Stephan Bourcieu, président du directoire, Burgundy School of Business
BSB s’implante dans de nouveaux locaux à Lyon en juin 2025, y lance une School of Media, Culture & Communication, se porte bien financièrement, et… ne s’interdit pas d’ouvrir son capital. Entretien avec Stephan Bourcieu, président du directoire de Burgundy School of Business.
Olivier Rollot : Comment s’est déroulée la rentrée 2024 de BSB ?
Stephan Bourcieu : Après une année 2023 en demi-teinte, les effectifs de notre rentrée 2024 sont très au-delà de nos objectifs en Bachelor, Master Grande école en alternance, à l’international comme en MSc. Si on excepte notre recrutement en classes préparatoires nous progressons partout. Nous allons donc mettre des moyens pour redynamiser l’accueil des élèves de classes préparatoires. Il est absolument exclu que nous sortions du marché des classes préparatoires.
O. R : Votre actualité c’est aussi la construction de votre nouveau campus lyonnais. Où en êtes-vous ?
S. B : Ce nouveau campus de 9 000 m2, contre 3 000 m2 aujourd’hui, doit nous être livré en juin 2025 pour recevoir ses premiers étudiants à la rentrée 2025 dans le 8ème arrondissement de Lyon. Nous pourrons y recevoir deux fois plus d’étudiants: 2 500 contre 1 200 aujourd’hui. Ainsi nous devrions bientôt avoir autant d’étudiants à Lyon qu’à Dijon, avec globalement les mêmes programmes, plus des expertises spécifiques à chaque campus.
Notre School of Wine & Spirits Business reste évidemment implantée à Dijon, au cœur du vignoble bourguignon, même si depuis cette année nous avons à Lyon un premier programme en alternance dédié au management du vin. Notre School of Media, Culture & Communication, que nous lançons à la rentrée prochaine sera quant à elle basée à Lyon, à proximité par exemple de la chaine Euronews et de tout un écosystème porteur en matière de médias et de création de jeux vidéo.
O. R : Pourquoi avoir choisi Lyon quand pratiquement toutes les écoles de management françaises ont choisi de s’implanter à Paris ?
S. B : Notre nouveau campus représente 45 M€ d’investissements. Nous sommes à Lyon depuis maintenant plus de 10 ans et nous avons fait le choix de nous y développer notamment car le potentiel de marché est important et les coûts de l’immobilier divisés par trois par rapport à Paris. Paris fait sens bien sûr mais le modèle économique y est très difficile à tenir. Il s’agit aussi d’un élément stratégique de différenciation : nous préférons être la deuxième business school à Lyon que la quinzième à Paris.
O. R : Vous évoquez l’économie des business schools. Est-il envisageable, comme vous l’avez évoqué dans un autre entretien, que BSB ouvre son capital à des acteurs privés ?
S. B : Dans le contexte actuel, il pourrait être intéressant d’ouvrir le capital, si tant est que nous ayons des besoins de fonds propres pour investir dans de nouveaux projets stratégiques. Ce n’est pas le cas à ce stade car l’école a les moyens nécessaires pour financer ses investissements mais rien ne doit être exclu pour l’avenir.
O. R : Mais si vous deviez recevoir des acteurs privés dans votre capital vous seriez alors amenés à changer de statut. Je rappelle que BSB est aujourd’hui un EESC (établissement d’enseignement supérieur consulaire) dans lequel la chambre de commerce et d’industrie doit juridiquement toujours conserver la majorité des parts.
S. B : On ne pourrait évidemment pas rester un EESC si nous devions ouvrir notre capital. Il faudrait trouver une autre structure juridique de type SA ou SAS.
Pour l’heure il faut surtout souligner que le statut d’EESC a fortement contribué à la bonne santé économique de l’école : nous ne versons pas de dividende, nous ne payons pas d’impôts, toute ce que nous gagnons est intégralement réinvesti dans l’école.
Nous avons su construire une structure solide avec le soutien permanent d’une gouvernance et d’un actionnaire majoritaire consulaire qui comprennent bien les problématiques d’une école comme la nôtre.
O. R : BSB est-elle propriétaire de ses bâtiments ?
S. B : A Dijon tous les bâtiments appartiennent à l’école. A Lyon nous sommes dans une SCI dont la majorité est détenue par un fonds spécialisé dans l’immobilier d’éducation, A Plus Finance. On retrouve également comme investisseurs trois banques (la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes et la Caisse d’Épargne Bourgogne Franche-Comté), la CCI Côte d’Or Saône et Loire et BSB.
O. R : Plus largement comment évolue le modèle économique des business schools françaises ?
S. B : Le monde des écoles a bien changé. Il y a dix ans on ne parlait que rarement d’Ebitda ou de Capex. Il y a 18 ans BSB n’avait même pas de budget propre car tout dépendait de sa CCI. Aujourd’hui le financement est devenu un enjeu central de notre activité. Pour autant, nous devons garder à l’esprit que notre métier c’est d’abord la pédagogie.
Historiquement, nous avons eu un problème économique lié à la baisse des financements des CCI. Il y a dix-quinze ans ont eu lieu des fusions pour générer des effets de taille et, entre autres, pallier cette baisse des subventions consulaires.
Aujourd’hui nous subissons de nouvelles contraintes telles que l’accroissement de la concurrence des acteurs plus privés sur l’alternance, les tensions internationales, la baisse annoncée de la démographie… Autant de pressions qui peuvent amener de nouveaux mouvements stratégiques tels que des cessions d’écoles ou des fusions.
J’ai longtemps été persuadé que seules les plus grosses écoles (et celles à la plus forte notoriété évidemment) s’en sortiraient. Toutefois l’évolution du contexte m’amène à revoir mon analyse : seules les écoles les plus solides pourraient passer cette période difficile en s’appuyant sur leurs fonds propres, la possession de leur immobilier et surtout en n’ayant pas trop investi au détriment de leurs résultats économiques.
O. R : L’économie des écoles repose aujourd’hui beaucoup sur le financement des contrats d’apprentissage. Êtes-vous inquiet de leur évolution ?
S. B : A court terme il risque finalement de ne rien se passer faute de gouvernement. On ne sait pas s’il va y avoir une baisse des coûts contrats et la question des subventions aux entreprises reste en suspens.
C’est inquiétant à plus long terme car l’apprentissage représente 50 % des élèves de BSB. Ce canal va-t-il se tarir ? Il est difficile de savoir dans quelle voie s’engager alors même que l’Etat n’indique pas ce qu’il va faire pour les prochaines années. Un bon exemple de ce que « le pays est bloqué ». Impossible de faire des choix stratégiques quand on ne sait pas ce que va décider d’Etat.
O. R : L’économie des écoles repose également sur l’apport d’étudiants internationaux. Où en est-on aujourd’hui ?
S. B : Aujourd’hui la France fait partie des rares pays à ne pas serrer les vis à l’entrée alors que nous avons très largement perdu l’apport des étudiants chinois depuis le Covid et la politique de recentrage sur la Chine conduite par Xi Jinping. La Chine est devenue un pays d’accueil des étudiants internationaux et sa situation économique conduit de moins en moins ses étudiants à s’expatrier.
A contrario les étudiants indiens sont de plus en plus nombreux à nous rejoindre avec toute la complexité que cela comporte entre de très bons ingénieurs sortis des Instituts Indiens de Technologie (IIT) et d’autres dont les motivations à rejoindre un établissement d’enseignement supérieur en France ne sont pas aussi. Cette année nous recevons 40 étudiants indiens ; ils seront 150 en 2025-26.
Une autre difficulté tient au fait que la politique internationale s’invite parfois dans nos recrutements. Les autorités nous disent désormais clairement de ne plus recruter d’élèves russes quand, jusqu’à présent, il s’agissait plutôt d’une recommandation.
O. R : Autre point névralgique pour les écoles : la recherche. Comment peut-on en mesurer l’impact réel ?
S. B : La recherche en économie et en management est absolument essentielle dans un monde économique de plus en plus complexe. L’un des leviers passe sans doute par les contrats de recherche européens, voire ceux de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui sont facilement estimables car ils répondent à une dynamique sociétale. Nous sommes par exemple aujourd’hui chefs de file du projet européen ForestAgriGreenNudge qui vise à favoriser l’alimentation durable, la bioéconomie, la gestion des ressources naturelles, l’agriculture et l’environnement.
Mais comment la recherche est-elle intégrée dans la pédagogie ? En mesurer l’impact est difficile mais c’est essentiel. Il est évidemment plus simple de prendre des catégories de revues académiques et de leur accorder plus ou moins d’importance.
O. R : Quels sont vos objectifs pour 2025 ?
S. B : Nous prévoyons une forte croissance de notre chiffre d’affaires : celui-ci devrait passer de 30 millions d’euros en 2024 à 38 millions avec un résultat économique en progression. Pour autant, il va falloir investir pour accompagner cette croissance de l’activité. Cela veut dire recruter des personnels, professeurs et administratifs pour suivre le rythme de croissance et maintenir nos taux de couverture.
Nous devons également alimenter la croissance. Pour ce faire, notre logique est aujourd’hui de continuer de nous diversifier avec la School of Wine & Spirits Business et notre nouvelle School of Media, Culture & Communication, pour élargir notre marché et approfondir nos expertises.