Le tout nouveau campus « Cœur Défense » d’Omnes Education
C’est une part de marché qui s’est envolée de façon spectaculaire. Selon une étude sur L’Immobilier d’enseignement menée par le numéro un mondial du conseil en immobilier d’entreprise, CBRE (fusion de Richard Ellis et de nsignia Financial Group), l’enseignement supérieur a été à la base de 20% des transactions de grandes surfaces (plus de 5 000 m2) menées en 2021 en France (12% en Ile-de-France et 30% en régions dépassant le secteur parapublic et public). Un volume, en particulier porté par les écoles de management, qui ne devrait pas se tarir dans les années à venir tant la concurrence et rude et le développement de l’enseignement supérieur privé spectaculaire. Omnes Education vient ainsi d’inaugurer son nouveau site de La Défense. Depuis la rentrée 2022, ce sont 3 500 étudiants qui s’y retrouvent sur 13 500 m2.
Si le rythme des constructions est moins intense aujourd’hui du côté des universités, où la priorité est désormais donnée à la rénovation des bâtiments plutôt qu’à la construction, leur stratégie immobilière reste cruciale comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport définitif sur « L‘immobilier universitaire. Du défi de la croissance à celui du transfert de propriété ». Ses auditeurs y expliquent notamment que le patrimoine immobilier est un « facteur stratégique pour l’insertion des universités dans leur territoire et un élément central pour l’accueil des étudiants et l’exécution des objectifs scientifiques », tout en soulignant qu’il est « au cœur de la question de l’autonomie des universités ».
L’attractivité des centre villes. Toujours dans son étude le CBRE note que « la prime est accordée à la centralité, qui permet d’être plus proche des centres économiques, à proximité des entreprises, et au cœur d’un environnement urbain vivant procurant un sentiment de sécurité. C’est bien dans cette logique que le groupe Ionis est aujourd’hui implanté dans les centres-villes de Strasbourg, Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux et Paris mais aussi Genève pour l’ISG Luxury Management. Avec également une logique d’hybridation. « Nous ouvrons en 2022 un campus de 5000 m2 à Nice où se retrouvent plusieurs de nos écoles dont les ouvertures de l’Iseg et de E-Art Sup. Cette capacité à mixer les écoles, les expériences, est au cœur de notre projet. Les étudiants de nos écoles sont amenés à travailler dans des groupes pluridisciplinaires », commente son président et fondateur, Marc Sellam.
La course vers Paris. Dans leur analyse les experts du CBRE notent tout l’intérêt que les écoles de région ont à s’implanter à Paris ou dans la banlieue proche. Avant Omnes Education les deux implantations les plus spectaculaires de ces deux dernières années – chacune sur plus de 15 000 m2 – ont été celles de Skema en 2021 puis de l’EM Normandie en 2022 à Clichy. « Nous avons la chance de pouvoir bénéficier d’une architecture conçue à la base pour des bureaux mais pensée comme un campus. Clichy est au cœur du développement du Grand Paris, tout près de la nouvelle cité judiciaire. Nous avons eu un vrai coup de cœur pour ce quartier plus humain, plus chaleureux. Nous allons nous impliquer avec la mairie qui a de grands projets pour la ville et est ravie de voir arriver 3 000 étudiants, qui contribueront à dessiner le futur », confie le directeur général de l’EM Normandie, Elian Pilvin.
La Défense nouveau lieu universitaire ? C’est un campus emblématique dans un environnement qui pourrait devenir de plus en plus dédié à l’enseignement supérieur : OMNES Education s’est installé à La Défense à la rentrée 2022. Le groupe aux 40 000 étudiants y accueille depuis la rentrée 2022 cinq de ses écoles dont l’ESCE, HEIP (Hautes études internationales et politiques) et l’IFG Executive Education.
Elles y rejoignent ainsi le Pôle Léonard de Vinci, l’Iéseg, l’ICN, Paris-Dauphine ou encore l’EDC toute proche dans un environnement de bureaux très porteur aujourd’hui. Beaucoup de bureaux ont en effet été désertés par les entreprises. Si les loyers ne baissent pas les exploitants immobiliers acceptent aujourd’hui des franchises de loyers. « Trois ans pour l’ICN sur ses neuf ans de bail que nous avons avec BNP Paribas mais nous payons les charges », explique Florence Legros, la directrice de l’ICN qui y a ouvert son nouveau campus parisien à la rentrée 2022 : « Nous étions déjà à La Défense mais nous avons eu là l’opportunité de passer de 2 000 à 8 000 m2 pour y recevoir des étudiants dont les effectifs sont en train d’exploser, que ce soit en programme Grande école ou en bachelor. Il reste à y créer des équipements dédiés pour les étudiants comme un restaurant universitaire ».
De nouveaux campus partout en France. Si Paris attire les écoles de région, les écoles se développent de plus en plus sur des campus sur tout le territoire. OMNES Education ouvrira ainsi à la rentrée 2023 un nouveau campus de 3 000 m² au cœur de Rennes. D’ici 3 ans, ce sont 2000 étudiants en cursus bachelor et master, dans 4 écoles du Groupe, l’INSEEC, l’ECE, Sup de Pub et HEIP, qui y seront reçus avec une « vraie logique de complémentarité de l’offre et de passerelles entre les différentes filières : communication, ingénierie, management, marketing, et sciences politiques ». Même logique du développement sur tout le territoire du coté de l’Essca comme l’analyse son directeur général, Jean Charroin : « Nous avons fait le choix du multi-campus plutôt que du multi programme – 90% de nos étudiants sont dans deux programmes, le PGE et le bachelor -, afin d’assurer la meilleurs organisation possible ». Après Strasbourg cette année l’Essca poursuit le développement de ses campus en s’implantant en Espagne, à Malaga.
Ces nouveaux bâtiments sont souvent financés par des collectivités qui voient un vrai intérêt à voir s’installer ces écoles. Sciences Po a ainsi essaimé au Havre, Dijon, Nancy, Poitiers, Reims et même Menton en obtenant des financements locaux. A Troyes le nouveau campus de 4 400 m² que vient d’ouvrir l’ESTP a ainsi été financé à hauteur de 9,4 millions par le Département de l’Aube et 6,6 millions par la région Grand Est et la Métropole Troyes Champagne. Mais quelle pérennité ont certains de ces campus quand les coûts d’entretien et d’énergie explosent sans que les collectivités mettent la main à la poche ?
Construire et… rénover. La question du maintien de la qualité des infrastructures immobilières est depuis longtemps un sujet particulièrement épineux pour les universités. Pour la Cour des Comptes les universités ne disposent en effet « pas des moyens de remplir leur obligation d’entretien, tant le financement de l’immobilier universitaire reste défaillant ». Les moyens accordés pour l’entretien courant, comme pour le gros entretien renouvellement (GER), sont même « inférieurs au niveau requis pour maintenir le patrimoine en état ». Dans leur rapport les experts de la rue Cambon soulignent donc que l’État, très majoritairement propriétaire de ces biens immobiliers (82% des 18 millions de m2 de locaux, dont 78% sont consacrés aux activités d’enseignement ou sportives), doit faire face à « l’indispensable remise à niveau de ce patrimoine dont un tiers est dans un état peu ou pas satisfaisant et qui ne répond que rarement aux besoins de sobriété énergétique ».
Dans ce contexte les auditeurs se félicitent que les universités aient « pris la mesure de l’enjeu d’une gestion efficace de l’immobilier, tant du point de vue financier que des conditions d’études et de recherche, et ont progressé dans l’appréhension d’un domaine dont la technicité leur a été longtemps étrangère ». Toutefois, le chemin à parcourir « reste long » notamment car « les systèmes d’information choisis par les universités sont difficilement compatibles avec ceux développés par l’État ». Il en résulte des « lourdeurs pénalisantes dans la gestion des données ». De plus les postes les plus techniques peinent à être pourvus, en raison notamment de la concurrence d’autres acteurs, privés ou publics.
Grâce aux financements des contrats de plan État régions (CPER) ou de programmes exceptionnels, comme le Plan Campus ou le Plan de relance, la priorité est désormais donnée à la rénovation des bâtiments plutôt qu’à la construction. La Cour des comptes estime que cet effort n’est toutefois « pas suffisant pour remettre à niveau un parc immobilier dont plus du tiers est dans un état pas ou peu satisfaisant et dont 10 % de bâtiments recevant du public n’obtiennent pas l’agrément des commissions de sécurité ». De plus la performance énergétique d’ensemble est « médiocre, alors même que ce poste de dépense est croissant du fait des augmentations tarifaires et du développement du numérique ».
Des bâtiments spécifiques. De plus en plus d’architectes se spécialisent dans les bâtiments universitaires comme le Cabinet Jean-Pierre Lott qui vient d’ouvrir le « Studium » de l’université de Strasbourg et le nouveau campus de l’ESTP (École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie) à Troyes. On doit à l’agence Patriarche le Campus Condorcet, un bâtiment de l’université de Lausanne et maintenant le projet de nouveau campus de Neoma à Reims. Qui bénéficiera de l’expérience de son récent campus parisien comme l’explique sa directrice générale, Delphine Manceau : « C’est une grande chance de construire ce nouveau bâtiment après avoir testé de nombreuses idées sur notre campus parisien. Chaque jour nous pouvons observer quels espaces sont pleinement appropriés par les étudiants et, à l’inverse, quels endroits sont peu utilisés. Nous pouvons ainsi comparer les usages que nous avions imaginés et ce qui se déroule vraiment ».
Les bâtiments universitaires ont en effet des caractéristiques très spécifiques. Classés à la fois ERP (établissements recevant du public) et EICSP (équipements d’intérêt collectif et services publics) ils doivent répondre à des cahiers des charges très stricts. Pour emménager dans un immeuble de bureaux à Puteaux, l’EDC a ainsi dû bâtir un nouvel escalier extérieur. A La Défense l’ICN a même dû réfléchir à l’acoustique de ses nouveaux locaux. Mais ces contraintes semblent faibles comparées aux avantages que l’enseignement supérieur semble apporter à l’immobilier d’entreprise. Comme le souligne l’étude de CBRE, « les écoles présentent, en tant que preneur, des atouts non négligeables pour les bailleurs : ce sont des locataires pérennes, s’engageant généralement sur des durées plus longues que les preneurs bureaux et souvent en pré-commercialisation. Enfin, c’est une activité résiliente et contracyclique ».
- Le ministère de l’Enseignement supérieur estime à 7 Md€ le coût de réhabilitations du patrimoine universitaire, dont 75 % serait en lien avec la transition énergétique et
environnementale France Universités, pour sa part, porte cette estimation à 15 Md€.