POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, PROGRAMMES, UNIVERSITES

Sport et enseignement supérieur : une relation encore à construire

10 000 étudiants pratiquent un sport à l’université de Bordeaux (Photo : Université de Bordeaux)

Longtemps on a entendu qu’il n’était plus possible aux pratiquants d’un sport de continuer à s’entrainer à un bon niveau une fois dans l’enseignement supérieur. Aujourd’hui c’est de plus en plus possible mais… peu d’étudiants le savent. En cette année olympique le rapport Le sport une ambition pour l’université remis à France Université permet de faire le point comme celui de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) sur le Développement de la pratique sportive étudiante. L’Edhec s’est quant à elle penchée sur la question « Sport et employabilité ».

Près de 60 % des étudiants ne font pas de sport

Près de 60 % des étudiants ne font pas de sport et la pratique sportive reste une activité privilégiée dans certaines filières (STAPS et filières scientifiques notamment) selon une enquête menée auprès de plus de 18 000 étudiants par L’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité, qui établit également que les étudiants restent en moyenne assis sept heures par jour, et en moyenne au moins huit heures devant un écran.

Et si les étudiants citent souvent le manque de temps comme le principal obstacle pour pratiquer une activité sportive, c’est « parfois la difficulté à organiser leur temps et à bloquer un créneau hebdomadaire (du fait d’emplois du temps qui changent selon et au cours des semaines, des périodes de stage) qui limite la pratique des étudiants », estime l’Igésr.

Au sein des universités, l’offre proposée par les services universitaires des activités physiques et sportives (SUAPS) est en effet mal connue en dépit des efforts de communication et insuffisante au regard des besoins potentiels : 75 à 80 % des étudiants ne fréquentent pas les SUAPS selon le rapport de l’Igésr. Selon le groupement national des directeurs de SUAPS, les universités ne disposeraient d’ailleurs que d’environ 650 professeurs d’EPS statutaires en SUAPS, soit un effectif pratiquement stable depuis au moins une vingtaine d’années alors que le nombre d’étudiants a largement progressé.

Si dans la majorité des spécialités de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), un créneau de deux heures hebdomadaires d’éducation physique et sportive (EPS) est prévu dans la grille horaire des enseignements, ce créneau d’EPS « semble rarement effectif » regrette l’Igésr.

A contrario les écoles d’ingénieurs comme de management favorisent nettement la pratique sportive. Les écoles du groupe INSA proposent ainsi des cours obligatoires d’EPS lors des quatre premières années de formation. es enjeux et les contenus de l’EPS se déclinent de manière différente à chaque année de formation : motricité (première année), autonomie et prise d’initiative (deuxième année), communication et stratégie (troisième et quatrième année).

Les Grandes écoles hébergent également pratiquement toutes un bureau des sports géré par les étudiants qui, moyennant un droit d’inscription, des activités sportives dans des clubs qui lui sont rattachés. Et comme le souligne l’Igésr dans son rapport « en mobilisant à la fois les équipes sportives et les équipes de cheerleading ou de pom-pom, elles sont l’occasion de déplacements en groupe qui développent le sentiment d’appartenance à l’école ». De plus l’engagement en tant qu’organisateur ou encadrant dans les bureaux ses sports (BDS) ou les clubs sportifs est valorisé dans le cursus des élèves. Il valide des compétences de prise d’initiative, de coopération ou encore de management.

Enfin, les étudiantes ont une pratique sportive en moyenne inférieure à celle des étudiants, ne différant pas en cela de ce qui est observé au niveau de la population générale (la proportion de femmes ayant une activité sportive faible est en moyenne d’au moins 10 points plus élevée que celle des hommes).

Au sein des établissements d’enseignement supérieur concernés, la CVEC (contribution à la vie étudiante et de campus) a relativement changé la donne. Mise en place depuis la rentrée 2019, celle-ci a permis de participer au fonctionnement de la pratique sportive et de financer le fonctionnement de nombreux projets d’infrastructures sportives. De même la création du label « Génération 2024 » a permis d’associer les communautés étudiantes aux Jeux Olympiques. Cependant, comme le note encore Stéphane Braconnier dans son rapport, si le dispositif a « donné des résultats quantitatifs satisfaisants (101 établissements labellisés sur 300 établissements labellisables – près de 80 % des étudiants touchés par le label), ce dernier n’est pas suffisamment valorisé sur le plan qualitatif ». 

Sportifs de haut niveau : une prise en charge inégale

Où s’entraine le plus grand espoir de médailles françaises aux prochains jeux Olympiques, le nageur Léon Marchand ? Aux Etats-Unis, à l’université Arizona State ! Comme le souligne Stéphane Braconnier dans son rapport « le système universitaire français apparaît en concurrence avec d’autres systèmes universitaires plus facilitateurs, en France mais aussi à l’étranger vers lesquels les sportifs de haut niveau sont parfois contraints de se tourner pour mener leur double cursus dans les meilleures conditions possibles ».

Quant à la Fédération française du sport universitaire (FFSU), qui organise le sport de compétition, il ne concerne qu’un nombre limité d’étudiants. En décembre 2022, la FFSU compte ainsi 80 808 licences (24 987 licences féminines et 55 821 licences masculines) contre 72 463 en décembre 2019 (avant la crise sanitaire). Environ la moitié sont des étudiants des universités (soit environ 3 % des étudiants des universités)et l’autre moitié des étudiants des écoles.

Pourtant de nombreux dispositifs sont proposés par les universités aux sportifs de haut niveau. A l’université de Haute-Alsace, les sportifs de haut niveau peuvent obtenir une note dans le cadre d’une UE « libre ». À Sorbonne Paris Nord, les aménagements d’emplois du temps sont encouragés et la réalisation des licences en plus de trois ans est largement autorisée. À l’Université Paris Dauphine-PSL comme à Grenoble Alpes par exemple, les sportifs de haut niveau sont intégrés à un parcours spécifique « Talents ».

Côté Grandes écoles l’ESC Clermont Business School a par exemple créé une filière « Passion sport » qui met en avant la double compétence, académique et sportive. Elle mixe des sportifs de haut niveau avec des étudiants passionnés de sports qui veulent donner une coloration sportive à leur cursus. Clubs et fédérations de tous bords ont rejoint le dispositif à l’instar de l’ASM Clermont Auvergne, l’équipe de rugby avec laquelle la filière a été créée.

Que faire pour améliorer la pratique sportive chez les étudiants ?

Dans son rapport Stéphane Braconnier insiste sue la nécessité de « créer un référent sport unique à l’Université pour l’accompagnement du sport de haut niveau, la promotion de la pratique sportive et la programmation des équipements sportifs ». Ce référent aurait pour mission de centraliser les informations relatives à la pratique sportive, d’avoir une vue d’ensemble des dispositifs mis en place dans son établissement, et pourrait également servir de relais entre les différentes instances dans lesquelles sont discutées les politiques sportives universitaires. L’Igésr préconise quant à elle « l’établissement de dispositifs de suivis des actions mises en œuvre au travers d’une politique de recensement des pratiquants, de questionnaires statistiques, de traçabilité financière pour suivre et mesurer la réalité des engagements et des effets des politiques annoncées ».

Si la pratique du sport est gratuite ou quasi gratuite dans les universités, son financement soulève la question de l’utilisation de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC). « Aujourd’hui, l’utilisation de cet impôt, payé par tous les étudiants lors de chaque inscription à l’université, n’est pas fléchée, de sorte que son utilisation est quasiment laissée à la discrétion des universités », rappelle Stéphane Braconnier qui suggère que les universités puissent se fixer un « seuil minimum (7 ou 8 % par exemple) » de la CVEC.

Du côté de l’Igésr on constate par ailleurs que les SUAPS mobilisant pour l’essentiel les installations sportives en fin de journée, de 18 h à 22 h, celles-ci « pourraient être mieux utilisées en cours de journée à la condition d’une autre organisation des cours, voire de leur contenu, sous réserve de l’utilisation de ces équipements en journée par les étudiants de STAPS dans les universités proposant cette filière ».

Enfin la valorisation de la pratique sportive dans les systèmes de notations universitaires doit selon Stéphane Braconnier « être systématisée ». À l’Université de Limoges, la pratique d’activités physiques et sportives peut ainsi être valorisée sous la forme d’un « bonus » ou d’une «option» dans les maquettes de formation. À l’Université Lumière Lyon 2, en pratiquant le sport durant un semestre, les étudiants ont le choix entre plusieurs options et peuvent cumuler : une notation (bonus ou UE complémentaire), une non-notation en s’inscrivant sur un créneau de l’offre de formation, une pratique autonome sur les créneaux libres, une pratique compétitive en adhérent à l’association sportive. Autant de bonnes pratiques qu’il faudrait pouvoir mieux unifier dans toutes les universités pour faire vraiment du sport un apport dans tous les cursus.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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