D’année en année les écoles de management sont de plus en plus nombreuses à organiser des stages avec les armées. Neoma BS forme ainsi ses business developers au sein de la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.
7 h Les yeux embrumés par le sommeil, les 32 étudiants du mastère spécialisé Business development et clients grands comptes de Neoma Business school arrivent dans la salle où va se dérouler l’épreuve finale de leur stage de trois jours au sein de l’École militaire de Saint-Cyr, à 30 kilomètres de Rennes. Leur objectif : membres d’une ONG, ils ont trois heures pour définir comment monter un camp qui devra accueillir les 800 réfugiés d’un tremblement de terre. Répartis en trois groupes d’une dizaine de membres, ils se regardent, un brin dépassés par le challenge qu’on leur soumet, sous les yeux amusés de leurs mentors, d’anciens militaires qui en ont vu d’autres du Rwanda à l’Afghanistan.
Nos 32 étudiants sortent de deux journées visiblement éprouvantes… « Nous avons enchaîné des épreuves physiques pas forcément très fatigantes mais éprouvantes », raconte Mathilde, qui avoue avoir pleuré quand on lui a demandé de se lancer dans le vide attaché à une tyrolienne : « Jamais je n’aurais cru pouvoir le faire mais la force du groupe c’est de vous aider à vous prouver que vous pouvez dépasser vos peurs. Nous avons réussi le deuxième jour ce que nous n’aurions jamais imaginé faire le premier ».
A 25 ans, diplômés d’une école de management, Mathilde a décidé de s’inscrire dans ce mastère spécialisé après trois ans de vie professionnelle pour accroître sa compétence et mieux gérer son stress – « la possibilité de réaliser ce stage à Saint-Cyr a été déterminant dans mon choix » -, et suit trois jours de cours tous les quinze jours tout en réalisant un contrat de professionnalisation. La plupart des 32 participants sont là pour parfaire leur formation après leur diplôme d’ingénieur, de manager ou un master universitaire mais deux sont un peu plus âgés et expérimentés. « J’avais décidé de travailler après mon BTS et ma licence pro mais je sentais qu’il fallait que j’acquiers plus de compétences pour progresser », confie Romain, directeur commercial d’une grande entreprise de l’emballage, ravi de son stage à Saint-Cyr : « Peu à peu on voit comment les personnalités s’affirment et les mentors insistent constamment sur ce que peut nous apporter chaque épreuve dans notre travail ensuite ».
Le stage est organisé par un centre de formation continue, Saint-Cyr formation continue, créé il y a cinq ans par l’École militaire de Saint-Cyr pour transférer ses méthodes de management dans le civil. « Dans le monde, seule l’académie militaire de West Point, notre équivalent aux États-Unis, est structurée comme nous pour délivrer ce savoir », confie Romain de Bondy, le directeur du centre de formation, qui regarde avec envie les 25 millions d’euros de chiffre d’affaires de sa consœur américaine.
Aujourd’hui le centre dispense une cinquantaine de formations chaque année, pour 60% à des entreprises (de grands groupes comme Veolia ou Bouygues mais aussi des PME, des collectivités ou même des… séminaristes) et 40% des grandes écoles et universités (Neoma, HEC, Essec, Paris 2 etc.). « Notre partenariat a maintenant quatre ans et beaucoup de nos étudiants choisissent le mastère pour profiter de ce stage très formateur en termes de cohésion d’équipe et de réalisation de soi », réagit la responsable du mastère, Odile Letrillart, dont l’objectif est de « former des professionnels capables de réagir vite sur des modèles tendus dans le cadre de négociations sur des grands comptes ».
9 h Dehors les vrais étudiants de Saint-Cyr marchent au pas pour rejoindre leurs lieux de travail. À l’intérieur de leur bâtiment, il y a maintenant deux heures que les étudiants du mastère spécialisé de Neoma triment sur leur projet. Le moment pour leurs mentors de les recadrer un peu. « Confrontés à une situation totalement inédite pour eux les groupes réagissent très différemment », confie l’un d’eux, passionné par sa mission et qui rencontre chaque année des étudiants mais aussi beaucoup de salariés, et même parfois de hauts dirigeants. « Nous concevons pour chacun des stages clés en main, en fonction de leurs objectifs mais aussi de leur âge. Il ne s’agit jamais d’épuiser les participants mais de les faire se dépasser pour leur faire prendre conscience de leurs capacités et de leurs lacune dans le commandement », reprend Romain de Bondy.
Chaque participant prend en effet le commandement du groupe à son tour et le conduit dans des épreuves qui vont du franchissement d’un obstacle – en s’aidant les uns les autres, voir la photo – à la recherche d’une sortie la nuit dans une maison dont toutes les issues semblent bouchées. Dans cette épreuve, les participants n’ont qu’un bâton lumineux à disposition et doivent chercher la sortie sans parler bruyamment. « Nous avons fini par sortir par les canalisations et il était déjà près d’une heure du matin », se souvient Mathilde, surtout heureuse de voir la cohésion et la bienveillance du groupe : « Certains, vraiment claustrophobes, était soutenus par les autres pendant que les plus confiants trouvaient la solution ».
Si pour Mathilde la principale épreuve a surtout été de dépasser ses peurs, dont celle du vide, pour Steve, un jeune ingénieur bâti comme un athlète, il s’agissait surtout de parfaire son management : « J’ai conscience de parfois écraser les autres et ce que j’ai appris ici c’est qu’il fallait aussi savoir suivre le groupe ». « Nous insistons beaucoup sur la bienveillance qu’il faut avoir vis-à-vis de l’autre », assure Romain de Bondy, qui conçoit ses stages en fonction de l’âge et de l’objectif de chaque entreprise ou école : leadership, efficacité collective, gestion de crise, etc.
10 h Il y a maintenant trois heures que les groupes travaillent et leurs mentors ne leur ont pas facilité la tâche en ajoutant des problèmes logistiques : un camion rempli de tentes a brûlé, des routes sont impraticables… à chaque fois ils ont dû réagir, établir un plan d’action, sécuriser la zone, trouver de l’eau, des rations de survie, diriger un hélicoptère, en un mot s‘organiser. Un peu hésitants au début ils se sont pris au jeu et ne prennent plus leur mission avec distance comme au début. Il est vrai que le grand moment arrive : ils doivent présenter le résultat de leurs cogitations au préfet, joué par Romain de Bondy. Trois groupes, trois approches : l’un a réalisé une carte très précise, le second une carte moins élaborée mais plus claire, le troisième n’y a pas pensé.
Manon dirige le deuxième groupe pour l’occasion : si son enthousiasme en a bluffé plus d’uns les deux premiers jours, les encadrants du stage se demandaient un peu quel serait son style de commandement. Il se révèle très participatif et elle confie même à l’un de ses « subordonnés » au sein de l’ONG le soin de présenter son plan de campagne à un préfet visiblement impressionné par leur performance. « Tout ce stage restera gravé dans notre mémoire. J’y ai découvert des personnes qui resteront des amis et les mentors nous ont permis de créer une véritable cohésion d’équipe en nous entraidant dans un bon esprit », raconte la jeune femme, qui fit longtemps du scoutisme et a retrouvé le même esprit dans le stage : « On partage tout, les dortoirs, les douches, les rations, le même uniforme et on perd vite notre masque de Parisien bon teint ! » Ce sentiment d’appartenance est si fort que les participants se retrouvent ensuite sur des pages Linkedin ou Facebook et que des associations d’ « anciens » voient même le jour dans les entreprises habituées au rendez-vous.
11 h Le stage se termine par un debriefing final. Comme après chaque exercice le leader juge sa prestation avant d’être jugé par les autres participants et de donner lui-même son avis sur les autres. « C’est la partie la plus intéressante parce que chacun est interpellé sur son comportement, son savoir être, son savoir-faire. Une vision de soi-même appuyée sur neuf ou dix miroirs », explique Romain de Bondy, qui constate à chaque fois que « des barrières psychologiques, et en particulier celle de la hauteur, dont beaucoup ont une peur panique, sautent grâce au groupe » et que « chacun en tire de la fierté ». Le tout en appliquant constamment les méthodes de l’armée à l’entreprise, rappelle Romain de Bondy pour lequel « le transfert à l’entreprise se fait naturellement » : « Il ne faut pas croire que dans l’armée on obéit sans réfléchir. La génération Y nous connaissons aussi ! ».
Habitué aux séminaires de cohésion dans son entreprise, Romain a beaucoup apprécié cette pédagogie : « La force de l’armée c’est de souder les équipes, quand on voit ce que peuvent faire les autres on a envie d’en faire autant ». Plus largement, il apprécie le « recul sur son métier que lui permet de prendre le mastère ». Et c’est bien là le but d’Odile Letrillart : différencier son mastère des autres par une approche plus volontaire des fonctions commerciales : « Nous devenons peu à peu une pépinière opérationnelle que les entreprises s’arrachent ! ».
12 h Avant leur retour à Paris, chaque participant reçoit un diplôme à son nom signalant qu’il « a suivi avec succès le stage « leadership, esprit d’équipe et gestion des situations difficiles » organisé par Saint-Cyr formation continue au profit de NEOMA business school » signé par le général Antoine Windeck, comment des écoles Saint-Cyr Coëtquidan. Un beau souvenir !