Jean-Pierre Helfer et Michel Kalika
Il séduit de plus en plus les managers expérimentés qui veulent réaliser une thèse appuyée sur leurs pratiques managériales. Le développement du DBA (Doctorate of Business Administration) en France est au cœur d’un Livre Blanc, «DBA, La Recherche en Management au Bénéfice des Entreprises », soutenu par la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) et initié par les professeurs Michel Kalika et Jean-Pierre Helfer. Président du Business Science Institute – Groupe Igensia Education pour le premier, pour ls second professeur honoraire, iaelyon School of Management et directeur de la recherche à Excelia Business School et professeur émérite à IAE Paris – Sorbonne Business School, ils nous en expliquent les enjeux.
Olivier Rollot : Pourquoi publier aujourd’hui ce livre blanc ?
Michel Kalika : L’idée nous en est venue lors de la remise, en octobre 2024, au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche d’un rapport sur le doctorat et les entreprises qui ne mentionnait absolument pas le DBA. Nous formons des docteurs et on ne le sait pas assez. Les DBA accrédités par l’Amba au Royaume-Uni y sont considérés comme des programmes doctoraux quand ils sont ignorés en France. Cette non-reconnaissance devient un handicap.
Jean-Pierre Helfer : Nous avons deux objectifs fondamentaux : la connaissance et la reconnaissance. La connaissance parce que nous faisons le constat, qu’en France particulièrement, le DBA est encore peu connu dans les entreprises et le milieu académique ; même si la Fnege les signale dans son Observatoire des thèses.
Reconnaissance parce que sans accréditation – Cefdg, Cdefm, réseau des IAE -, on est à peu près inexistant. Or il existe des standards de qualité pour les DBA qu’il faut faire reconnaitre. Si le doctorat n’est pas aujourd’hui scruté par la Cefdg (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion) c’est que c’est un diplôme d’État. Le DBA lui pourrait l’être. Ou inscrit au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles).
La liberté de créer des formations dans l’enseignement supérieur est écrite dans le Code de l’Education. Nous ne sommes pas des acharnés de l’accréditation mais il faut respecter des standards pour donner de la confiance.
M. K : Après dix ans de travail sur le développement du DBA il se présente un peu comme le MBA il y a quelques décennies. Notre conviction est qu’il est utile à la société et aux managers. Mais il faudrait aujourd’hui pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie alors que nous voyons apparaitre des programmes de DBA en un an ou deux, sans thèse, ou avec un professeur qui suit quinze thèses à la fois. Dans ce Livre Blanc nous mettons justement l’accent sur dix DBA, préparés dans douze institutions, qui possèdent les qualités inhérentes à des DBA de qualité.
O. R : Justement : qu’est-ce qui fait la qualité d’un DBA ?
M. K : Un DBA de qualité c’est un sujet amené par un manager en relation avec son entreprise et son expérience. Un sujet qui conduit à des résultats utiles aux entreprises. C’est un vrai enjeu pour l’enseignement supérieur de mettre en avant des sujets de recherche portés par des managers qui ont fait œuvre utile pour leurs entreprises. Les DBA changent ainsi le regard sur la recherche doctorale en mettant en avant le rôle du terrain et des recommandations managériales.
J-P. H : De manière générale les sujets pratiques sont de plus en plus mis en avant dans la recherche. Les nouveaux standards Equis mettent ainsi en avant le « practice oriented » et le mot « impact » est l’un des trois grands sujets qui apparaissent constamment. Il faut que la recherche débouche sur du concret et le DBA le fait parfaitement. Nos candidats au DBA viennent nous rencontrer avec un sujet et nous nous inscrivons ainsi dans une tendance où les contributions vont vers l’utile.
J’en ai dirigé cinq et je peux dire que c’est le bonheur pour un professeur. Marcher sur deux jambes, la rigueur de l’académique et la pertinence de la pratique, c’est tellement plus confortable. Mais attention : je ne mets absolument pas l’académique de côté. Les thèses classiques ont également toute leur place. Je suis un professeur à 360° !
O. R : Vous mettez en avant dix programmes. Pourquoi ceux-là précisément ?
J-P. H : Ce sont dix programmes qui répondent à nos préconisations mais ne sont pas les seuls. Nous ne sommes pas exhaustifs. ESCP et Dauphine ont d’ailleurs préféré appeler leurs programmes Executive PhD ce qui complique la compréhension du public.
M. K : Ces programmes s’appuient sur une recherche et suivent le référentiel produit par l’organisme Equal qui définit deux programmes doctoraux différents en business et management. Un DBA n’est ni un « MBA plus » ni un « PhD moins » et nous en définissons bien les contours dans notre Livre Blanc. Pour nous faire bien comprendre nous présentons également 20 illustrations d’impact de thèses de DBA, réalisés par des managers âgés en moyenne de 40 ans, qui s’appuient sur une vraie thèse et un vrai encadrement.
O. R : Combien de personnes sont-elles aujourd’hui en cours de réalisation d’un DBA en France ?
M. K : Ils sont autour de 1 000 dans les dix programmes que nous mentionnons qui ont déjà diplômé 1 300 personnes.