Après sa conférence sur les « Comparaisons internationales sur l’éducation à l’orientation » organisée en novembre 2018, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) vient de publier un dossier complet sur l’éducation à l’orientation : Comment l’école française aide-t-elle les élèves à construire leur orientation ? Il en ressort notamment qu’un jeune sur deux (de 18-25 ans) se dit satisfait de l’accompagnement de son établissement scolaire au sujet de l’orientation. « Ce bilan pour le moins mitigé des jeunes révèle bien la situation française mise en évidence par l’ensemble de nos évaluations », analyse la présidente du Cnesco, Nathalie Mons pour laquelle « la France n’accompagne pas assez toutes les initiatives de terrain par une politique d’éducation à l’orientation ambitieuse, désignant un cap, des objectifs, des processus de coordination clairs et explicites ».
Loin du « -3 + 3 » les coordinations interministérielles restent peu développées, voire faibles entre l’Éducation nationale et le ministère de l’Emploi. Et la présidente d’asséner : « Au final, nous sommes confrontés à une politique d’orientation impressionniste, dans le sens artistique du terme, qui dessine par tâches de couleurs successives quelques orientations peu claires, à des acteurs très nombreux, sous la tutelle des ministères de l’Éducation nationale, de la jeunesse, de l’emploi, mais aussi des régions, sans coordinateur précis ».
Comment les élèves s’orientent ? Les jeunes sont partagés quant à l’accompagnement qu’ils ont reçu durant leur scolarité. Un sur deux déclare ne pas avoir été bien accompagné par son établissement au sujet de l’orientation (48%). En outre, l’orientation a constitué une source de stress pour les deux tiers (un sentiment qui touche davantage les filles, les étudiants/diplômés de l’enseignement supérieur et les enfants d’ouvriers/employés).
De plus si 50% des élèves dont les résultats scolaires déclarés sont bons et très bons s’estiment plutôt bien ou très bien accompagnés par leur établissement, les élèves qui se définissent comme « pas du tout bon élève » sont moins satisfaits de l’accompagnement de l’établissement (30% de « satisfaits » et « très satisfaits »). Alors que 85% des jeunes ont participé à au moins une activité en lien avec l’orientation pendant leur scolarité, le stage de troisième est l’outil le plus souvent utilisé pour tester un choix d’orientation : 44% en moyenne et 50% pour les élèves s’étant par la suite orientés vers la voie professionnelle
Pourquoi ils s’orientent ? A peine plus de la moitié des jeunes de 18 à 25 ans avaient un projet professionnel au moment du choix de leur orientation (contre 43% qui n’en avaient pas) avec des taux équivalents chez les élèves et diplômés de l’enseignement professionnel et les étudiants du supérieur.
Le goût personnel pour un métier/un secteur et l’appétence pour une discipline/une filière n’en arrivent pas moins en tête des critères des jeunes pour choisir une orientation (devant la sécurité de l’emploi, la rémunération ou encore le statut social du métier). Si cette hiérarchie se retrouve pour l’ensemble des jeunes, les garçons – plus que les filles – tendent à accorder tout de même davantage d’importance à l’insertion rapide dans l’emploi et à la rémunération.
Les jeunes issus de l’enseignement professionnel privilégient davantage la proximité géographique des formations et l’entrée rapide dans l’emploi. Parmi les éléments nécessaires à la construction de son projet professionnel, la connaissance de ses propres envies par le jeune arrive en premier (devant la connaissance des métiers et formations). Pourtant, un tiers d’entre eux considèrent ne pas avoir reçu du tout d’information ou d’accompagnement pour construire leur projet d’orientation.
Particulièrement lorsqu’il est issu de l’enseignement professionnel près d’un jeune sur cinq estime qu’il n’a pas eu le choix de son orientation. 20% des élèves et diplômés de l’enseignement professionnel estiment qu’ils n’ont pas eu le choix de leur orientation alors qu’ils ne sont que 7% parmi les étudiants et diplômés de l’enseignement supérieur. Certains ont même dû renoncer à leurs aspirations pour des raisons dépassant les résultats scolaires : le coût des études conduit un élève sur trois à renoncer à certaines filières. De même, un élève sur cinq a écarté une orientation qu’il avait envisagée à cause de la durée des études ou de l’éloignement géographique.
En tout 71% des jeunes déclarent avoir écarté d’eux-mêmes une possibilité d’orientation qui les avait intéressés. Le coût des études est l’élément le plus dissuasif. 29% des jeunes déclarent avoir envisagé une autre orientation à cause du coût des études. Les jeunes femmes sont particulièrement concernées: 78% des filles ont renoncé à une orientation envisagée, contre 64% des garçons. Ce phénomène tient notamment au coût et à la durée des études : 25% des jeunes femmes renoncent à cause de la durée des études et 36% en raison de leur coût (contre respectivement 18% et 21% des jeunes hommes).
L’éloignement géographique est un motif de renoncement plus fréquent dans les communes rurales : 22% des jeunes ruraux, contre 15% de ceux habitant l’agglomération parisienne et 17% dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Enfin, 24% des enfants d’employés ont renoncé à cause de la durée des études, contre 15% des enfants de cadres.
Comment ils se renseignent ? A 80% les jeunes placent leurs parents comme leur interlocuteur privilégié pour échanger sur l’orientation. Loin derrière, le tandem professeur principal/conseiller d’orientation (PsyEN) est mentionné comme un interlocuteur au même niveau que les amis et camarades de classe et la fratrie (un élève sur trois). Sans surprise, les élèves ayant des parents cadres et de professions intermédiaires ont été nettement plus accompagnés par la famille dans la recherche d’informations que les enfants d’ouvriers ou d’agriculteurs.
Plus d’un élève sur trois a entendu parler pour la première fois de la voie ou de la filière dans laquelle il s’est orienté par un enseignant (37%). Les parents sont également une source d’information importante (25%). En revanche, les recherches personnelles, ainsi que le conseiller d’orientation sont peu à l’origine des choix (respectivement 17% et 10%).
C’est sans doute l’information la plus remarquable de l’étude : un élève sur cinq aurait aujourd’hui recours à un coach privé (payant ou associatif). Ce soutien est marqué socialement : les familles favorisées font plus appel à des coachs payants, les classes moyennes à des coachs gratuits et les familles défavorisées se passent plus souvent de coachs.
Les ressources web sont plébiscitées : 39% des jeunes ont consulté un moteur de recherche, 33% le site de l’Onisep et 26% celui de l’Etudiant. Ils sont 28% à avoir consulté une des ressources papier proposées (brochures Onisep ou l’Etudiant). Enfin l’application Folios, développée par le ministère de l’Education nationale pour permettre aux élèves d’accéder à des ressources sur l’orientation, est connue de 14% d’entre eux.
Concernant la mise en œuvre des récentes réformes portant sur l’orientation au lycée, l’enquête menée par le Cnesco auprès des chefs d’établissement montre que si l’introduction d’un deuxième professeur principal pour chaque classe de terminale a pu être mise en place dans la très grande majorité des établissements sondés (89%) dès l’année 2017-2018 en revanche, seul un tiers des établissements ont été en mesure d’appliquer les deux semaines obligatoires dédiées à l’orientation en terminale. La moitié des établissements n’ont pu organiser qu’une seule de ces semaines et, dans un établissement sur cinq, aucune semaine de l’orientation n’a été banalisée.
Quel ressenti ? Bien que critiques sur l’accompagnement à l’orientation, deux jeunes5 sur trois s’estiment satisfaits du parcours d’études qu’ils ont choisi (67 %), les jeunes qui se déclarent les plus satisfaits étant ceux qui sont toujours en cours d’étude (74%). L’arrivée sur le marché de l’emploi est une forme de désenchantement en général, mais surtout pour les jeunes confrontés au chômage : 69% de satisfaits chez les jeunes en emploi mais seulement 43% chez les jeunes sans emploi. Les jeunes pour qui l’orientation n’a pas du tout été une source de stress (78 % de satisfaits) et les jeunes qui ont obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur (75 % de satisfaits) sont plus satisfaits que les autres.
L’insatisfaction est très rare chez les enfants de cadres (du privé ou du public) : 20% contre 31% chez les enfants d’ouvriers, employés ou professions intermédiaires et 38% des élèves dont le parent est au foyer. Les jeunes les plus insatisfaits de leur orientation sont naturellement ceux qui ont renoncé à leur premier souhait d’orientation que ce soit à cause de la durée des études (41% d’insatisfaits contre 30% en moyenne) ou à cause du coût des études (38% d’insatisfaits contre 56% en moyenne).
- Le CRÉDOC a conduit, pour le Cnesco, une enquête sur un échantillon de jeunes de 18 à 25 ans. L’évaluation a été réalisée, en ligne, du 24 septembre au 13 octobre 2018 auprès d’un échantillon représentatif de 1 158 jeunes, sélectionnés selon la méthode des quotas (sexe, âge, situation vis-à-vis de l’emploi, taille de l’agglomération de résidence, niveau de diplôme). Un redressement final a été effectué pour assurer la représentativité par rapport à la population nationale des 18-25 ans.