Alors que beaucoup d’universités et de grandes écoles souffrent financièrement, le secteur des grandes écoles associatives est particulièrement touché. L’Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) compte 29 membres parmi lesquels l’EPF, l’ESC Normandie ou encore l’ESTP. Nesim Fintz, son président, fondateur et directeur général de l’Eisti, une école d’ingénieurs de Cergy-Pontoise, revient sur les défis qu’elles rencontrent aujourd’hui.
Olivier Rollot : Vous le dites clairement sur votre blog : les écoles privées associatives se sentent surtout aujourd’hui privées de soutien de l’État.
Nesim Fintz: En 2010 nos écoles se sont engagées dans la voie de ce qu’on appelle la contractualisation. C’est-à-dire que l’État s’est engagé financièrement auprès de nous en contrepartie d’avancées pédagogiques. Nous avons donc créé des postes et tenu nos engagements. Mais du côté de l’État les subventions sont en baisse depuis 2012. En 2011 nos écoles touchaient un peu plus de 81 millions d’euros. En 2014 ce ne sera plus que 64,6 millions.
Et dans le même temps nos effectifs sont passés de 65 900 à 77 000 élèves. Entre 2010 et 2013, l’aide par étudiant est ainsi passée de 1322 € à 1005 €. Un recul de 22,7% depuis le début de la contractualisation. Il faudrait 12,5 millions € pour revenir à la situation de 2010. Comment voulez-vous que nous fassions face à nos engagements financiers si, de son côté, l’État ne respecte pas les siens ? Nous avons l’impression que le gouvernement voit jusqu’où il peut nous couper les moyens sans que nous coulions.
O. R : Vous dites au gouvernement : « Ne nous lâchez pas sinon cela va vous coûter très cher »…
N. F : L’enseignement supérieur associatif en France représente un peu plus de 3% des étudiants français, c’est-à-dire 77 000 étudiants (10% des masters délivrés). Dans la mesure où le coût de la formation de ces étudiants est de 10 000 € par an si ces écoles font faillite, ce sera au moins 700 millions d’euros par an que l’État devra trouver pour les scolariser.
O. R : Ce que vous demandez c’est un traitement égal avec les acteurs de l’enseignement supérieur public.
N. F : Entendez bien, je ne demande pas une égalité des sommes versées aux acteurs publics de l’enseignement supérieur mais une équité dans leur évolution. Puisque nous sommes d’intérêt général il n’y a pas de raison que les subventions baissent pour nous de 13% quand ce n’est que de 1,5% dans le public. Nous avons fait de gros efforts pour accueillir plus de boursiers mais cela a un coût : 350 000 euros à l’Eisti par exemple pour accueillir aujourd’hui 30% de boursiers.
Faire de la recherche a également un coût. Comme les enseignants chercheurs que nous avons embauchés. On ne peut pas nous demander de faire tout et son contraire ! Il faut quand même regarder avec quel budget nous travaillons et quels sont nos taux d’insertion : à l’Eisti 100% de nos diplômés trouvent un emploi dans les trois moins après l’obtention de leur diplôme !
O. R : Tout n’est pas négatif aujourd’hui. La loi sur l’enseignement supérieur et la recherche votée cet été reconnaît une nouvelle catégorie d’établissements d’enseignement supérieur qui vous correspond: l’EESPIG (établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général).
N. F : Les associations à but non lucratif gérant des grandes écoles ont effectivement gagné le droit d’être présents dans la loi grâce à la sénatrice Dominique Gillot, rapporteur de la loi au Sénat. Mais voilà, une virgule mal placée a fait que, pour être EESPIG, une association doit être reconnue d’intérêt public. Pour cela, il faut avoir au moins 200 membres, ce qui est clairement impossible dans nos écoles.
O. R : On associe souvent « privé » et « lucratif ». Ce n’est pas du tout le cas de vos écoles ?
N. F : Il y a quatre catégories d’écoles en France. Les grandes écoles publiques et privées associatives, qui ont les mêmes devoirs sans avoir les mêmes droits. De bonnes écoles privées qui remettent des diplômes reconnus par l’État. Et enfin des écoles privées qui font du mauvais travail. Celles-là, je le dis sans hésiter, il faut les éliminer !
O. R : Vos écoles subissent de plein fouet la baisse des subventions mais risquent également de récolter de moins en moins d’argent par le biais d’une taxe d’apprentissage que le gouvernement s’apprête à réformer.
N. F : Plus de 11% du budget des écoles privées (6% pour l’ensemble des écoles, publiques et privées confondues) proviennent de la taxe d’apprentissage. Pour ne pas affecter cette part importante du budget des établissements, il faudrait que la réforme de la taxe d’apprentissage n’accorde pas plus de 43% de la taxe aux régions et qu’elle sanctuarise la partie barème à 33%. On pourrait en revanche exclure du bénéfice de la taxe les écoles dont les diplômes ne sont pas reconnus par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ou le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).
O. R : Autre sujet important pour vous : la place que vos écoles vont ou pas pouvoir prendre dans les communautés d’universités et d’établissement (Comue) qui sont en train de se constituer.
N. F : Il faut que les écoles se fassent accepter coûte que coûte dans les Comue de leur territoire. Par ailleurs, il faut que toutes les écoles, aussi bien publiques que privées, défendent pied à pied leurs intérêts dans l’écriture des statuts des Comue. Il ne faut pas oublier que toutes les subventions transiteront par les Comue, y compris et surtout les projets État-Région. D’où l’importance de la place des écoles dans les Comue.
O. R : Un dernier point. Avez-vous l’impression que la façon dont sont aujourd’hui traités les professeurs de prépas, notamment avec la baisse programmée de leurs rémunérations, ait un rapport les grandes écoles ?
N. F : Je pense qu’il s’agit d’une réforme non acceptable et qui divise le corps des enseignants. Je pense que l’on a envie de faire payer aux professeurs des classes préparatoires leur proximité avec les grandes écoles.
1 Comment