Florence Dufour, la présidente de l’UPES, avec René Siret, le directeur de l’ESA et le directeur des ressources humaines de l’ESA, Olivier Jouin, qui présentent leur expérimentation de gestion des personnels seniors
La question de la gestion des seniors est particulièrement importante dans l’enseignement supérieur, en voie de suivre une crise démographique de grande ampleur comme l’établissent des études du MESR et de l’association patronale Upes. « Nous sommes affectés par les départs à la retraite même si nous avons deux fois plus de salariés de 60 à 70 ans que l’ensemble. Le sujet est maintenant de les occuper intelligemment en profitant de leur expérience tout en permettant à cette expérience de passer aux autres salariés », résume Florence Dufour en amont du colloque « Journée de prospective sociale : les expérimentés et seniors » que l’association patronale qu’elle préside organisait le 14 mars au sein de l’ISC Paris.
L’état des lieux
Même en tenant compte de la récente réforme qui les repousse quelque peu, les départs en retraite de l’ensemble des enseignants titulaires de l’enseignement supérieur augmenteraient de 42% entre 2022 et 2030 – principalement en raison d’effets démographiques – selon la note du SIES Les départs en retraite des enseignants titulaires des EPSCP augmenteraient de près de 40% entre 2022 et 2030. La hausse atteindrait même 50% pour les enseignants-chercheurs (EC) alors qu’elle se limiterait à 17% pour les enseignants du second degré affectés dans l’enseignement supérieur (ESAS). D’où un double défi de recrutement et de nécessité de conserver les seniors. Et notamment les enseignants-chercheurs qui partent en retraite pour une forte proportion après l’âge d’ouverture des droits.
De même la pyramide des âges des salariés de l’Upes, l’Union professionnelle de l’enseignement supérieur privé fondée par quatre fédérations reconnues d’établissements d’enseignement supérieur (Fesic, Udesca, Ugei et Unfl) il y a maintenant dix-huit mois, est très différente de celle de l’ensemble des salariés. Les salariés de plus de 60 ans sont en effet surreprésentés avec 12% des salariés contre 6% dans la population active française. Beaucoup travaillent jusqu’à la limite des 70 ans avec une sur représentation des seniors chez les enseignants-chercheurs.
« La majorité des stéréotypes que nous avons sur les seniors sont en train de devenir parfaitement faux et risquent de nous noyer dans des choix de gouvernance qui pourraient être délétères », stigmatise Florence Dufour qui note que, « le niveau de salaire n’est pas forcément un frein pour des seniors qui ont les moyens de redémarrer une carrière ». De plus ils gèrent de mieux en mieux les moyens informatiques et même les réseaux sociaux. Quant à leurs problèmes de santé ils « sont contrebalancés par les soucis de début de carrière, recherche d’appartement, unions, enfants qui arrivent parfois avec des problèmes ».
Retours d’expériences
La question de l’emploi des seniors est de plus en plus importante dans les entreprises, de par la réforme des retraites, de par les courbes démographiques mais aussi de la nécessité de maintenir les compétences. « Dans les années 2010 EDF a réalisé un large plan de départ à la retraite de ses seniors. Seulement dix ans après quand il s’agit de relancer la filière nucléaire elle se rend compte que les soudeurs, tous recrutés dans les années 70-80 et qui prennent près de dix ans à être parfaitement formés, sont tous partis et elle doit leur demander de revenir », établit Sibylle Le Maire, directrice déléguée du groupe Bayard en charge du développement.
En avril 2023 le groupe Safran a signé un accord sur l’emploi des seniors. « Nous voulons adapter une deuxième voire une troisième partie de carrière alors que nous avons toujours su maintenir les salariés en emploi jusqu’à la date de retraite qu’ils choisissent », explique Vincent Mackie, le directeur des ressources humaines d’une entreprise qui compte aujourd’hui 32% de seniors et vise d’atteindre 35% de plus de 50 ans. Parmi ses salariés. L’accord prévoit également que la cessation d’activité soit progressive à partir de l’âge choisi par le salarié.
Une expérimentation à l’ESA
L’ESA, école d’ingénieurs des agricultures d’Angers, a justement expérimenté des dispositifs de fin de carrière alors que plus d’un cinquième de son personnel a plus de 55 ans, soit 60 personnes avec une ancienneté moyenne de 13 ans. « Nous avons travaillé sur une équipe d’une vingtaine de personnes d’une moyenne d’âge de 52 ans en définissant six enjeux dont le premier a été la capitalisation des compétences puis de maintenir les enjeux professionnels », explique Olivier Jouin, le directeur des ressources humaines du groupe ESA.
Certains ont également parlé d’un effet de lassitude à enseigner quand d’autres, au contraire, tiennent à continuer à enseigner. Autres sujets : des difficultés de santé contraignant à ralentir le rythme de travail, les rémunérations et la possibilité de bénéficier d’une retraite progressive. L’école travaille également sur le suivi des réseaux professionnels qui peuvent totalement disparaitre lors du départ d’un enseignant-chercheur. « C’est un sujet de transmission sur lequel nous devons aujourd’hui travailler dès l’embauche, comme le niveau en anglais », établit René Siret, le directeur de l’ESA.
- L’Upes va adhérer à la charte Acte 50+ et aux quatre indicateurs associés pour gérer l’activité des seniors créés par le Club Landoy et le groupe L’Oréal en 2022. Initié par le groupe Bayard en 2019 le Club Landoy comprend près de cinquante entreprises d’Axa à Siemens en passant par Legrand ou Ikea qui « veulent faire du vieillissement de la population – 50 % de la population européenne aura plus de 45 ans en 2035 – une chance civilisationnelle ».