HEADway Strategy est la branche de conseil en stratégie du cabinet HEADway Advisory. Stratégie de développement, performance et organisation, due diligence, branding, impact environnemental, elle intervient sur de nombreux sujets. Chaque mois nous vous proposons de retrouver un de ses domaines d’expertise.
En France, ESCP signe en octobre 2024 dernier un partenariat avec OpenAI pour développer et améliorer l’offre ChatGPT Edu dont l’école bénéficiera dans le but d’optimiser ses propres outils internes. « Nous comptons en particulier améliorer la personnalisation de l’expérience étudiante mais aussi stimuler la créativité de nos chercheurs ou encore optimiser nos processus administratifs », détaille Leon Laulusa, directeur général de l’ESCP. En plus de proposer un futur cursus et cours spécialisés sur le sujet de l’IA, l’école veut changer ses manières d’apprendre et d’enseigner en intégrant l’IA de manière responsable. En modifiant à la fois la sphère académique, et la gestion de l’établissement, est-ce un changement de paradigme que nous propose cette révolution technologique ?
Aux Etats-Unis, les écoles de la Ivy League, le groupe de huit universités privées d’élite de la côte Est, reconnues pour leur excellence académique, leur sélectivité et leur influence mondiale, ont développé un algorithme de machine learning. En partenariat avec Google Cloud, il leur permet de gérer 12 millions de points de données issus des interactions étudiantes avec leur plateforme d’apprentissage en ligne. Après une analyse de ces données par ce système intégrant de l’intelligence artificielle, l’algorithme permet de prédire les résultats à l’examen des étudiants à la fin du module de cours suivi avec 60% à 70% d’exactitude dès la deuxième semaine de cours du semestre.
L’enseignement supérieur génère une quantité exponentielle de données
Qu’elles soient académiques ou non académiques, les données académiques sont émises tout au long du parcours d’apprentissage : performances académiques des étudiants, parcours pédagogiques, interactions sur les plateformes numériques internes, enquêtes de satisfaction, résultats… Elles offrent des opportunités pour mieux répondre aux besoins éducatifs des étudiants. Massifier l’impact de l’apprentissage, tout en individualisant l’accompagnement pédagogique, en proposant sans effort un “formative feedback”, telle est la promesse révolutionnaire de l’intelligence artificielle dans le monde l’enseignement.
En coulisse, de nombreuses données non académiques, issues de la gestion administrative et organisationnelle, sont émises dans le cadre des processus qui soutiennent l’apprentissage : inscriptions, planification des ressources, occupation des locaux… Elles jouent un rôle tout aussi crucial pour le fonctionnement des établissements. Du fait de leur volume, et parfois du manque de moyens alloués à leur utilisation, ces deux types de données, aujourd’hui en grande majorité numérisées, restent souvent sous-exploitées par les établissements. Il ne fait plus de doute que les processus de gestion et d’analyse des données constituent de véritables enjeux pour les écoles, soucieuses de l’efficacité de leur structure ainsi que de la satisfaction de leurs étudiants.
L’intelligence artificielle constitue un levier puissant pour valoriser ces données et transformer l’ensemble de la chaîne de valeur éducative.
Auprès des étudiants, les écoles voudraient renforcer progressivement leur utilisation de l’adaptative learning en intégrant l’IA pour personnaliser le contenu pédagogique et adapter les méthodes d’apprentissage en fonction des besoins, du rythme et du niveau de chaque étudiant. D’après Harvard Digital Initiative, l’adaptive learning permettrait d’améliorer de 40% des performances des étudiants aux tests. En parallèle, exploiter les données académiques à l’aide de l’IA pourrait en faire un outil prédictif dans la mesure où il permettrait de détecter les étudiants faisant face à des situations de décrochage scolaire et de leur proposer des solutions comme le coaching par assistant virtuel « augmenté » par l’IA. Par exemple, l’IA peut détecter systématiquement les élèves n’ayant pas suivi à plus de 80% leur module d’apprentissage en ligne pour chacun des cours suivis par l’étudiant et alerter automatiquement les professeurs afin que ceux-ci prennent les mesures adaptées. Elle peut également se servir des données liées aux absences recensées, analyser leur fréquence et alerter le corps professoral en cas de risque de décrochage.
Sur le plan administratif, l’IA optimise la gestion interne des établissements en facilitant la réalisation de tâches complexes telles que la planification des emplois du temps ou le recrutement des étudiants. Mais les perspectives ouvertes par l’IA ne doivent pas être confondues avec la question de l’automatisation des tâches répétitives, qui a encore de nombreux défis à relever dans les établissements du supérieur. Une enquête de UiPath de 2021, entreprise leader en Automatisation Robotisée de Processus (RPA), montre que le personnel administratif consacre 4,5 heures par jour à des tâches répétitive sans valeur ajoutée, tous secteurs confondus. C’est un enjeu de productivité que les écoles cherchent encore à résoudre.
La charge administrative des enseignants
Si l’adoption de l’IA par les étudiants est massive, elle est moins intuitive pour les enseignants. Alors que le temps passé à accomplir des tâches administratives reste important malgré la numérisation des données, l’utilisation de l’IA pourrait pourtant leur permettre d’économiser entre 30 à 60% du temps dédié à la correction des tests – selon une étude de 2023 d’un éditeur de plateforme, et réduire au global leur charge de travail de 20% à 40% selon une étude de McKinsey & Company de 2020. Coursera, entreprise numérique proposant des formations en ligne ouverte à tous, propose aux enseignants un accompagnement personnalisé pour les épauler dans l’élaboration de leurs cours à travers son outil Coursera Chatgpt plugin.
Le cabinet HEADway, en mettant à profit sa connaissance des processus métiers des établissements, a identifié plusieurs fonctions qui méritent d’être repensées avec le prisme des possibilités techniques offertes par l’intelligence artificielle. Au-delà des activités d’évaluation, d’autres tâches, comme le recrutement des étudiants ou des enseignants, représentent avec l’IA une opportunité de réduction significative du “temps enseignant”, au bénéfice de l’enseignement et de la recherche.
Mais quelles sont les conditions pour implémenter durablement l’IA dans le cœur d’un établissement ?
Pour une utilisation de l’IA au service d’une expérience apprenante réussite, les établissements doivent adopter une approche stratégique et structurée. La première étape consiste à mettre en place une gouvernance des données solide, garantissant une collecte et une gestion éthique, sécurisée et conforme aux réglementations comme le RGPD. Parallèlement, il est essentiel d’avoir une infrastructure technologique adaptée, capable de centraliser les données et d’intégrer la solution d’IA aux systèmes existants (serveur ou base de données, LMS, système de gestion…). Une formation ciblée des enseignants, administrateurs et étudiants est également cruciale pour s’assurer qu’ils maîtrisent l’utilisation de la solution et comprennent ses implications. Enfin, l’élaboration d’une vision stratégique alignée sur les priorités institutionnelles est nécessaire, en choisissant prioritairement des fonctions où l’impact de l’IA sera maximum.
- Mai Lan Tran