Marie-Christine Chalus (Photo D. Venier, Université Jean Moulin Lyon 3)
Les instituts d’administration des entreprises sont les écoles de management des universités mais pas pour autant des écoles de management comme les autres. Entretien avec Marie-Christine Chalus, présiddente du réseau IAE FRance et directrice générale d’IAE Lyon.
entendent plus que jamais cultiver leur différence au sein des universités tout en s’appuyant sur elles. dans cet entretien.
Olivier Rollot : Vous-même directrice générale du plus important IAE de France, à Lyon, vous venez d’être élue présidente du réseau IAE France. Quels sont les grands axes que vous comptez mettre maintenant en œuvre pour développer encore plus les IAE ?
Marie-Christine Chalus : Nous travaillons dans la continuité d’une équipe dont je faisais déjà partie avec trois grands axes stratégiques que nous avons définis aussi bien avec les directions des IAE que les présidents de leurs conseils qui sont des membres influents de la sphère socio-économique. L’ouverture sur le monde socio-économique est au cœur du projet des IAE.
Notre premier axe est de continuer à promouvoir le modèle des IAE et leur influence dans cet écosystème. C’est notre vraie singularité que de défendre un modèle d’école de management publique qui cultive l’excellence. Cette année nous avons d’ailleurs demandé à nos étudiants d’exprimer les mots qui nous caractérisaient le plus et, dans le nuage de mots ainsi constitué, c’est « excellence » qui ressortait le plus.
Or nous avons, par nature, tendance à ne pas nous mettre en avant. Il va falloir que nous fassions mieux savoir cette excellence et, par exemple, l’avantage qu’il y a pour les IAE à faire partie de grands campus universitaires. Faire partie d’une université c’est bénéficier de ses services sportifs, culturels, de ses espaces et aussi de pouvoir échanger avec des experts dans leur domaine. C’est un aspect différenciant que nous avons avec les écoles de management non universitaires alors que nos diplômés ont une très bonne insertion professionnelle et de très bons salaires. Tout cela nous devons l’affirmer encore plus.
Enfin nous travaillons tous ensemble pour la réussite de nos 53 000 étudiants en proposant à chaque IAE des boites à outil pour réussir ses accréditations, accompagner des compétences, sélectionner, se former aux IA, etc. Nous voudrions également créer une cartographie de nos contributions scientifiques. La constitution d’un référentiel responsabilité sociale et environnementale (RSE) est bien avancée avec des entreprises comme Leroy Merlin, L’Oréal ou Hermès. La recherche est d‘ailleurs un point central que nous voulons renforcer en organisant par exemple une conférence scientifique des IAE consacrée aux questions de transition. Nous voulons retrouver notre rôle de think tank en nous appuyant sur nos nombreux experts. Nous avons d’ailleurs déjà bien travaillé à la mise en place d’un baromètre de l’emploi.
O. R : Vous y avez déjà largement répondu : les IAE sont-ils des écoles de management comme les autres ? Moins chères que les écoles privées mais toutes aussi efficaces pour trouver un emploi ?
M-C. C : Les IAE ne sont pas des écoles de management comme les autres. Nous sommes quasiment les seules écoles de management publiques et nous répondons à la nécessite de pouvoir proposer à tous les jeunes des études de qualité. Nous jouons un rôle social fort !
O. R : Tous les IAE ne recrutent pas au même niveau. Où en est le projet de création d’une sorte de « licence IAE » spécifique pour ceux qui veulent recruter leurs étudiants dès le bac ?
M-C. C : Dix-neuf IAE, la moitié donc, recrutent leurs étudiants dès le bac. C’est une diversité qui répond à une logique territoriale. Par exemple l’IAE de Lyon est situé sur un territoire large et très riche qui lui permet d’avoir une offre de formation complète. D’ailleurs 67% de nos diplômés restent dans la région après leurs études.
Le projet de licence IAE spécifique que vous évoquez est toujours en cours de réflexion. Nous souhaitons ainsi apporter une contribution aux IAE qui veulent se lancer dans un projet de création de licence de gestion alors que certains proposent aujourd’hui des licences en économie-gestion. Nous serions de toute façon sur un modèle très sélectif avec des enseignements plus larges, en culture générale, droit ou encore en géopolitique en première année avant une deuxième année de spécialisation avec des majeures en marketing, contrôle de gestion, analyse financière, etc.
O. R : On parle aujourd’hui de la réforme du financement de l’apprentissage, à la baisse. Est-ce que cela va beaucoup vous toucher sachant que vos frais de scolarité sont de toute façon très bas ?
M-C. C : 30% de nos étudiants sont apprentis mais l’alternance existait déjà chez nous bien avant que les aides voient le jour. S’il y a des réductions des financement nous ne serons pas les premiers touchés au contraire d’écoles qui ont été créées grâce à ces dispositifs. Nous anticipons donc une baisse mais qui ne devrait pas trop nous affecter.
Vous évoquez nos frais de scolarité, qui sont effectivement assez bas en licence, mais l’apprentissage ne sert pas qu’à financer ses études. Il faut aussi que nos alternants puissent payer leur logement et ils ont besoin de financement pour être en centre-ville.
O. R : On parle aujourd’hui de la réforme du financement de l’apprentissage, à la baisse. Est-ce que cela va beaucoup vous toucher sachant que vos frais de scolarité sont de toute façon très bas ? : Aujourd’hui tous les IAE sont membres d’IAE France ? On sait que cela n’a pas toujours été le cas. Et d’ailleurs une université peut-elle créer un IAE sans votre accord ?
M-C. C : Tous les IAE sont aujourd’hui membres d’IAE France et notre réseau devrait encore grandir : sept à huit universités veulent créer de nouveaux IAE et nous demandons pour cela le respect de critères très stricts. Ce qui caractérise en effet un IAE membre d’IAE France c’est de garantir un niveau de qualité, en étant labellisé Qualicert, et de faire passer le test Score IAE-Message à ses futurs étudiants.
O. R : N’avez-vous pas le sentiment que, parfois, les IAE sont, sinon mal aimés, du moins peu considérés par leur université de tutelle ?
M-C. C : Les conditions sont différentes d’un IAE à l’autre d’autant que nous sommes tous élus et que les rapports peuvent évoluer d’une élection à l’autre. L’article 713-9 du Code de l’éducation qui régit notre activité nous protège quelque peu de mouvements de balanciers trop brusques. Et si un IAE est mal traité par sa tutelle nous avons tout un vade-mecum à sa disposition pour l’aider. Notre intérêt mutuel est que tout se passe bien : nous sommes une source de financement d’universités qui nous apportent aussi beaucoup. Mais si on nous prend toutes nos ressources on nous coupe les ailes. Ce juste équilibre à trouver est d’ailleurs débattu dans les business schools universitaires partout dans le monde. C’est normal que nous reversions une partie de nos revenus à notre université pour qu’elle puisse développer d’autres projets mais elle doit bien prendre garde à ne pas nous asphyxier.
O. R : Où en sont les IAE de leur volonté d’intégrer la Conférence des Grandes écoles (CGE) au même titre que les Sciences Po par exemple ?
M-C. C : Nous sommes toujours en communication avec la Conférence des Grandes écoles. Qu’est-ce qu’être une Grande école ? En termes d’employabilité, d’échange ou de réseau nos chiffres d’insertion montrent notre qualité.
O. R : Parlons plus spécifiquement de l’IAE Lyon. Vous venez de présenter un nouveau plan stratégique. Quelles sont ses grandes lignes dans une ville où la concurrence semble exacerbée ?
M-C. C : Je ne ressens pas de forte concurrence et d’ailleurs nos effectifs – 7 000 étudiants – ne baissent ni en nombre ni en qualité. Vous vous en doutez notre stratégie est proche de celle que nous développons avec l’ensemble des IAE. Ce que nous voulons c’est former des jeunes dans un monde anxiogène qu’ils ne doivent pas avoir à subir. Nous formons des managers des transitions qui vous pouvoir apporter leurs compétences à toute la société.
O. R : Certains étudiants de disent démoralisés devant l’émergence d’IA qui feraient tout mieux qu’eux. Que leur dites-vous ?
M-C. C : Chaque enseignent est maitre de sa pédagogie et ils sont très demandeurs de formation aux IA pour rester en phase avec leurs étudiants. Avec l’association Aunege (Association des Universités pour le développement de l’enseignement Numérique en Économie et Gestion) nous allons d’ailleurs construire une revue de littérature sur les IA et la recherche.
Les jeunes doivent apprendre à travailler avec les IA pour donner du sens à un outil qui assurera leur employabilité. Nous allons aussi créer des diplômes pour entrainer les IA. Il faut aussi être attentif aux métiers qui vont apparaitre et disparaitre avec les IA. Nous sommes là pour former les esprits de nos étudiants.
O. R : L’expérience étudiante revêt une importance de plus en plus forte dans beaucoup d’établissements d’enseignement supérieur. Comment la développez-vous ?
M-C. C : La base de notre mission est de délivrer des cours sources d’employabilité et de qualité. Après il nous faut proposer également des expériences permettant à nos étudiants de s’engager et de s’ouvrir à d’autres sujets. Nous organisons par exemple de nombreuses conférences pour qu’ils rencontrent des océanographes, des plasticiens, des philanthropes, etc. Tous nos étudiants sont également engagés dans des associations étudiantes. Notre Junior entreprise, dont je suis particulièrement fière, compte ainsi 30 membres.
Toutes ces associations je les rencontre cinq fois par an autour de ce que nous avons appelé le « dean’s lunch », un moment de convivialité pour leur permettre d’échanger avec les personnes responsables. Notre service communication possède également une personne dédiée au soutien des initiative étudiantes en plus d’une autre à la direction. Et j’essaye également d’être le plus souvent présente à tous les événements organisés par nos étudiants.