A l’initiative avec l’APHEC (L’association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales) d’une campagne de promotion des classes prépas, Alice Guilhon, la présidente de la Cdefm (conférence des directeurs d’écoles françaises de management) et directrice générale de Skema business school, revient sur les enjeux à relever pour ce cursus « made in France ».
Comment expliquez-vous la baisse des effectifs dans certaines classes prépas ?
Alice Guillon : L’enseignement supérieur a longtemps vécu dans un monde bien tranquille, protégé et qui faisait peu parler de lui. Et puis une multiplicité d’acteurs a fait son entrée sur ce que l’on peut aujourd’hui appeler un marché. De plus en plus de jeunes – plus de 400 millions par an à l’échelle internationale -, font des études supérieures d’au moins cinq ans. Une aubaine pour des investisseurs qui gagnent de l’argent sur la durée. Avec l’arrivée massive d’acteurs privés, on a assisté à une ouverture du secteur à des programmes divers et variés plus ou moins légitimes. La France est le seul pays à avoir des classes prépas. C’est un parcours atypique, performant et qui a fait la renommée des Grandes écoles. Mais, aujourd’hui, ce modèle disparaît au milieu d’un océan d’offres et de formations. Par ailleurs, les Grandes écoles ont été créées par des chambres de commerce, qui ont aujourd’hui moins d’argent pour les financer. Conséquence : les écoles trouvent des solutions en proposant notamment de nouveaux cursus, tels que des bachelors, des masters spécialisés, etc.
Est-ce à dire que les classes prépas devraient se réformer ?
A.G. : Il faut surtout essayer de comprendre où en sont les élèves. C’est ce qui nous a motivé à réaliser une enquête, avec le CDEFM, auprès d’étudiants en classes prépa et d’ailleurs, de lycéens en première et terminale et de leur famille. Il en ressort que dans l’esprit des gens, la prépa demeure une formation solide, une voie d’élite et d’excellence. Mais, c’est aussi synonyme de souffrance et de renoncement. Or, les jeunes ne veulent plus renoncer au sport, à leurs amis, à leur week-end, à la musique… D’autant que pour intégrer les Grandes écoles, d’autres voies existent. La question qu’ils se posent, c’est : pour faire carrière, suis-je obligé de passer par une prépa et une grande école ? De fait, ce modèle s’est dilué au sein d’une concurrence saine et une multiplicité d’offres qui pour beaucoup mènent à une très bonne intégration professionnelle.
Le problème, c’est que de fausses idées sur les prépas circulent et que les diplômes qui sont censés les concurrencer reposent sur un modèle très différent. Les bachelors, par exemple, ce sont des programmes professionnalisants et spécialisés (marketing, IA…). Rien à voir avec un programme généraliste qui forme des Grandes classes dirigeantes. Cela dit, certaines choses sont quand même à revoir, comme le concours, trop long et trop dur. Il faut le simplifier et le limiter à une ou deux épreuves par matière. L’enjeu aujourd’hui, c’est de rendre plus attractives les classes prépas sur le plan de leur contenu et de leur mode de fonctionnement sans changer ce qui en font leur valeur. Le message à faire passer aux étudiants, c’est que quand on intègre une prépa, l’objectif, ce n’est pas de réussir un concours, mais d’intégrer une école qui leur permettra de réaliser leur rêve.
Est-ce que les classes prépas devraient davantage communiquer ?
A.G. : Absolument. D’autant plus que nous ne l’avons jamais fait jusqu’à présent – comme je l’ai dit plus haut, nous n’en avions pas besoin car il n’y avait pas de concurrence au cursus prépa / grande école – alors que, de leur côté, les acteurs privés ont beaucoup communiqué pour vendre leur programme. Depuis quinze ans, les jeunes sont inondés d’informations et de campagnes de communication sur une pléthore d’écoles. Dans le même temps, certaines personnes n’ont jamais entendu parler des classes prépas, notamment dans les petites villes. Conséquence : elles sont de plus en plus réservées à l’élite. Il nous faut donc mieux communiquer mais aussi mieux expliquer nos spécificités et nos valeurs ajoutées : aujourd’hui encore, les Grandes entreprises françaises préfèrent embaucher un jeune passé par une prépa et une grande école. Pour répondre à ces enjeux, nous avons lancé fin novembre une campagne de communication sur les réseaux sociaux – Insta, Tik Tok – afin de réexpliquer aux lycéens et à leurs parents ce que sont les classes prépas, ce qu’on y trouve et que ce modèle est loin d’être un monde de privation et de souffrance.