INTERNATIONAL, Non classé, POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Comment les grandes écoles permettent aux étudiants de se bâtir un profil international

Six mois au Japon, autant à Singapour, trois mois dans l’immobilier à Londres, un trimestre à l’université Luiss de Rome, ce n’est pas un parcours de découverte du monde mais celui d’une étudiante de l’Essec de la promotion 2011. Un profil international ne peut plus être aujourd’hui uniquement européen. La Grande-Bretagne ou en Espagne ne sont finalement que nos marchés domestiques. Les entreprises recherchent aujourd’hui des profils qui sont allés en Asie, en Afrique ou en Amérique. « L’international est le terrain de jeux naturel de nos étudiants, explique Jean-François Fiorina, le directeur de l’ESC Grenoble. C’est totalement naturel pour eux de décider en quelques secondes de prendre un billet pour Prague ou Venise alors que pour notre génération – il est né en 1964 – c’était un privilège d’aller à l’étranger. »

Pour rester en contact alors qu’ils sont aux quatre coins de la planète, les étudiants de l’ESC Grenoble organisent ce qu’ils appellent des « repas Skype ». Le principe est simple : avec le décalage horaire certains prennent leur petit déjeuner, d’autres déjeunent, d’autres enfin dînent ensemble en communiquant par Skype. Quant aux étudiants de l’EPF, une école d’ingénieurs d’Ile de France, ils décrivent leurs expériences aux 4 coins du monde sur leur blog.

Séjour quasi obligatoire

A l’image de l’Essec ou de l’ESC Grenoble, les périodes de cours ou de stages à l’étranger sont devenues obligatoires dans les grandes écoles de management, avec des durées qui vont de 6 mois à 1 an. Ce n’est pas encore le cas dans toutes les écoles d’ingénieurs. « Nos élèves suivent maintenant tous au moins un semestre à l’étranger et un tiers une année complète », précise Alain Bravo, directeur général de Supélec, l’une des écoles les plus en pointe sur le sujet. « Que ce soir en stage dans une entreprise ou dans une université, nous demandons à tous nos élèves de partir au moins trois mois », explique de son côté Serge Bastide, responsable des relations internationales de l’Ecole des Mines d’Alès.

A l’université tout dépend de l’inclination plus ou moins internationale des filières, même si les programmes Erasmus permettent à quasiment tous les étudiants d’avoir leur chance de partir en Europe. Enfin, les élèves de BTS et de DUT ont souvent beaucoup de mal à s’expatrier du fait de leur niveau d’études. Les universités préfèrent en effet des étudiants plus murs, au moins déjà en licence ou en première année de master. Mais ce n’est pas impossible pour autant, et même parfois dans le cadre d’un cursus en alternance. « Dans le cadre du nouveau BTS assistant de management, une période de cours à l’étranger est obligatoire. Nous sommes parvenus à convaincre les entreprises de laisser partir leurs apprentis pendant 3 mois à l’étranger– et de les payer ! », se félicite ainsi Jean-Michel Perrenot, qui dirige l’IGS Lyon.

Comment se déroule la sélection ?

Parce qu’il y a plus d’étudiants qui souhaitent aller à Cambridge qu’à Helsinki, une sélection s’opère en amont. « C’est simple, les élèves les mieux classés d’un point de vue académique sont prioritaires », commente Serge Bastide. Histoire d’être sûrs de la motivation et de la maturité de ceux qui seront leurs porte-drapeaux, les universités sélectionnent les candidats sur dossier. « Nous ne pouvons pas faire partir quelqu’un dont le comportement risquerait de mettre en péril nos relations avec l’université partenaire, commente Anne Salles en charge de la coordination Erasmus pour la filière langues étrangères appliquées (LEA) de Paris IV La Sorbonne. La moindre des choses est d’être certain que les candidats sont assidus en cours ! »

L’important étant alors d’avoir un bon niveau en langues. L’Ecole des mines d’Alès demande à ses élèves de pratiquer deux langues vivantes et leur niveau est testé par le passage du TOEIC ou du TOEFL. Si les universités britanniques demandent un bon niveau, les autres pays sont plus compréhensifs, notamment quand les cours sont dispensés en anglais. « Sur place, si vous devez suivre les cours et rédiger dans la langue d’accueil, il est néanmoins possible d’indiquer sur sa copie « étudiant Erasmus » histoire d’être noté de façon plus compréhensive sur sa maîtrise de la langue », conseille Anne Salles. Pensez avant de partir à demander si l’université d’accueil dispense des cours de langue aux étudiants Erasmus.

Un « rapport d’étonnement » au retour de l’étranger

S’expatrier change vite la vision du monde. « Dans un environnement multiculturel, nos étudiants comprennent vite comment concevoir un produit en Europe, en faire construire les composants à Taïwan et les assembler en Chine », explique Alain Bravo. Pour analyser leur séjour et en faire profiter les promotions suivantes, l’Essec demande à ses élèves expatriés de rédiger un « rapport d’étonnement » à leur retour en France. « Je peux vous dire qu’au retour de 3 mois en Chine dans une start-up nos étudiants sont scotchés par le dynamisme des jeunes Chinois », commente Françoise Rey, la directrice du programme grande école de l’Essec : « Comment voulez-vous ne pas être transformé quand, dans le cadre de notre cursus apprentissage, vous avez passé 6 mois chez Total à Chicago, enchaîné là-bas par six mois de cours au sein de la Booth School of Business et êtes reparti, toujours chez Total, à Doha au Quatar ? Des cursus comme celui-là nous en avons aujourd’hui plein. Il n’y a plus deux étudiants pareils ! »

Olivier Rollot

  • Une nouvelle collection sur la géopolitique aux PUF La géoéconomie et la géopolitique? Des disciplines en rapide expansion qui figurent à un nombre croissant de concours et d’examens. Les entreprises le réclament, afin de recruter des cadres capables d’analyser rapidement les enjeux et les risques d’une situation et de comprendre la diversité des nations et des cultures. Elles se situent à l’interface de l’histoire, de la géographie, de l’économie, de la sociologie et de la science politique dont elles opèrent une synthèse en perpétuelle évolution. D’où le lancement cette année d’une nouvelle collection « Géopolitique » aux PUF. Les trois premiers titres sont : « Géopolitique des pays émergents », « Géopolitique de la France », « Géopolitique du Brésil ». Prix unique : 25 euros.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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