NOUVELLES TECHNOLOGIES

IA et enseignement supérieur : une relation de plus en plus profonde

C’est un raz de marée ! Selon une passionnante étude britannique parue cette semaine, Student Generative AI Survey 2025, ce sont aujourd’hui 92% des étudiants britanniques qui utilisent les intelligences artificielles génératives (IAG). Ils étaient seulement 66% en 2024. Alors que 88 % ont utilisé la IAG dans les évaluations – contre 53 % en 2024 – les principales utilisations sont d’expliquer des concepts, de résumer des articles et de suggérer des idées. 18 % des étudiants interrogés ont même inclus des textes généré par l’IA directement dans leur travail.

Pour avancer aussi vite que leurs étudiants de nombreuses collaborations naissent entre les universités. Sciences Po annonce ainsi cette semaine sa participation à NextGenAI, un consortium qui réunit des universités mondiales de premier plan (Harvard, Oxford, MIT, etc.) et OpenAI, le créateur de Chat GPT. En France onze établissements ont formalisé une alliance pour développer ensemble des IA françaises pour l’enseignement supérieur avec Mistral AI et EdTech France. Sans aller jusque-là les initiatives se développent partout pour former aux IA.

Pourquoi les étudiants britanniques utilisent les IA (Source : Student Generative AI Survey 2025)

Des consortiums pour favoriser le développement des IA

Harvard, Oxford, MIT, Caltech, etc. Sciences Po rejoint le fabuleux consortium d’universités américaines et britanniques monté par OpenAI. Sciences Po y mènera une expérimentation de 3 ans pour « explorer les impacts de l’IA sur la forme et la dynamique des débats publics en ligne ». En France les universités Bordeaux Montaigne, de Haute Alsace, Montpellier, Nîmes, Picardie Jules Verne, Rennes, Paris Est Créteil, Sorbonne Université, Toulouse Jean Jaurès ainsi que l’École des Mines de Paris et le Cnam constituent une alliance avec l’entreprise Mistral AI, à qui on doit l’IA Le Chat,  et EdTech France « ouverte à tous les établissements qui souhaitent enrichir leurs systèmes d’information par l’IA et déployer des solutions fiables pour une expérience d’apprentissage des étudiants plus fluide et personnalisée, pour des pratiques pédagogiques ». Les travaux s’appuieront sur les technologies Mistral AI et sur les solutions des startups edtech françaises déjà utilisées par les enseignants et les étudiants. Au programme notamment la publication d’une charte et d’un guide de L’usage des IAgen dans l’enseignement supérieur et le « prototypage d’un RAG ».

Dans les IA le Graal s’appelle en effet Retrieval Augmented Generation (RAG) qui combine la recherche d’informations (retrieval) et les LLM qui génèrent du contenu en s’appuyant uniquement sur les informations apprises durant leur phase d’entraînement. Le RAG, en revanche, permet au modèle de consulter une base de données ou un corpus de documents externes en temps réel pour enrichir sa génération de texte (lire sur le site DataScientest). L’Université de Rennes a ainsi lancé une expérimentation d’IA générative en mars 2024, « RAGaRenn » dont le but est de co-construire un cadre d’usage de cette technologie avec l’ensemble de ses personnels. RAGaRenn est conçu pour « soutenir les interactions pédagogiques, administratives et en soutien à la recherche, ainsi que la modernisation des métiers universitaires et la collaboration métier-DSI ». Il permet également d’évaluer la valeur ajoutée de l’IA générative pour une gestion durable des ressources (budgétaires, environnementales) par une évaluation des impacts associés.

Une plateforme dédiée aux IA à l’ECE

Doté de cartes électroniques (GPU) haut de gamme et d’un accès très haut débit à des ressources de calcul dans le cloud, l’Intelligence Lab qu’a lancé l’ECE en juin 2024 est la première plateforme pédagogique de recherche et d’innovation exclusivement dédiée à l’IA générative en France. « Depuis plusieurs années les IA sont enseignées dans nos programmes. Tous les étudiants de l’ECE acquièrent un socle de compétences en ingénierie en IA générative indispensable à son insertion professionnelle, une fois diplômé. Avec cette plateforme nous allons encore plus loin », explique François Stephan, le directeur de l’ECE.

Avec son Intelligence Lab, l’ECE met en effet à disposition de ses étudiants des infrastructures de pointe et un accès à des cartes électroniques (GPU) haut de gamme, capable d’effectuer des calculs mathématiques à grande vitesse, des accès très haut débit à des ressources de calcul dans le cloud. « Nous voulons proposer du matériel physique pour montrer à nos étudiants les ressources nécessaires au développement des IAG au-delà du cloud », souligne le directeur qui investit près de 100 000€ dans ce nouvel espace.

Des étudiants moteurs

A CentraleSupélec ce sont les étudiants eux-mêmes qui ont créé un agent conversationnel, Aristote, dans le cadre du Paris Digital Lab de leur école. Aristote permet de déposer des vidéos de cours dans un outil d’IA afin que ce dernier génère des questions, oriente l’élève vers la partie de la vidéo qu’il n’a pas comprise et lui apporte un soutien pédagogique.  Lorsque nous avons présenté l’outil, en mai 2023, dans le cadre de la conférence « IA et éducation » organisée par France Université Numérique, nous avons vu apparaître deux exigences fortes chez les enseignants. Ces derniers souhaitent absolument pouvoir valider les questions qui seraient posées aux étudiants par Aristote et s’assurer que l’IA soit souveraine », explique Renaud Monnet, directeur du Digital Lab de CentraleSupélec sur le site EdTechActu. S’il était fondé sur ChatGPT l’outil a donc a donc depuis pris son autonomie : « Nous avons coupé les ponts avec ChatGPT et utilisé des modèles open source installés sur nos propres serveurs. Nous maîtrisons maintenant la chaîne de bout en bout ». Aujourd’hui CentraleSupélec propose à tous les établissements d’enseignement supérieur d’accéder à Aristote.

Le développement de l’IAG au sein de l’ECE est également boosté par ses propres étudiants. « Deux de nos étudiants ont découvert l’IAG et se sont passionnés pour la fusion des modèles de LLM existantes en open source. Ils les ont programmés pour créer de nouveaux modèles encore plus performants. Résultat : un modèle classé n°2 par le site EQBench pour sa capacité à prendre en compte l’humain », confie François Stephan. A l’instar de ces deux étudiants en dernière année de cycle ingénieur, les étudiants de l’ECE montent en effet de nombreux projets – 200 par an ! – avec les entreprises partenaires de l’ECE qui viennent présenter des cas d’usages. L’Intelligence Lab offre ainsi l’opportunité aux entreprises, mais aussi aux partenaires académiques de l’ECE, de concevoir des projets innovants, de recruter des talents et de tisser des liens avec des acteurs clés du secteur.

Initier tous les étudiants

Afin de « comprendre les intelligences artificielles génératives, en maîtriser les possibilités et les limites et en adopter un usage raisonné et critique », le groupe Excelia déploie un nouveau module d’enseignement à l’intention de tous ses nouveaux étudiants pour la rentrée 2025. L’objectif n’est pas seulement de former les étudiants à la maîtrise des outils d’IAGen, mais bien de « leur permettre d’acquérir la culture nécessaire pour réfléchir à leur usage (enjeux éthiques, forces et faiblesses des outils…) » et de les « préparer aux bouleversements qu’ils induisent, que ce soit dans leurs études ou dans un contexte professionnel ».

Une démarche désormais au cœur du développement des écoles de management et tout particulièrement de IMT Business School comme l’explique Herbert Castéran, son directeur : « L’IA et notamment l’IAG révolutionne les métiers dans les entreprises, quel que soit le secteur. Nous accompagnons bien évidemment cette révolution, grâce à une expertise établie de longue date au sein de notre Faculté, et nous renforçons les innovations pédagogiques depuis l’arrivée massive de l’IA générative ». Là aussi chaque étudiant primo-entrant est ainsi initié à l’IA générative dans le cadre d’un atelier intégré à la semaine de rentrée. L’initiation est axée sur le potentiel des différents outils appliqués à la formation, avec une sensibilisation aux biais et une invitation à un usage éthique.

Des utilisations multiples

Directeur général adjoint du numérique de Neoma, Alain Goudey note quant à lui qu’« il y a deux types d’utilisateurs. Les « good enough » – 44% des utilisateurs selon une enquête nationale parue en mai 2024 – qui considèrent qu’en une heure ils ont eu ce qu’il leur fallait et vont rendre une copie copiéecollée de l’IA sans se poser de questions, et les autres qui veulent améliorer la qualité de la réponse ». Son message aux étudiants aujourd’hui : « Vous pouvez aller plus loin que les promotions précédentes avec des IA qui sont des facteurs d’amélioration dans la phase de production d’idées ». Un exemple : Neoma demande à ses étudiants de réfléchir à placer des capteurs dans des objets pour produire de l’information. Avec l’IA ce sont des centaines d’objets possibles qui leur sont proposés en quelque secondes : la génération d’idées va plus vite et dans un volume plus grand.

Les IA vont aussi d’aider les étudiants dans leur vie quotidienne. L’Amue (Agence de mutualisation des universités) lance ainsi en 2025 une expérimentation, soutenue par le MESR et France Universités, qui vise à améliorer l’accès à l’information des étudiants grâce à des outils numériques fondés sur l’IAG. Formation, aides financières logement, services, l’enjeu est de « fournir aux étudiants des informations claires, personnalisées et accessibles » tout en « garantissant la souveraineté des données et la protection de la vie privée des étudiants ». Un prototype pourrait à terme être généralisé et proposé à l’ensemble des établissements d’ESR.

Previous ArticleNext Article
Avatar photo
Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.