La semaine dernière Bernard Ramanantsoa, directeur emblématique d’HEC, s’est vu confier une mission pour « valoriser et développer l’enseignement supérieur français a l’étranger ». Pour le compte de France Stratégie et avec un panel d’experts, il doit maintenant « procéder à un état des lieux de la variété des implantations françaises à l’étranger et examiner un ensemble d’enjeux autour de cette forme spécifique d’internationalisation ». Cela alors que, selon l’Insead, la France peine de plus en plus à attirer les étudiants étrangers sur son sol (lire sur Diplomeo) et que beaucoup s’inquiètent des conséquences des attentats de novembre dernier, qui ont vu la mort de nombreux étudiants étrangers, sur l’attractivité de la France.
Des labels dans un univers en plein essor
Nous sommes passés en 15 ans de 100 à 196 millions d’étudiants dans le monde et le nombre d’étudiants internationaux va encore doubler dans les 10 ans. « Pour attirer ces étudiants, il faut prouver sa qualité. D’où l’importance cruciale des labels », estime François Pernot, responsable de la mission « Europe et international » du HCERES lors du dernier congrès de la CTI. D’un côté des labels transnationaux (AACSB, Amba, Equis) de l’autre des labels internationaux délivrés par des agences nationales comme le fait la CTI avec Eur-Ace. Le label CTI peut même être donné à des établissements étrangers essentiellement francophones et réfléchit à la création d’un label « CTI international ».
Un label d’« internationalisation » remis par l’European Certificate for Accreditation, le CeQuint, vient même d’être créé pour des écoles d’ingénieurs qui veulent attirer plus largement des étudiants étrangers. Une obligation encore plus ardente pour les écoles de management et les IAE. « 50% de nos partenaires bénéficient de ces accréditations et nous demandent que nous les justifions également », confie Jérôme Rive, directeur de l’IAE Lyon, éligible Equis et dont un diplôme est déjà labellisé Epas.
De de plus en plus d’implantations à l’étranger
De 200 campus offshore dans le monde aujourd’hui on devrait passer à 280 en 2020. Pour la France La Sorbonne à Abu Dhabi ou Centrale Pékin sont les plus emblématiques d’un mouvement dans lequel les grandes écoles sont leaders (ParisTech Shanghai Jiao-Tong, Toulouse BS Madrid ou Casablanca, etc.) et les les universités également mobilisées. L’IAE Lyon dispense ainsi son MBA en français à Prague, en Pologne, en Chine ou encore en Hongrie et forme en tout 1500 étudiants à l’étranger dans le monde chaque année. Dauphine est présente à Tunis et Londres et même au Vietnam où elle a développé un campus de technologie à Hanoi avec trente autres universités français
Dans beaucoup de cas, ce développement international vient d’abord appuyer l’internationalisation des entreprises françaises. « Certains de nos partenaires industriels, comme Alstom ou Vinci Energie, étaient déjà présents à Casablanca et nous ont encouragé à les rejoindre là-bas », confirme Sylvain Orsat, directeur de l’EIGSI, une école d’ingénieurs privée de La Rochelle, implantée depuis 2006 au Maroc.
Quel business model ?
Pour assurer la pérennité de ces implantations, encore faut-il trouver un business model. « Je ne crois pas trop à la pérennité des financements publics français sur des projets structurants à l’international », confie ainsi Yves Poilane, président de la commission internationale de la CGE et directeur de Télécom ParisTech, qui a été très « vigilant » sur ce point au sein de ParisTech en s’implantant en Chine avec l’université Jiao Tong sans soutien particulier du gouvernement français. Dans le même esprit, CentraleSupélec a choisi de s’implanter en Inde avec le concours d’un partenaire industriel local puissant, Mahindra.
Le modèle peut être différent dans un établissement privé. Si l’Essca est installée à Budapest depuis 1993 et à Shangaï depuis 2006, ce n’est pas seulement pour y envoyer ses propres étudiants mais aussi pour y recevoir les étudiants des 177 universités avec lesquelles elle est partenaire. « Grâce à ces implantations et à ce réseau, aucun de nos étudiants n’a à payer le moindre frais supplémentaire quand il part étudiant à l’étranger », se félicite Catherine Leblanc, sa directrice.
Former des étudiants étrangers à l’étranger
Le but ultime d’un établissement d’enseignement supérieur c’est de former des étudiants étrangers dans leur propre pays. Quand l’EMLyon et la East China Normal University de Shangai lancent cette année une nouvelle business school, l’Asia-Europe Business School (AEBS), c’est pour y accueillir des étudiants – 1500 à l’horizon 2020 – qui seront essentiellement Chinois. Aux Etats-Unis ou en Chine, Skema BS se définit comme « un employeur international qui a obtenu les reconnaissances de chaque pays dans lequel il est implanté ». L’EIGSI Casablanca poursuit son développement en construisant pour la rentrée 2016 un campus de 4 300m2 qui devrait accueillir 400 à 500 étudiants d’ici 2020.