit mieux cette génération. Nous avons créé une chaire, « Génération talent », avec le cabinet KPMG pour réfléchir aux relations différentes qu’il faut établir aujourd’hui dans l’entreprise pour mieux travailler avec les plus jeunes. Nous constatons déjà que ce sont les quarantenaires qui ont le plus de mal à gérer les plus jeunes, pas les profils un peu plus âgés… mais les résultats de l’étude sont à venir.

O. R : Que demandent ces jeunes que ne demandaient pas leurs prédécesseurs ?

C. L : Selon notre sondage annuel, d’abord une bonne ambiance de travail et la possibilité d’évoluer, d’accéder à des responsabilités. Ensuite qu’on leur fasse confiance. Ils ont aussi une vraie soif de reconnaissance et sont très attentifs aux perspectives d’évolution au sein de leur entreprise. Autre enseignement remarquable : ils sont à 88% confiants dans leur avenir.

O. R : Une école de commerce c’est aussi un réseau d’anciens puissant. Comment est-il structuré à l’Essca?

C. L : Notre association de diplômés compte trois salariés à plein temps qui travaillent à répertorier les offres de poste et à faire vivre un réseau de plus de 11000 anciens, dont beaucoup sont à l’étranger et sont toujours prêts à aider les plus jeunes à s’implanter.

O. R : Dans quels pays sont-ils le plus implantés ?

C. L : D’abord en Europe mais aujourd’hui de plus en plus en Asie (près d’un tiers) avec bien sûr d’abord la Chine. Vous savez, nos diplômés sont incroyablement à l’aise quand il s’agit de passer d’une langue à l’autre. Ils ont une faculté d’adaptation rapide et sont capables de développer du business à Shanghaï comme à Rio.

O. R : Ce sont également des créateurs d’entreprise ?

C. L : De plus en plus avec une nette prééminence de garçons : plus des trois quarts des créateurs que nous recevons dans l’incubateur que nous avons créé sont des hommes. Nous les y coachons pendant deux ans maximum sur tous les aspects de la création d’entreprise. C’est aussi une génération qui a une vraie appétence à être son propre patron et qui profite notamment de la vague du digital et  du faible coût de développement des entreprises numériques pour se lancer.

O. R : Voir leurs enfants créer leur propre entreprise, ce n’est pas forcément ce dont rêvent les parents quand ils inscrivent leurs enfants dans une grande école?

C. L : Effectivement lors de la cérémonie de remise des diplômes on entend parfois les jeunes qui remercient leurs parents de les laisser tenter l’aventure. Mais qu’a-t-on à perdre à se lancer à 23 ou 25 ans dans la création d’une entreprise? Certains préfèrent travailler d’abord pendant cinq ans, par exemple dans l’audit, avant de se lancer avec plus de maturité. Notre majeure «entrepreneuriat» prépare en tout cas tous ceux qui le souhaitent à cet objectif, puis l’incubateur leur permet d’avoir des locaux, des outils et un accompagnement. La solitude c’est l’un des gros dangers qui guette le créateur d’entreprise et notre incubateur est là pour les soutenir pendant les deux premières années de leur projet.

 

  • Le baromètre Esscascopie
  • Chaque année depuis 2009, le baromètre Esscascopie analyse le devenir des diplômés en mesurant l’évolution de leur carrière, leur bien-être au travail et leur appréciation du rôle joué par l’Essca. Plus de 500 diplômés des promotions allant de 2001 à 2011 ont répondu à cette dernière enquête menée en janvier 2013.
  • L’analyse montre que 93 % des diplômés de l’Essca concernés par le baromètre sont en poste, dont la moitié au sein d’une entreprise de plus de 1000 salariés. Plus précisément, 39 % des répondants occupent des fonctions dans le domaine de la finance, 27 % dans le marketing et 21 % occupent des fonctions commerciales. 10 % travaillent dans le domaine du conseil et 3 % dans les ressources humaines. Enfin, 21 % des diplômés exercent à l’étranger, dont la moitié en dehors de l’Europe.
  • En matière de salaire, les diplômés déclarent percevoir en moyenne 36 000 euros annuels pour les deux premières années de carrière, puis 54 500 euros annuels à partir de cinq ans. Pour 87 % d’entre eux, la fonction occupée actuellement correspond parfaitement au type de poste qu’ils espéraient à ce stade de leur carrière. Plus de 8 diplômés sur dix affirment être épanouis et motivés dans leur travail.

L’Essca fait partie des toutes meilleures d’écoles de commerce postbac. Alors que le marché de l’emploi se fait morose, sa directrice, Catherine Leblanc, rappelle les atouts qu’ont les écoles de commerce, et singulièrement la sienne, quand il s’agit de trouver un emploi à leurs diplômés.

Catherine Leblanc

Olivier Rollot: Quels sont les chiffres dont vous disposez sur l’emploi de votre dernière promotion?

Catherine Leblanc: Les premiers chiffres que nous avons reçus, et qui ne sont pas encore définitifs, indiquent que la promotion 2012 s’est placée à 90% en quatre mois après son diplôme pour un salaire moyen à l’embauche de 33680 euros. Donc pas de difficulté particulière pour trouver un emploi mais des premiers salaires peut-être en légère baisse et un taux d’expatriation qui reste stable (20%). En termes de choix de métiers nous voyons une importante hausse des embauches dans le conseil. Les métiers de la finance attirent 39% des jeunes diplômés, le marketing et les fonctions commerciales 48%.

O. R : Sortir d’une école de commerce comme la vôtre c’est toujours une sorte de «garantie» d’emploi, même en période de crise?

C. L : Nos diplômés s’intègrent bien parce qu’ils sont enthousiastes, bien formés et ont pu faire de nombreux stages. De plus ils prennent de plus en plus soin de choisir des filières porteuses. En résumé ils ne sont pas défaitistes et essayent de trouver des solutions sur un marché de l’emploi forcément moins porteur. Pour autant, ils cherchent avant tout un travail qui corresponde à leurs attentes.

O. R : Vous travaillez très tôt avec eux la réalisation de leur projet professionnel.

C. L : De la première à la cinquième année nous montons avec eux ce que nous appelons le «PPP», un projet professionnel mais aussi personnel au travers de rencontres régulières et de tutorat. Surtout nous leur faisons prendre peu à peu de l’autonomie au travers des stages ou de leurs séjours à l’étranger : trois mois de stage en entreprise ou six mois seul dans un pays parfois lointain cela vous fait considérablement murir. Le PPP leur permet de réfléchir à toutes ces expériences, à comprendre s’ils savent bien travailler en groupe ou à l’international par exemple, et ainsi à mieux définir leur choix d’orientation.

Le site d'Angers de l'Essca (photo Olivier Bahier)

O. R : Ensuite vous les faites en quelque sorte « coacher ».

C. L : En fin de troisième année, quand ils doivent penser leur spécialisation en master, nos spécialistes de l’accompagnement carrière aident nos étudiants à formaliser leur projet et à définir quels profils de carrière leur conviennent le mieux.

Et nous ne sommes pas complaisants : comme pour le coaching d’un cadre expérimenté, ils doivent justifier leur choix, dire pourquoi ils veulent aller dans telle ou telle entreprise pour leur stage, etc. Ce processus est rassurant pour eux et nous permet de tisser des liens avec eux. Même si nous formons avant tout des cadres généralistes il faut être au top niveau en cinquième année quand on se spécialise pour aller sur le marché de l’emploi dans les meilleures conditions.

O. R : Les entreprises reprochent parfois aux diplômés des écoles de commerce leur «arrogance». Est-ce un défaut que peuvent avoir les diplômés de l’Essca?

C. L : Ce n’est vraiment pas dans la culture de l’école. Nous leur donnons de la confiance mais certainement pas l’idée qu’il faut tout écraser sur son passage pour réussir. On ne dit pas à nos étudiants « vous faites partie d’une élite parce que vous avez réussi un concours ». Au contraire, faire confiance aux autres et à soi-même, c’est de l’énergie positive.

Je ne sais pas si c’est parce que nous sommes une école créée en 1909 dans le cadre de l’enseignement catholique mais, même si nous ne sommes plus une école confessionnelle, nous avons conservé une tradition de respect de chacun. Et quand un de nos élèves ne se comporte pas bien, les autres ont vite fait de lui faire comprendre que ce n’est pas ainsi qu’on se conduit. J’ajoute que leurs expériences à l’étranger leur font aussi comprendre les vertus de l’adaptabilité, de l’ouverture aux autres et donc le contraire de l’arrogance.

O. R : Au-delà des diplômés des écoles de commerce, ce sont tous les jeunes membres de ce qu’on appelle la «Génération Y» (nés après 1980) qui semblent poser des problèmes d’intégration aux entreprises. Travaillez-vous sur ce sujet?

C. L : Le concept de « génération Y » me parait assez réducteur. Je préfère celui des 4C (Communication, Collaboration, Connexion, Création) cher aux Canadiens, qui à mon sens décrit mieux cette génération. Nous avons créé une chaire, « Génération talent », avec le cabinet KPMG pour réfléchir aux relations différentes qu’il faut établir aujourd’hui dans l’entreprise pour mieux travailler avec les plus jeunes. Nous constatons déjà que ce sont les quarantenaires qui ont le plus de mal à gérer les plus jeunes, pas les profils un peu plus âgés… mais les résultats de l’étude sont à venir.

O. R : Que demandent ces jeunes que ne demandaient pas leurs prédécesseurs ?

C. L : Selon notre sondage annuel, d’abord une bonne ambiance de travail et la possibilité d’évoluer, d’accéder à des responsabilités. Ensuite qu’on leur fasse confiance. Ils ont aussi une vraie soif de reconnaissance et sont très attentifs aux perspectives d’évolution au sein de leur entreprise. Autre enseignement remarquable : ils sont à 88% confiants dans leur avenir.

O. R : Une école de commerce c’est aussi un réseau d’anciens puissant. Comment est-il structuré à l’Essca?

C. L : Notre association de diplômés compte trois salariés à plein temps qui travaillent à répertorier les offres de poste et à faire vivre un réseau de plus de 11000 anciens, dont beaucoup sont à l’étranger et sont toujours prêts à aider les plus jeunes à s’implanter.

Le campus de Paris de l'Essca (photo Caroline Doutre)

O. R : Dans quels pays sont-ils le plus implantés ?

C. L : D’abord en Europe mais aujourd’hui de plus en plus en Asie (près d’un tiers) avec bien sûr d’abord la Chine. Vous savez, nos diplômés sont incroyablement à l’aise quand il s’agit de passer d’une langue à l’autre. Ils ont une faculté d’adaptation rapide et sont capables de développer du business à Shanghaï comme à Rio.

O. R : Ce sont également des créateurs d’entreprise ?

C. L : De plus en plus avec une nette prééminence de garçons : plus des trois quarts des créateurs que nous recevons dans l’incubateur que nous avons créé sont des hommes. Nous les y coachons pendant deux ans maximum sur tous les aspects de la création d’entreprise. C’est aussi une génération qui a une vraie appétence à être son propre patron et qui profite notamment de la vague du digital et  du faible coût de développement des entreprises numériques pour se lancer.

O. R : Voir leurs enfants créer leur propre entreprise, ce n’est pas forcément ce dont rêvent les parents quand ils inscrivent leurs enfants dans une grande école?

C. L : Effectivement lors de la cérémonie de remise des diplômes on entend parfois les jeunes qui remercient leurs parents de les laisser tenter l’aventure. Mais qu’a-t-on à perdre à se lancer à 23 ou 25 ans dans la création d’une entreprise? Certains préfèrent travailler d’abord pendant cinq ans, par exemple dans l’audit, avant de se lancer avec plus de maturité. Notre majeure «entrepreneuriat» prépare en tout cas tous ceux qui le souhaitent à cet objectif, puis l’incubateur leur permet d’avoir des locaux, des outils et un accompagnement. La solitude c’est l’un des gros dangers qui guette le créateur d’entreprise et notre incubateur est là pour les soutenir pendant les deux premières années de leur projet.

 

  • Le baromètre Esscascopie
  • Chaque année depuis 2009, le baromètre Esscascopie analyse le devenir des diplômés en mesurant l’évolution de leur carrière, leur bien-être au travail et leur appréciation du rôle joué par l’Essca. Plus de 500 diplômés des promotions allant de 2001 à 2011 ont répondu à cette dernière enquête menée en janvier 2013.
  • L’analyse montre que 93 % des diplômés de l’Essca concernés par le baromètre sont en poste, dont la moitié au sein d’une entreprise de plus de 1000 salariés. Plus précisément, 39 % des répondants occupent des fonctions dans le domaine de la finance, 27 % dans le marketing et 21 % occupent des fonctions commerciales. 10 % travaillent dans le domaine du conseil et 3 % dans les ressources humaines. Enfin, 21 % des diplômés exercent à l’étranger, dont la moitié en dehors de l’Europe.
  • En matière de salaire, les diplômés déclarent percevoir en moyenne 36 000 euros annuels pour les deux premières années de carrière, puis 54 500 euros annuels à partir de cinq ans. Pour 87 % d’entre eux, la fonction occupée actuellement correspond parfaitement au type de poste qu’ils espéraient à ce stade de leur carrière. Plus de 8 diplômés sur dix affirment être épanouis et motivés dans leur travail.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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