Comme Burt Lancaster l’explique dans « Le Guépard » on a parfois l’impression que la future loi sur l’enseignement supérieur est en mode « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Des mois d’Assises, de négociations serrées, de contributions calibrées aboutissent à une loi qui ne devrait pas changer grand-chose. Logique quand on travaille dans le consensus.
Préserver l’autonomie
La communauté académique est au moins d’accord sur un point : il faut préserver l’autonomie. « Notre pays doit faire le pari de soutenir des universités pleinement autonomes, car c’est, partout dans le monde, la condition de leur dynamique », rappellent ainsi Jean-Loup Salzmann, Gérard Blanchard et Khaled Bouabdallah, présidents et vice-présidents de la CPU, dans une tribune publiée par Le Monde.
Dans son étude économique 2013 portant sur la France parue cette semaine, l’OCDE rappelle elle que « malgré la loi LRU, le système universitaire reste parmi les plus contraints en Europe ». Selon l’Association européenne des universités les universités françaises arrivent ainsi à la dernière place pour l’autonomie de l’enseignement en Europe, à l’avant dernière pour la gestion financière et dans la moyenne pour leur organisation.
Que vont donner les débats à l’Assemblée ?
Beaucoup aiguisent aujourd’hui leurs couteaux dans les arrières cours de l’Assemblée nationale pour faire évoluer le projet de loi dans leur sens. Si le document publié la semaine dernière par Terra Nova en a rassuré plus d’uns sur la volonté des socialistes de préserver l’autonomie et la gouvernance, beaucoup d’autres craignent qu’une vision trop « égalisatrice » prédomine. Que dans un de ces coups de barre dont la France a le secret nous passions d’une vision d’excellence à une autre de stricte égalité qui oublie les spécificités historiques d’universités qui sont tout sauf égales. Qu’un cadrage national des diplômes à la mode Unef s’impose au mépris de l’autonomie. Que l’État reprenne ce qu’il a peine donné.
« Le projet de loi redonne tout son rôle à l’Etat stratège et définit une stratégie nationale de la recherche visant à répondre aux grands défis sociétaux et technologiques du XXIème siècle en harmonie avec l’Europe », défend ainsi Geneviève Fioraso. Fatigués des débats sans fin, plus d’un directeur d’université et de grande école aimerait que la loi soit votée en l’état. Avec ses imperfections mais aussi un certain point d’équilibre. La ministre espère elle simplement qu’elle soit votée « avant la fin de la session parlementaire ».
La question des moyens
Ces dernières semaines les syndicats ont commencé à faire entendre leur voix en demandant des moyens supplémentaires. Un sujet qui n’est pas celui d’une loi qui n’est pas, la ministre l’a rappelé, une « loi de programmation ». Et d’insister : « Le contexte budgétaire ne permet pas de répondre immédiatement aux préoccupations des universités dont les budgets se sont dégradés depuis un passage mal accompagné à l’autonomie » (lire aussi ci-dessous).
L’OCDE estime elle que « le relèvement des droits d’inscription est difficilement contournable si l’on souhaite améliorer la qualité du système universitaire » et souligne que le montant des dépenses par étudiant dans les universités est inférieur de 36% à ceux des STS et de 50% des CPGE. La présidence de la CPU renchérit en estimant que le « système universitaire reste très largement sous-financé par rapport à ceux d’autres nations » et demande que l’ambition d’intérêt général de l’université « impose la garantie d’un investissement financier de long terme ». Pas sûr qu’elle soit entendue…
Olivier Rollot (@O_Rollot)